EDF : L'impact des corrosions du parc nucléaire sera plus lourd que prévu

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Edf revoit a la hausse l'impact de la baisse de production nucleaire sur son ebitda en 2022[reuters.com]
(Crédits : Dado Ruvic)

par Benjamin Mallet

PARIS (Reuters) - EDF a une nouvelle fois revu à la baisse ses perspectives de production nucléaire en France pour 2022 en raison des défauts de corrosion détectés sur certains de ses réacteurs, dont l'impact sur les résultats du groupe sera par conséquent plus important que prévu.

Le producteur et distributeur d'électricité, détenu à 83,9% par l'Etat français, a indiqué dans un communiqué publié dans la nuit de mercredi à jeudi que sa production nucléaire devrait s'établir entre 280 et 300 térawatts-heure (TWh) en 2022, contre un niveau de 295 à 315 TWh prévu précédemment.

L'impact négatif sur son bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (Ebitda) est désormais attendu à environ 18,5 milliards d'euros, contre une estimation de 14 milliards annoncée début mai.

Il s'agit de la troisième révision à la baisse des perspectives de production du groupe pour 2022 depuis le début de l'année. Pour 2023, la dernière prévision en date est inchangée, à un niveau compris entre 300 et 330 TWh.

Vers 11h45, l'action EDF limitait cependant son repli à 0,81%, des analystes soulignant que le groupe ne prévoit pas d'arrêts supplémentaires liés au problème de corrosion en 2022.

Après avoir détecté fin 2021 ce phénomène, qui se traduit par des microfissures sur des tuyauteries de systèmes de sécurité, EDF a procédé ces derniers mois à l'arrêt ou à la prolongation d'arrêts de 12 réacteurs, sur les 56 que compte le parc français, pour réaliser des examens approfondis et procéder le cas échéant à des réparations. A ce stade, le défaut a été formellement détecté sur quatre réacteurs.

Sur la base de ses premiers contrôles et simulations, le groupe a fait état jeudi d'un "développement lent de la corrosion" et de "l'existence d'une zone de compression qui bloque l'évolution du phénomène".

Ayant établi un programme de contrôles pour l'ensemble du parc nucléaire français, EDF considère à ce stade pour 2022 "qu'il n'est pas nécessaire d'anticiper de nouveaux arrêts de réacteurs pour réaliser ces contrôles".

DES ARRÊTS PROLONGÉS DE PLUSIEURS MOIS

Il a cependant dû prolonger les arrêts de dix réacteurs, parfois de plusieurs mois, ce qui explique la révision à la baisse de ses perspectives de production.

"La filière nucléaire fait preuve d'une mobilisation sans précédent pour remplacer les portions de circuits affectées par la corrosion sous contrainte sur les réacteurs concernés", selon le groupe.

EDF a indiqué avoir lancé des demandes d'approvisionnements en tubes et coudes auprès d'aciéristes européens, avec l'objectif d'obtenir les premières pièces de rechange "avant l'été".

Les échanges avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le sujet se poursuivent, celle-ci devant valider les réparations proposées par EDF à une échéance que le groupe ne souhaiterait pas plus lointaine que fin juin.

Mardi, le président de l'ASN a une nouvelle fois qualifié les défauts de corrosion de "sérieux", ajoutant que leur traitement passerait par un programme "de grande ampleur" et prendrait "plusieurs années", tout en précisant que le problème ne semblait pas concerner la famille des 32 réacteurs de 900 mégawatts (MW) - les plus nombreux du parc français.

EDF a confirmé cette hypothèse jeudi, qui pourrait s'expliquer par un design différent des réacteurs plus puissants et plus récents.

LE DESIGN, UNE CAUSE "IMPORTANTE"

"Cette cause design est importante. Pour l'instant, très clairement on a la conviction qu'elle explique (...) pourquoi nos réacteurs les plus anciens semblent moins exposés, ou peu ou pas exposés", a déclaré Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire, lors d'une conférence de presse.

EDF, par ailleurs pénalisé par la décision du gouvernement l'obligeant à céder davantage de production nucléaire à ses concurrents pour limiter la hausse des tarifs, a dû procéder au début du printemps à une augmentation de capital de 3,16 milliards d'euros, à laquelle l'Etat français a souscrit à hauteur de 2,7 milliards environ.

"Nous pensons qu'il faudra plus, surtout compte tenu de la renaissance du nucléaire annoncée par le gouvernement français", a estimé JP Morgan dans une note. "La crise actuelle rend plus légitime que jamais ce projet, et l'ambition de reréguler le parc nucléaire d'EDF ou de le nationaliser."

Les difficultés du parc nucléaire fragilisent la stabilité du système électrique français dans son ensemble et contribuent à la hausse des prix de marché en Europe. Jeudi matin, selon les données compilées par Reuters, la disponibilité des réacteurs d'EDF ne s'établissait qu'à 52,7%.

(Reportage Benjamin Mallet et Camille Raynaud, édité par Jean-Michel Bélot et Sophie Louet)