La fusion Deutsche Börse-Nyse Euronext bousculée par le CME ?

Le numéro un mondial des produits dérivés sur matières premières regarderait Nyse Euronext de près. Il ne confirme pas l'information.
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Et si l'histoire des entreprises de marché commençait tout juste à s'écrire ? Au moment même où Deutsche Börse et Nyse Euronext dévoilaient les modalités de leur rapprochement mardi, la rumeur d'une possible contre-offensive de la part de l'américain CME (Chicago Mercantile Exchange), le numéro un mondial des produits dérivés sur matières premières, allié au Nasdaq, sur l'opérateur trans-européen circulait avec insistance dans les milieux spécialisés. « Nous n'avons pas de commentaires à faire, a spécifié dans la foulée Terrence Duffy, le directeur général du CME, si ce n'est que nous restons concentrés sur notre objectif de créer de la valeur pour nos actionnaires, en poursuivant en particulier une stratégie de croissance interne. » Côté Nasdaq, on se refusait aussi à tout commentaire. Il n'empêche. L'éventualité de voir le CME forcer la porte de Nyse euronext au nez et à la barbe de Deutche Börse n'est pas à prendre à la légère. Dans un passé récent, l'opérateur de marché s'est révélé être un redoutable prédateur. Entre 2006 et 2007, il s'est offert consécutivement le Chicago Board of Trade et le Nymex pour un total de 20 milliards de dollars. Ces opérations avaient d'ailleurs sonné le coup d'envoi à une première vague de concentration dans le secteur. Elles laissent indéniablement à penser «que le CME ne peut pas être insensible à la vague de concentration qui s'opère en ce moment sur les places de marché », relève Jon Najarian, cofondateur du site specialisé OptionMonster.com. Pour Jeffrey Carter, ancien membre du conseil d'administration du CME et qui tient un blog financier (Pointsandfigures.com) : « Ce n'est pas tant le Nyse qui intéresse l'opérateur de Chicago mais plutôt un point d'entrée sur les marchés dérivés européens. » De fait, le groupe américain pourrait bel et bien être contraint de réagir de la sorte.

Info ou intox ?

Déjà fortement implanté en Europe sur les dérivés, Nyse Euronext prévoit, en effet, de lancer le mois prochain un marché de contrats à terme et une chambre de compensation aux États-Unis, mettant sous pression le Chicago Mercantile Exchange.

Alors info, intox ? Sur le papier, le capital de Nyse Euronext est loin d'être contrôlé laissant libre champs à toute offensive y compris inamicale. Dans la réalité, le dossier est hautement politique et suivi de près par toutes les autorités locales y compris la Commission européenne, concernant les sujets de concurrence. Difficile, dans ces conditions d'imaginer une intrusion à la hussarde. D'autant que dans leur première réaction, mardi soir, les différentes parties prenantes, y compris françaises par la voie de Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace ne voyaient pas dans les modalités de l'accord trouvé avec Deutsche Börse un diktat insupportable. Elles mettaient plutôt en valeur le retour du centre de gravité vers la zone européenne et le poids consenti à l'activité cash actions, zone de prédilection de la place parisienne.

L'accord entre Francfort et New York laisse peu de place à Paris

Comme promis, les promoteurs du rapprochement entre Nyse Euronext et Deutsche Börse ont réussi à trouver un accord-cadre dès mardi. Ce projet établit les équilibres trouvés entre les deux entités. D'abord, le deal prévoit l'échange d'une action Nyse Euronext contre 0,47 de la nouvelle entité créée. Soit une prime de 10 % pour les actionnaires de la société, valorisant le titre 39 euros (qui cotait 28,45 euros à la clôture). La première Bourse mondiale sera détenue à hauteur de 60 % par Deutsche Börse et 40 % par Nyse Euronext. Elle aura deux sièges sociaux basés à Francfort et New York tout en demeurant de droit néerlandais. Des succursales seront maintenues à Paris, Londres et Luxembourg. Duncan Niederauer, l'actuel patron de l'opérateur transatlantique NYSE Euronext, sera nommé directeur général du groupe alors que Reto Francioni, le numéro un de l'entreprise de marché allemande prendra le poste de président du conseil d'administration. Dominique Cerutti sera le seul représentant français. Il aura en charge les systèmes d'information et les activités technologiques basées à Paris, La société aura un conseil d'administration de 17 membres, 15 directeurs plus le directeur général et le président. Sur les 15 directeurs, 9 seront désignés par Deutsche Börse et 6 par NYSE Euronext. Sur la base de l'exercice 2010, le nouvel ensemble devrait afficher un chiffre d'affaires combiné de 4,1 milliards d'euros pour un résultat opérationnel (Ebitda) de 2,1 milliards d'euros. Les promoteurs de l'opération ont d'ores et déjà chiffré à 300 millions d'euros les économies d'échelles envisageables et 100 millions d'euros le chiffre d'affaires additionnel lié à « la consolidation des bassins de liquidité et la commercialisation de nouveaux produits », indiquait mardi le communiqué de Nyse Euronext.

Deux grands vainqueurs

Ce projet reste encore soumis à l'approbation de la majorité des actionnaires de Nyse Euronext et de 75 % de ceux de Deutsche Börse. Vues les conditions arrêtées, il y a fort à penser que ces modalités ne devraient pas poser de problème tant les Allemands comme les Américains sortent grands vainqueurs de cette répartition des pouvoirs. La France, bien mal lotie, n'obtient qu'un modeste poste de direction, tandis que tous les grands projets de développements viendront de Francfort et New York. L'exécutif européen, qui a autorité sur les questions de concurrence dans l'Union européenne, devrait regarder de près les implications de ce projet sur le marché des dérivés. Le ministère de l'Economie du Land de Hesse, qui abrite Deutsche Börse sur son sol, peut aussi opposer son veto à l'opération.

 

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