Croissance : le coup de frein se confirme pour la France

Par Grégoire Normand  |   |  1066  mots
L’intérim ralentirait nettement (+17 000 après +124 000 en 2017) alors que l’industrie perdrait à nouveau des emplois selon l'Insee. (Crédits : REUTERS/Stephane Mahe)
L'Insee prévoit que la croissance pour 2018 devrait ralentir à 1,7% contre 2,3% l'année précédente. Ce coup de mou pourrait avoir des conséquences sur le dynamisme des créations d'emploi dans l'économie française alors que le taux de chômage reste à un niveau élevé.

Le tassement de la croissance se confirme pour 2018. Selon la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée ce mardi 19 juin, le produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre a ralenti (0,2%) plus que prévu par rapport aux dernières prévisions du mois de mars dernier (0,4%). Si l'effet de contrecoup par rapport au dernier trimestre 2017 peut expliquer en partie ce ralentissement, les économistes de l'organisme public indiquent que la demande intérieure, qui constitue un moteur important de la croissance française, a freiné au cours du premier semestre. Sur l'ensemble de l'année, l'organisme public prévoit une croissance de 1,7% en moyenne annuelle après de très bonnes performances pour 2017 (2,3% et 1,1% en 2016). De son côté, la Banque de France prévoit une croissance du PIB de 1,8% pour cette année. Le gouvernement qui table sur une croissance de 2% pour 2018 semble être bien optimiste sur ses prévisions.

> Lire aussi : Croissance : Macron la chance, cela va-t-il durer ?

Une demande intérieure atone

Pour le premier trimestre, la contribution de la demande intérieure à la croissance du PIB a été moins bonne que prévu (+0,2 point contre +0,4 point). La consommation des ménages "s'est tassée plus que prévu (+0,1% contre +0,3%)". L'investissement total (entreprises, ménages et administrations) a augmenté moins qu'anticipé (+0,2% contre 1%). Le solde des échanges extérieurs a en revanche eu un impact neutre sur la croissance, ce qui représente une bonne nouvelle pour le commerce extérieur français alors que ce dernier est souvent considéré comme un point noir de l'économie tricolore.

Du côté du second trimestre, la prévision de croissance a été abaissée à 0,3% contre 0,4% initialement prévu. Le rythme de la consommation des ménages a également été revu à la baisse (+0,2% contre 0,4%), ainsi que la prévision d'investissement des ménages (0,1% contre 0,2%). La hausse de la fiscalité sur le tabac et sur le carburant ont pesé sur les prix et le pouvoir d'achat des Français.

> Lire aussiLa baisse du pouvoir d'achat pourrait freiner la croissance

L'Insee estime que le pouvoir d'achat des ménages pourrait retrouver quelques couleurs en fin d'année sous l'effet des baisses de cotisations salariales et de la réduction de la taxe d'habitation. L'investissement des entreprises resterait dynamique tandis que celui des ménages devrait décélérer. Le commerce extérieur, quant à lui, devrait soutenir la croissance économique sur la fin de l'année en raison notamment du calendrier attendu des livraisons aéronautiques. Par ailleurs, la multiplication des grèves dans les transports au cours des dernières semaines n'aurait qu'un impact dérisoire sur la croissance (d'au plus -0,1 point sur la croissance du PIB au second trimestre).

Un climat des affaires en repli

Après avoir atteint des sommets en 2017, le climat des affaires est en net recul. Cet indicateur synthétique, qui s'appuie sur des enquêtes menées auprès des chefs d'entreprise, est passé de 112 en décembre 2017 à 106 en mai 2018. Pour autant, les capacités de production continuent d'atteindre des taux d'utilisation très élevés (85%, son plus haut niveau depuis 2008). Ce qui signifie que le niveau d'activité demeure très soutenu. Au final, le PIB progresserait de 0,4% pour les deux derniers trimestres de l'année 2018 contre 0,7% sur la même période de 2017.

Des créations d'emploi moins dynamiques

Le coup de mou de l'activité devrait avoir des conséquences sur les créations d'emploi. Après une année 2017 très dynamique (+340.000 emplois), le nombre de créations devrait connaître un coup de frein en 2018 (+183.000). Cette contraction repose en partie sur la diminution des emplois aidés sur les six premiers mois de l'année. Le gouvernement avait en effet décidé de supprimer ces contrats au cours de l'été 2017. Mais cet effet "ne jouerait plus au second semestre et l'emploi non marchand n'augmenterait à nouveau  à partir de l'été."

> Lire aussi : Fin des contrats aidés : quel impact sur l'emploi ?

Selon l'Insee, les politiques d'abaissement du coût du travail "auraient un effet globalement neutre sur le contenu de la croissance en emploi en 2018, après avoir contribué d'environ +50 000 en 2017." Si des mesures mises en place sous la présidence de François Hollande comme le CICE ou le pacte de responsabilité et de stabilité permettraient de créer environ 30.000 emplois cette année, l'arrêt de la prime à l'embauche pour les PME "pèserait sur l'emploi dans des proportions comparables."

Un chômage encore élevé

Malgré de bonnes performances économiques en 2017, le chômage est rapidement reparti à la hausse au cours du premier trimestre 2018. Le nombre de chômeurs a augmenté de 83.000 et le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) à atteint 9,2% de la population active après 9% à la fin de l'année 2017 et 9,7% au troisième trimestre de la même année. Au final, le taux de chômage français devrait encore resté supérieur à celui de ses voisins de la zone euro pour l'année 2018. Les experts de l'institut de statistiques publiques tablent sur un taux de chômage à 8,8% fin 2018, soit 0,2 point de moins que fin 2017.

En revanche, le halo du chômage (qui désigne des personnes inactives au sens du BIT mais qui peuvent se sentir découragées par les difficultés à retrouver du travail par exemple) aurait diminué de 22.000 personnes entre le dernier trimestre 2017 et le quatrième trimestre 2018. Sur un an, il reste quasi stable autour de -10.000.

Des aléas politiques

Ces hypothèses de croissance restent soumises à des aléas qui peuvent peser sur la confiance des investisseurs et des entrepreneurs. L'Insee rappelle à ce sujet que si les incertitudes politiques persistent en Europe ( en Espagne et en Italie avec de nombreuses interrogations sur les politiques économiques envisagées dans ces deux pays),  les risques protectionnistes pèsent également sur la vigueur des échanges internationaux (en particulier entre les États-Unis, la Chine et l'Europe). La surenchère de mesures protectionnistes entre les Etats-Unis, la Chine et l'Union européenne pourraient avoir des conséquences sur le commerce mondial même si pour l'instant la plupart des économistes restent peu inquiets sur les effets à court terme. Même si les échanges ont ralenti au cours du premier trimestre, les économistes de l'Insee envisagent une croissance du commerce mondial en 2018 supérieure à celle de 2017 (5,4% contre 5,3%).