La Maison européenne de la photographie sort de sa réserve

Au fil des années, la MEP a amassé un nombre incalculable d'icônes, souvent grâce à l'aide de mécènes généreux ou d'artistes ayant offert leurs images à l'institution.
« Brighton Beach », 1975, de Seymour Jacobs. Tirage gélatino-argentique

Inutile de pousser la porte, elle est blindée. De se laisser enfermer à l'intérieur. Il ne fait pas plus de 4 °C. D'ailleurs, il n'y a - à première vue - rien d'étincelant ici. Des cartons gris sagement rangés par zone géographique et des tableaux recouverts de morceaux de plastique. Mais il suffit d'ouvrir ces mêmes boîtes pour voir surgir des icônes de la photographie.

Car c'est ici, dans les sous-sols de la Maison européenne de la photographie (MEP) qu'est conservée la collection de l'institution parisienne. Au rayon France, voici les dernières images signées de la main d'Henri Cartier-Bresson. Là, c'est la famille rock quelque peu déglinguée immortalisée par Diane Arbus à Brooklyn. Plus loin, Pierre et Gilles jouent les mariés, dominés par une femme nue de Newton.

C'est dans les années 1980 que cette collection unique a vu le jour. Bien avant que la MEP ne sorte de terre. « C'était d'abord un fonds organisé autour de Paris », se remémore Jean-Luc Monterosso, le directeur des lieux. « À cette époque, il n'y avait pas encore de projet de musée. Alors, Henry Chapier (le président de la MEP) et moi avons commencé à confier des commandes sur Paris aux plus grands photographes. » Ralph Gibson s'y est collé le premier. Puis Boubat, Duane Michals et Bruce Davidson. Dernier en date à avoir été sollicité, Martin Parr.

La question de la collection ne s'est posée qu'à l'aube des années 1990, lorsque le projet de musée a commencé à faire son chemin. Il n'était alors pas question de concurrencer Orsay ou le musée d'Art moderne. Chapier et Monterosso se sont donc orientés vers la photographie contemporaine. « Pour nous, elle commence dans la seconde moitié des années 1950 puisque Robert Frank a réalisé son livre mythique ?les Américains? en 1955. L'année suivante paraissait l'ouvrage de William Klein sur New York. »

Si Frank et Klein représentent les figures emblématiques de la collection (la MEP possède un jeu complet des « Américains », ce qui est rare), plus de 20.000 vintages ou tirages originaux ont été acquis depuis, pour beaucoup grâce au mécénat. Car le marché de la photo s'est tellement emballé à la fin du XXe siècle qu'il est pratiquement impossible pour les musées de suivre.

Ainsi, la MEP peut s'enorgueillir de posséder un ensemble important d'oeuvres signées de photographes contemporains japonais. Il a été acheté grâce au mécénat de l'entreprise nippone Dai Nippon qui, quinze ans durant, a chaque année donné 100.000 euros à la MEP. La Fondation Neuflize Vie donne également 15.000 euros annuels à la MEP pour acheter le travail de jeunes artistes pendant le salon Paris Photo. Les artistes ne sont pas les moins généreux avec la MEP. « Ils savent que la collection est inaliénable. Et le plus souvent, nous gérons leurs dons ensemble, comme s'il s'agissait d'un bien en copropriété », explique Jean-Luc Monterosso.

Avec les années, il a fallu se mettre à l'heure du temps. La Digigraphie (impression d'art numérique) a fait son entrée dans les collections grâce au mécénat d'Epson qui offre deux tirages par an, d'une durée de vie estimée à un siècle. Yasmine Youssi

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