De l'art de la vente

Le marché de la photographie résiste à la crise mais fait preuve d'une sélectivité croissante.
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Bien qu'en novembre Paris se mue en capitale de la photographie, les États-Unis détiennent l'essentiel du marché. D'après Artprice, en 2009 seuls 4 % des produits de ventes de photographies ont été réalisés dans l'Hexagone, contre 12,89 % outre-Atlantique. Pourtant, les collectionneurs américains semblaient aux abonnés absents l'an dernier. Pour Guillaume Piens, commissaire du salon Paris Photo, ces derniers sont redevenus des acheteurs de poids. « J'ai l'intuition qu'ils seront actifs sur la foire », indique-t-il, en soulignant l'arrivée de groupes de trustees du Lacma de Los Angeles ou du MoPA (Museum of Photographic Arts) de San Diego.

Avec ou sans les Américains, le secteur ne connaît pas de crise majeure, et obéit aux mêmes règles que les autres segments du marché. « Globalement, les pièces exceptionnelles se vendent remarquablement bien, et les pièces plus communes se vendent beaucoup moins », résume Grégory Leroy, consultant pour la photographie pour Sotheby's. À l'image du médium lui-même, le marché de la photo se révèle toutefois à géométries variables. La photo primitive pâtit de son extrême rareté. D'après la base de données Artprice, la photo primitive ne représentait que 7,7 % des clichés vendus aux enchères au premier semestre 2010. Même si les collectionneurs de ce domaine ne se renouvellent pas, les musées, eux, restent actifs. De fait, en décembre 2009, à Drouot, une « Grande Vague » à Sète de Gustave Le Gray, issue de la collection de peintre Romain-Gabriel Prieur, s'est adjugée pour 360.990 euros. Dans la même vente, un ensemble de cent quatre négatifs sur papier d'Allemagne et d'Italie, datés de 1857, par Léon Gérard est parti pour 445.221 euros.

Si les amateurs plébiscitent toujours les avant-gardes du XXe siècle et quelques maîtres de l'après-guerre, ils restent vigilants sur la qualité des tirages, l'état de conservation et la provenance. Le 8 octobre, une image de 1956 de Robert Frank représentant un tramway à La Nouvelle-Orléans s'est adjugée pour 158.500 dollars chez Phillips. Deux jours plus tôt, la même image avait décroché 134.500 dollars chez Christie's. Mais dans ces deux ventes, beaucoup d'autres images plus anecdotiques et de tirages moins soignés de Frank sont restées sur le carreau.

Les créateurs à la croisée de la mode, de la photographie et de l'art contemporain ont le vent en poupe. Présent dans toute collection publique et privée qui se respecte, l'Américain Irving Penn s'impose en premier de cordée. « Les tirages d'Irving Penn sont de très grande qualité car il était très perfectionniste et aimait les procédés au platinum, constate Matthieu Humery, spécialiste de Christie's. L'objet photographique était aussi important pour lui que l'image. Acheter Irving Penn, c'est comme acheter un bon du Trésor. » L'équation belle image- sujet séduisant-beau tirage fait mouche, même si Irving a favorisé les grandes éditions. Le constat vaut aussi pour Helmut Newton et Richard Avedon. Ce dernier fait d'ailleurs l'objet d'une vente spéciale le 20 novembre chez Christie's. Le couperet frappe en revanche certains photographes contemporains dont les prix avaient décollé en flèche ces dix dernières années. Les grands paysages de Thomas Struth (voir ci-contre) ou les « Substrats » de Thomas Ruff ne font plus florès. « Le marché dans ce domaine est plus volatil, remarque Matthieu Humery. Les gens en ont assez de voir toujours les mêmes images. » D'où un intérêt croissant porté sur les pièces uniques ou les toutes petites éditions.

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