Congrès des maires : face à des élus échaudés, Macron change de ton

Par César Armand  |   |  951  mots
(Crédits : POOL New)
En ouverture du congrès des maires, le président de la République a défendu mordicus la suppression de la taxe d'habitation, principale ressource des communes. Dans le même temps, après avoir loué leur rôle en matière de transition écologique et environnementale, Emmanuel Macron a promis aux édiles "des moyens" en face de toute décentralisation de compétences.

Il avait boudé la cérémonie l'année dernière. En ouverture du congrès des maires ce 19 novembre, le président de la République a défendu son bilan de mi-mandat et plaidé pour une "décentralisation des responsabilités".

"Nous nous retrouvons, mais je ne crois pas que nous nous soyons quittés", a déclaré Emmanuel Macron, en référence au grand débat national. "J'ai tout appris de nos échanges, des aspirations de nos compatriotes, des débats que nous avons eus ensemble [...] Je me sens maire de la commune France [sic]."

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Défense mordicus de la suppression de la taxe d'habitation

Il n'empêche : malgré les critiques du côté des communes et des départements, le chef de l'État a défendu, mordicus, la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de la taxe sur le foncier bâti. En compensation de cette dernière, les conseils départementaux bénéficieront, comme les régions, d'une fraction de TVA.

"Si des électeurs vous reprochent cette baisse, faites-le moi savoir. Vous aurez le droit d'empocher mes félicitations", a provoqué Emmanuel Macron. "Le payeur final de cette mesure, c'est l'État et ses économies", a-t-il encore asséné.

Le président de la République a par ailleurs promis "un nouvel aménagement de notre territoire", mais au lieu d'entrer dans le détail, il s'est fait le porte-parole de mesures déjà engagées ou en cours de mise en œuvre.

"Plan Action cœur de ville, agenda rural, France Services dans chaque canton, loi d'orientation des mobilités, Agence nationale de la cohésion des territoires...", a listé Emmanuel Macron. "Jamais n'avait été fait autant pour que la République porte la même attention de la capitale à nos villages, de nos grandes villes à nos villes moyennes !"

Après avoir "demandé collectivement le discernement", le chef de l'État a fait la morale aux maires : "Nous arrivons à un moment critique, je veux être jugé sur les actes". Et de recommencer son inventaire : 4 millions de lignes de fibre optique par an "pour être au rendez-vous du très haut débit en 2022", 1.000 nouveaux cafés, 42 quartiers de reconquête républicaine...

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"Rien ne se fera sans les maires" en matière de transition écologique

Un an après le début des gilets jaunes, Emmanuel Macron appelle à "une nouvelle coopération" entre les métropoles et leurs territoires environnants : "On dort à un endroit, on travaille à un autre, il nous faut donc retisser cela [...] Unir et rassembler, c'est tenir la cohésion de notre pays".

S'ensuit un long passage sur la sécurité, où il réaffirme sa volonté d'une "société de la vigilance". Les maires sont "les mieux placés pour prévenir les signes faibles [...] des acteurs à part entière d'une société de l'attention de l'action". Le président n'ignore rien du "communautarisme" mais il juge "inefficace" toute loi interdisant les listes en question. "On confond la laïcité, la civilité et l'ordre public", assure-t-il.

La transition écologique et environnementale figure également à son agenda, mais là encore, il insiste sur son bilan international, le lancement du plan biodiversité et les travaux actuels de la Convention citoyenne sur le climat. Tout en érigeant les communes aux avant-postes pour "décarboner les transports et rénover les logements", le président retombe dans le "en même temps" lorsqu'il en "appelle à la modération"  à propos des arrêtés anti-pesticide.

En matière d'économie circulaire, et en particulier de la consigne des bouteilles plastiques, qui a récemment divisé le gouvernement, les sénateurs et les associations d'élus, le chef de l'État a promis que "rien ne se fera sans l'accord des maires".

Et Emmanuel Macron de se faire lyrique : "une écologie de la liberté, une écologie de la concertation, une écologie de l'innovation, l'écologie du quotidien, l'écologie concrète, c'est celle de son territoire".

"Quand on décentralise une compétence, on décentralise les moyens"

À la suite de trois parenthèses sur l'école, la santé et le projet de loi "Engagement et proximité", le président a, par la suite, dévoilé sa vision de la déconcentration, de la décentralisation et de la différenciation, en vue du projet de loi "3D" qui arrivera au Parlement après les municipales.

"On a parfois décentralisé des compétences sans donner les moyens, comme le RSA aux départements", a estimé Emmanuel Macron. "Ma conviction est simple : quand on décentralise une compétence, on décentralise les moyens."

Comme l'année dernière à la même époque, mais devant 2.000 maires invités au palais de l'Élysée, le chef de l'État a, de nouveau, fermé la porte à l'autonomie fiscale et financière des collectivités.

"C'est un fétichisme français", a commencé Emmanuel Macron, avant d'évoquer, devant le président du Sénat le modèle du Bundesrat, la chambre haute allemande, "qui discute des ressources fiscales". "Peut-être qu'on peut en arriver là. À titre personnel, j'y suis favorable."

Enfin, après avoir disputé une énième fois les élus - "dès qu'il y a un coup de grisou, on dit "c'est l'État !" -, il s'est prononcé en faveur d'un grand débat "à condition que la compétence aille avec une responsabilité et des financements". "Et là, nous serons heureux !", a conclu Emmanuel Macron, sous les applaudissements et la Marseillaise.