En France, le sort des bouteilles en plastique divise

En septembre, le Sénat a limité la consigne des emballages de boissons, proposée par le gouvernement, aux seuls produits réutilisables. Mais le ministère de la Transition écologique et solidaire continue de plaider pour un dispositif visant à améliorer le recyclage et le réemploi de tous les emballages.
Giulietta Gamberini
Le Cese pour sa part recommande en parallèle l'élaboration d'un programme de fin de production et d'utilisation du plastique à usage unique issu du pétrole et du plastique non recyclable en France.
Le Cese pour sa part recommande en parallèle l'élaboration d'"un programme de fin de production et d'utilisation du plastique à usage unique issu du pétrole et du plastique non recyclable" en France. (Crédits : Yves Herman)

La France viendra-t-elle grossir le nombre de pays appliquant une consigne aux emballages des boissons ? Et si oui, comment, et à quelles fins ? Le dilemme entourant le dispositif dont le gouvernement a voulu faire l'une des mesures phares du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire est loin d'être tranché. En septembre, le Sénat a revu en profondeur la proposition du ministère de la Transition écologique et solidaire, qui imaginait un système visant à mieux recycler l'ensemble des bouteilles et canettes mises sur le marché. Les sénateurs ont décidé de limiter la consigne aux seuls emballages réutilisables, se rangeant ainsi du côté des collectivités locales et des recycleurs, qui redoutent qu'une telle révolution ne mette en danger l'équilibre du système actuel de recyclage des plastiques. Voire qu'elle ne consacre l'existence d'emballages jetables.

Lire aussi : Plastique : pourquoi la consigne évoquée par Edouard Philippe divise

Le recyclage pour financer le réemploi

Mais une consigne incluant les bouteilles destinées à être recyclées pourrait bien être réintroduite à l'Assemblée nationale, où le projet de loi doit être examiné avant Noël. Brune Poirson a d'ailleurs déjà préparé le terrain. Fin octobre, lors d'une rencontre avec les acteurs de la filière boissons, la secrétaire d'État au ministère de la Transition écologique et solidaire a, pour la première fois, plaidé pour "un dispositif de consigne mixte". Celui-ci concernerait le réemploi, comme voulu par les sénateurs, et le recyclage, tel que prôné par les industriels du plastique et par les marques de boissons.

Ce serait l'une des pistes issues d'un rapport - dont les conclusions définitives n'ont pas encore été publiées - commandé au président de la commission des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) en matière de déchets, Jacques Vernier. La consigne mixte viserait à ce que "le recyclage finance le réemploi" a expliqué Brune Poirson, soulignant que ces dispositifs pourraient bien être "complémentaires" et affirmant attendre "des acteurs concernés des propositions claires d'ici au débat parlementaire".

Les députés LaREM au secours du gouvernement

La secrétaire d'État a encore réaffirmé cette vision le 13 novembre devant le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui adoptait ce même jour à une large majorité une résolution appuyant l'instauration d'un tel dispositif mixte. Et les députées de La République en marche concernées par le dossier confirment cette volonté que la consigne réintègre aussi des finalités de recyclage.

"La commission développement durable de l'Assemblée nationale, qui est en train d'élaborer son rapport, n'a pas encore pris de position. Mais, nous savons bien que les taux de collecte des bouteilles en plastique sont loin d'être bons en France, que la collecte des déchets hors foyer reste un défi et que dans les pays qui l'ont expérimentée, la qualité du plastique recyclé issu de la consigne des bouteilles est meilleure que celle du plastique issu de la collecte sélective", martèle Stéphanie Kerbarh, députée LREM et rapporteure de la partie du projet de loi anti-gaspillage relative à ce dispositif.

Associer les collectivités

"En leur attribuant de la valeur, la consigne est un levier efficace afin de mieux collecter les déchets qui aujourd'hui se retrouvent encore dans la nature, et elle est susceptible de parler aux jeunes générations. Nous devons au moins l'essayer", confirme Laurence Maillart-Méhaignerie, responsable du texte pour le groupe LREM.

"Il faut toutefois trouver un moyen d'associer les collectivités, convient-elle. On peut encore tout imaginer."

"Nous voulons en parallèle inciter à la réduction des emballages", promet par ailleurs la députée : "Et si on impose des objectifs de réemploi à chaque filière, les emballages des boissons en auront aussi."

Le Cese recommande d'ailleurs la réalisation d'une étude d'impact sur les flux financiers impactant les collectivités et les consommateurs, ainsi que l'élaboration d'"un programme de fin de production et d'utilisation du plastique à usage unique issu du pétrole et du plastique non recyclable" en France.

Un sujet qui intéresse les députés

Pendant que le gouvernement continue de se concerter avec les acteurs concernés, reste l'incertitude sur ce qui se passera finalement en séance publique.

"Au Sénat, le projet de loi a fait l'objet de quelque 500 amendements, nous en attendons quatre fois plus à l'Assemblée", admet ­Laurence Maillart-­Méhaignerie, qui souligne : "Les sujets liés à l'économie circulaire intéressent beaucoup les députés, puisqu'ils concernent les citoyens."

Or, la consigne est l'un des sujets les plus suivis de près. Les sénateurs ont d'ailleurs voté leur texte à la quasi-unanimité : malgré la limitation de la consigne au seul réemploi, contre l'avis du gouvernement, les élus du groupe La République en marche l'ont aussi largement soutenu. Le ministère de la ­Transition ­écologique et solidaire peut alors seulement espérer que les députés se montreront plus fidèles.

Giulietta Gamberini

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 15/11/2019 à 22:58
Signaler
Dommage, ca aurait créé un tas d'emplois de recycleurs, de consigneurs, de déconsigneurs, sans oublier les controleurs, verbalisateurs et autres gardiens de moutons. Tant qu'on continuera à privilégier la liberté et la rentabilité au détriment de l'...

à écrit le 15/11/2019 à 8:39
Signaler
Lobby trop puissant, politiciens trop faibles.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.