Agriculture : comment les Pays de la Loire luttent contre la faible transmission des exploitations

En expérimentant un dispositif inédit sur dix territoires, la région des Pays de la Loire veut favoriser la transmission des exploitations agricoles dont une sur deux ne trouve pas de repreneur, malgré un millier de nouvelles installations chaque année. Un enjeu humain autant qu’écologique.
La mise en œuvre des dix territoires pilotes dans la région des Pays de la Loire permet de mettre l'ensemble des acteurs de la filière agricole autour de la table. L'objectif : favoriser l'installation des nouvelles générations dont les attentes diffèrent de celles de leurs aïeuls.
La mise en œuvre des dix territoires pilotes dans la région des Pays de la Loire permet de mettre l'ensemble des acteurs de la filière agricole autour de la table. L'objectif : favoriser l'installation des nouvelles générations dont les attentes diffèrent de celles de leurs aïeuls. (Crédits : Reuters)

Si les Pays de la Loire, comme la Bretagne, se place en tête des régions françaises avec 1000 installations par an, en 2020, le territoire a vu disparaître 1822 exploitations. Rien que dans les Mauges, au sud-ouest du Maine-et-Loire (49), où l'agriculture est le pilier de l'économie avec 2000 exploitations, 1500 départs ont eu lieu au cours des dix dernières années pour seulement 750 installations. Sur ce secteur, deux départs pour une installation sont d'ores et déjà programmés d'ici 2023. « Les transmissions concerneront un tiers des entreprises et un cinquième des agriculteurs d'ici 2026 », s'alarme Regis Lebrun, élu de l'EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) Mauges Communauté.

La situation dans cette zone de l'Anjou est à l'image de ce qui se passe à l'échelle de la région. « On a aujourd'hui, une installation pour deux départs », souligne Lydie Bernard, vice-présidente de la région des Pays de la Loire en charge de la commission agriculture, agroalimentaire, alimentation, forêt et pêche. Mais l'élue,  pour qui le chantier des transmissions des exploitations agricoles est devenu « la priorité des priorités », n'en est pas moins optimiste. « L'objectif est d'atteindre 65% de renouvellement des exploitations agricoles d'ici 2027 contre 55% en moyenne entre 2013 et 2017. Il faudrait parvenir à 1,5 installation pour deux départs », ambitionne-t-elle.

« C'est un défi important à relever pour la région sous peine de perdre sa fonction nourricière. L'objectif est aussi de garder les élevages bovins, sinon, des céréaliers viennent à la place, et cette activité, gourmande en terre, génère moins d'emplois. Les bovins, c'est aussi ce qui permet, grâce aux prairies, aux haies et au bocage, le stockage du carbone... », rappelle-t-elle.

« Mieux vaut investir dans un apprenti que dans un tracteur »

Pour faire face à l'enjeu du renouvellement des générations, la région a identifié dix territoires pilotes (Pays de l'Huisne sarthois, Pays du Mans Métropole, Pays de Craon, Vie et Boulogne, Mortagne...) dans ces cinq départements vont être expérimentées des démarches partenariales à l'échelon intercommunal, co-pilotés par les intercommunalités, la Chambre régionale d'agriculture et le syndicat Les jeunes agriculteurs. La région a voté un financement de 24.000 euros par an, et par territoire, pour accompagner ce dispositif. « Le rôle de l'élu ne se limite pas à donner de l'argent, c'est aussi de faire en sorte que les gens se parlent. C'est audacieux. Mais on a osé, et on est descendu très bas, jusqu'à la strate de l'intercommunalité», précise Lydie Bernard.

Ces trois entités territoriales ont trois ans pour faire émerger des solutions innovantes qui permettront de bâtir un programme d'actions qui puissent s'adapter et être dupliquées à chaque territoire. Un genre d'audit de ce qui fonctionne ou pas. « C'est une innovation inédite en France, qui consiste à faire confiance aux territoires en s'appuyant sur les élus », assure Régis Lebrun. « Car, ce ne sont pas les candidats qui manquent, c'est davantage un problème d'ajustement entre cédants et repreneurs. Les installations ne sont plus les mêmes qu'autrefois, les cédants doivent accepter que l'on ne cède pas ce que l'on a fait depuis quarante ans. Parfois, au lieu d'investir dans un tracteur, il vaut mieux investir dans un apprenti», reconnaît-il.

Accompagner les nouvelles générations

Initiée dans les Mauges en 2019, cette démarche, qui est cette fois étendue à dix territoires, a déjà permis de tester de multiples opérations pour attirer les jeunes, comme les périodes d'observation des jeunes dans les exploitations agricoles, les visites de fermes pour les classes d'étudiants des filières agricoles, du coaching individuel des cédants, qui ont souvent peu préparé leur transmission. « Le cédant doit être acteur de sa transmission », conseille Christophe Dile, producteur de volailles, dans les Mauges, dont aucune des trois filles ne voulait reprendre l'exploitation. Lui dit avoir fait de cette transition un « véritable projet plutôt qu'une opération financière à tout cri ». Il a ainsi construit une nouvelle porcherie. Pour le repreneur de l'activité en 2020, Guillaume Sechet, la période de transmission, qui a duré quatre ans, a été « une installation progressive avec un tuilage rassurant. On est lié sans vraiment l'être », explique-t-il. Et au final, il a pu « aller voir les banques avec des comptes à montrer. Sans quoi, elles ne m'auraient même pas écouté ».

À La Chambre d'Agriculture, Justine Bazantay, conseillère en développement, confirme l'importance de bien gérer sa transmission. « Avant, il y avait toujours un fils ou une fille sur qui l'on pouvait compter. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Demain, on aura besoin de séduire de nouveaux arrivants. Pour cela, on a tout à inventer car le phénomène va s'amplifier », souligne-t-elle. Depuis 2013, Justine Bazantay orchestre des actions pour accompagner l'arrivée des nouvelles générations agriculteurs dans les Mauges, donne des conseils pour les recrutements, coache les jeunes attirés par l'agriculture biologique et la biodynamie, ou rassure sur l'élevage bovin... Car « les vaches, par leur dimension, font peur à la nouvelle génération », observe-t-elle. D'où la nécessité de parler. C'est tout l'enjeu des « Territoires Pilotes.»

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