Borne affiche pugnacité et volonté de dialogue pour ne pas "bloquer" la France

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Borne affiche pugnacite et volonte de dialogue pour ne pas bloquer la france[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

PARIS (Reuters) - Elisabeth Borne a posé mercredi le premier acte d'une "mission collective" en s'engageant à gouverner "autrement" et à bâtir des "majorités de projets" pour répondre "à la demande d'action" des Français, avec notamment une série de mesures d'aide aux ménages et un projet de renationalisation d'EDF.

Pour son baptême du feu devant l'Assemblée nationale, la Première ministre, qui avait affiché l'image de la sérénité en se rendant à pied au Palais-Bourbon avec une partie de ses ministres, a livré une feuille de route sous le sceau du "compromis", affirmant avec force sa détermination à avancer malgré une majorité relative qui la bride.

"Je ne corresponds peut-être pas au portrait-robot que certains attendaient. Cela tombe bien, la situation est inédite", a-t-elle lancé en manière de défi.

"Je n'ai pas le complexe de la femme providentielle. J'ai été ingénieure, femme d'entreprise, préfète, ministre. Mon parcours n'a suivi qu'un fil rouge : servir", a-t-elle poursuivi, fendant l'armure pour narrer brièvement son destin de pupille de la Nation et clamer sa solidité face à l'adversité.

Elle s'est attiré les quolibets des oppositions en assurant ne pas "se dérober devant les défis", alors qu'elle n'a pas sollicité un vote de confiance des députés. L'alliance de gauche Nupes a déposé mercredi avant sa déclaration une motion de censure qui pourra être débattue à partir de vendredi.

Durant près d'une heure trente, cette "techno" que des voix au sein même de la majorité disent fragilisée, a bataillé entre les invectives et les rares applaudissements pour tenter de donner un cadre à un projet présidentiel aux contours flous.

"Nous ne pouvons pas décevoir", a-t-elle lancé, relevant le taux record d'abstention aux élections présidentielle et législatives, marque d'une défiance tenace.

DECONJUGALISATION DE l'AAH

Se présentant comme le contraire d'"une femme de grandes phrases et de petits mots", elle a assuré, à la suite des consultations menées avec les groupes politiques de la chambre basse, qu'elle serait ouverte au dialogue. Mais sans citer Mathilde Panot, présidente du groupe de La France insoumise (LFI), ni Marine Le Pen, présidente des députés du Rassemblement national (RN), contrairement aux autres chefs de groupe.

"Les Français nous demandent de nous parler plus, de nous parler mieux, et de construire ensemble", a-t-elle dit.

"Je veux qu'ensemble, nous redonnions un sens et une vertu au mot 'compromis'", a-t-elle insisté, rappelant les débuts parlementaires compliqués de la Ve République, en 1958.

Ses réponses aux orateurs de groupe ont paradoxalement dérogé au registre initial d'ouverture et de conciliation, bien qu'elle ait déclaré "déceler des points de convergence", avec les élus socialistes notamment, sur des sujets comme "la protection du pouvoir d'achat", "l'inquiétude pour la planète".

Ce fut plus un discours de la méthode qu'une déclinaison de mesures concrètes, si ce n'est la déconjugalisation, réclamée de longue date par les associations, de l'allocation adulte handicapés (AAH).

Au nombre des chantiers à venir, elle a rappelé le projet de loi pouvoir d'achat, présenté jeudi en conseil des ministres, et s'est engagée à des mesures "radicales" pour lutter contre le changement climatique et favoriser une transition écologique vertueuse.

"Nous serons la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles", a-t-elle promis.

UN POUVOIR QUI "TITUBE"

Elisabeth Borne a prôné un rééquilibrage des finances publiques, alors que "les perspectives de croissance se dégradent" et un effort sur la dette à partir de 2026. Elle a jugé "indispensable" une réforme des retraites, qui n'est pas encore "ficelée".

Face aux incertitudes dans le secteur énergétique, alimentées par le conflit en Ukraine, elle a annoncé que l'Etat entendait renationaliser EDF.

"Voulons-nous bloquer ou voulons-nous construire?", a-t-elle lancé aux élus d'extrême gauche et d'extrême droite notamment, soulignant que les Français seraient les juges de paix d'une gouvernance qu'elle souhaite novatrice.

A sa suite, à la tribune, Marine Le Pen a dit n'avoir "aucune confiance" dans le nouveau gouvernement nommé lundi, fustigeant un pouvoir qui "ne réfléchit plus", qui "tâtonne", qui "improvise". "Il n'agit plus, il titube", a-t-elle lancé.

"Votre stratégie désormais, c'est sauve-qui-peut", a renchéri Mathilde Panot pour le groupe LFI.

Le président du groupe Les Républicains Olivier Marleix, dont Elisabeth Borne espère le soutien au cas par cas, a dit pour sa part que LR n'avait pas "l'intention de tout paralyser", mais qu'il ne céderait ni à la "compromission" ni aux "petits arrangements".

En réponse, la Première ministre a renvoyé dans les cordes Marine Le Pen ("nous ne vivons pas dans la même France") et Mathilde Panot (les propositions de LFI pour le pouvoir d'achat, "c'est comme placer nos économies dans les emprunts russes, c'est la banqueroute assurée!"), annonçant des débats tendus.

"Cela ne me fait pas peur, je trouve même cela enthousiasmant", a-t-elle lancé.

(Sophie Louet, édité par Bertrand Boucey)