Israël : Netanyahu concède une pause sur sa réforme judiciaire

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Manifestation a jerusalem[reuters.com]
(Crédits : Ilan Rosenberg)

par Emily Rose et Steven Scheer

JÉRUSALEM (Reuters) - Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est résolu lundi à reporter l'examen parlementaire de sa très contestée réforme de la justice, alors que le projet a provoqué de vastes manifestations dans le pays et fait craindre une rupture au sein la coalition au pouvoir ainsi qu'une escalade des tensions.

Il était difficile de mesurer dans l'immédiat si cette annonce, saluée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, allait satisfaire les détracteurs du projet ou permettre de calmer la crise, illustrée notamment par des rassemblements massifs dans la rue depuis plusieurs semaines et des grèves.

Si certains politiciens ont dans un premier temps accueilli positivement la décision du chef du gouvernement, certains alliés de celui-ci ont estimé qu'il s'agissait d'une erreur.

Les chefs de file du mouvement de contestation ont dit vouloir poursuivre les manifestations jusqu'à l'abandon du projet, qui vise à conférer au gouvernement un poids plus important dans le choix des juges et à limiter les capacités de la Cour suprême à annuler des lois votées par le Parlement.

Au cours d'une allocution télévisée en 'prime time', Benjamin Netanyahu a annoncé le report de l'examen du texte en deuxième et troisième lectures à la prochaine session de la Knesset, en avril, après la Pâque juive.

Décrivant sa décision comme "une chance d'éviter une guerre civile" et affichant sa "volonté d'éviter un déchirement de la nation", le Premier ministre a dit avoir pour objectif d'utiliser ce délai pour "parvenir à un consensus large" sur la réforme.

Il a qualifié par le passé le projet comme responsable et indispensable pour rééquilibrer les pouvoirs, alors que les détracteurs y voient une entrave à la démocratie.

L'un des partenaires de la coalition, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, issu de l'aile ultra-nationaliste, a indiqué avoir accepté le report de l'examen parlementaire du texte en échange de la garantie que celui-ci serait débattu après la Pâque juive et d'un accord pour former une Garde nationale - une démarche condamnée par l'opposition, selon laquelle cela offre à Ben-Gvir une milice personnelle.

A l'appel notamment d'Itamar Ben-Gvir, des dizaines de milliers de partisans de l'extrême droite favorables à cette réforme ont manifesté lundi devant le siège du Parlement. La police a fait savoir qu'elle renforçait son dispositif de sécurité après que les réseaux sociaux ont relayé des menaces d'attaques violentes contre des partisans de la gauche.

"ACCENTUER LA PRESSION"

L'une des chefs de file de la contestation, Shikma Bressler, a estimé que Benjamin Netanyahu tentait d'affaiblir le mouvement. "Il n'est pas l'heure d'atténuer la pression, mais de l'accentuer", a-t-elle dit.

Benjamin Netanyahu, jugé pour des accusations de corruption qu'il rejette, a garanti par le passé qu'il protégerait les droits civiques, tout en déclarant qu'il ne modifierait pas le coeur de la réforme.

La décision annoncée lundi soir intervient aussi après qu'un syndicat majeur, Histadrut, a exprimé sa désapprobation à l'égard de la réforme et du limogeage dimanche du ministre de la Défense, Yoav Gallant, favorable à une suspension du projet.

A l'initiative de Histadrut, les vols au départ de l'aéroport Ben-Gourion ont été suspendus dans la journée. La menace d'une grève pouvant concerner les opérations portuaires, bancaires et hospitalières, a été levée après l'annonce de Benjamin Netanyahu.

Le président Isaac Herzog, qui était sorti à plusieurs reprise de sa réserve pour demander l'arrêt "immédiat" du processus législatif "au nom de l'unité du peuple d'Israël, au nom de la responsabilité", a déclaré qu'il s'agissait de la "bonne décision".

Dans les rangs de l'opposition politique, Benny Gantz a déclaré "mieux vaut tard que jamais", tout en indiquant n'être disposé à aucun compromis sur "les bases de la démocratie".

Cette crise intervient alors même que les services de sécurité israéliens s'inquiètent d'une possible escalade des violences dans les prochaines semaines, sur fond de tensions croissantes avec les Palestiniens, alors qu'a débuté le ramadan.

Yoav Gallant avait cité la sécurité nationale et la "profonde division" au sein de la société israélienne pour exhorter Benjamin Netanyahu à suspendre la réforme.

Son limogeage a mis en exergue les divisions au sein de la coalition ultra-conservatrice au pouvoir depuis environ trois mois et provoqué dimanche d'importantes manifestations nocturnes à Jérusalem et Tel Aviv.

(Reportage Emily Rose et Steven Scheer, avec Maayan Lubell, Ari Rabinovitch, Dan Williams, Henriette Chacar, Nidal al-Mughrabi; version française Jean Terzian)