Budget 2019 : les gagnants et les perdants

Par Grégoire Normand  |   |  1075  mots
"En 2019, un rééquilibrage rapide et massif en faveur des ménages moins aisés sera opéré, sous l'effet notamment des mesures pour répondre à la crise des « gilets jaunes" selon l'OFCE.
75% des ménages en France bénéficieraient des mesures socio-fiscales du budget 2019 selon une étude de l'OFCE. Les dispositifs annoncés par Emmanuel Macron à la suite de la crise sociale des "gilets jaunes" contribueraient à améliorer la croissance de 0,3 point en 2019.

"Il y a un véritable rééquilibrage en faveur des ménages." Pour l'économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Mathieu Plane, le budget 2019 devrait clairement redonner du pouvoir d'achat aux Français. Les annonces d'Emmanuel Macron le 10 décembre dernier en faveur des salariés autour du SMIC et des retraités aux revenus modestes devraient ainsi profiter d'une hausse non-négligeable de leurs revenus d'après une étude intitulée, "Budget 2019 : du pouvoir d'achat mais du déficit", publiée ce mardi 29 janvier. Ce qui pourrait avoir un impact relativement conséquent sur l'économie tricolore si ces gains se traduisent dans la consommation.

"En 2019, la politique budgétaire nationale aurait un impact élevé sur la croissance du PIB, de 0,5 point, grâce en particulier aux mesures issues de la crise des 'gilets jaunes' qui à elles seules améliorent le taux de croissance du PIB de 0,3 point en 2019" selon les travaux de l'OFCE.

Au moment où l'Insee annonce un redressement important de la confiance des ménages en janvier, les bonnes nouvelles se multiplient pour l'activité française. De nombreuses incertitudes pourraient cependant venir plomber la croissance hexagonale, notamment au niveau international. Lors de ses voeux adressés aux milieux économiques ce lundi 28 janvier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a tout de même maintenu la prévision de croissance du gouvernement à 1,7% mais la plupart des institutions économiques internationales ont révisé à la baisse leurs projections pour l'économie mondiale.

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440 euros de revenus en plus

L'ensemble des mesures socio-fiscales présentées par le gouvernement devrait entraîner un gain moyen de 440 euros de revenus par ménage. Dans le détail, certains dispositifs devraient doper le porte-monnaie des Français comme la défiscalisation des heures supplémentaires (+140 euros), la baisse de la taxe d'habitation (+150 euros) et la montée en puissance des baisses de cotisations sociales des salariés mises en oeuvre en 2018. À l'inverse, "la désindexation des prestations sociales (pensions, allocations familiales, ...) réduirait le revenu des ménages d'en moyenne 130 euros."

[source : OFCE]

Pour ¨Pierre Madec de l'OFCE, "c'est un budget ciblé sur les classes moyennes [...] Et contrairement à 2018, les ménages modestes sont plutôt gagnants en moyenne", ajoute-t-il. Ainsi, les 5% faisant partie des ménages les plus modestes devraient voir leur revenu disponible augmenter en moyenne de 60 euros par an. Pour le groupe d'experts, "la forte revalorisation et l'extension de la prime d'activité devraient compenser l'impact négatif des désindexations et du nouveau mode de calcul des aides au logement." Dans leurs travaux, les économistes ont pris en compte le taux de recours de la prime d'activité estimé à 70% selon un récent rapport du ministère de la Santé pour évaluer l'élargissement de ce dispositif voulu par le gouvernement pour l'année  2019. Ainsi, l'annonce d'Emmanuel Macron pourrait entraîner 0,2 point de pouvoir d'achat supplémentaire pour un coût estimé à 2,3 milliards d'euros pour les finances publiques.

Au niveau des foyers situés au milieu de la distribution, les mesures devraient également booster leurs revenus. "Ainsi, jusqu'au 12e vingtile (60 % des ménages ont un niveau de vie inférieur), l'impact des mesures socio-fiscales devrait aller croissant : de +200 euros pour les ménages du 2e vingtile à +540 euros pour ceux du 8e et +640 euros pour les ménages du 12e vingtile." Du côté des 5% faisant partie des ménages les plus aisés, leur niveau de revenu disponible devrait encore croître de 0,5% alors qu'ils étaient déjà largement bénéficiaires des mesures socio-fiscales décidées et votées dans le budget 2018.

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25% des ménages seraient perdants

En dépit d'une amélioration pour une grande majorité des foyers (75%), un quart des ménages devrait observer une dégradation de leurs revenus. "Ces ménages se trouveraient principalement en bas et en haut de la distribution des niveaux de vie" expliquent les auteurs. Par exemple, parmi les 5% des ménages les plus modestes, environ un tiers verraient leur revenu diminuer.

La détérioration des revenus pour certains ménages modestes s'expliquent "en grande partie par la baisse des aides au logement et la sous-indexation de certaines prestations sociales." A l'autre bout de l'échelle, une part des 5% des les plus aisés seraient perdants. Ce phénomène s'expliquerait en grande partie par le quasi-gel des pensions de retraite pour les foyers à haut revenu. "Si les ménages perdants sont minoritaires, ils accuseraient pour certains des pertes de revenu significatives pouvant atteindre 1 %."

Les retraités, grands perdants

La volonté du gouvernement de soutenir les actifs occupés (qui sont en emploi) s'est largement traduite dans les mesures fiscales et sociales. D'après l'OFCE, "les couples comptant deux actifs seront ainsi plus de 95% à bénéficier de la mise en place des mesures." En revanche, les ménages composés exclusivement des retraités seraient les grands perdants de ces décisions.

En effet, la moitié d'entre eux verront "leur revenu disponible se réduire sous l'effet du quasi gel des pensions de retraites notamment."  Pour les couples retraités, la perte est évaluée à 390 euros par an en moyenne alors que pour ceux vivant seuls, elle est estimée à 240 euros. Sur ce point, les résultats de l'OFCE corroborent ceux de l'institut des politiques publiques (IPP) publiés en octobre dernier avant les mesures du 10 décembre dernier présentées par le chef de l'Etat. En effet, les membres de l'IPP avaient indiqué que "les retraités étaient largement perdants sauf les bénéficiaires des minimums vieillesse et le top 1%".

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Un déficit estimé à 3,2% du PIB

L'arsenal de mesures et surtout la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations pérenne pourrait peser sur le solde budgétaire. "La baisse du déficit ininterrompue depuis 2010 marquera une pause, il devrait repasser au-dessus du seuil des 3 %. Malgré tout, la dette publique au sens de Maastricht resterait quasiment stable, en points de PIB" soulignent les trois auteurs du Policy Brief. Pour Pierre Madec, "le dépassement du seuil des 3% ne devrait pas aboutir à l'ouverture d'une nouvelle procédure pour déficit excessif."  Le solde des finances publiques est estimé à 3,2% pour cette année.