Egalité : un premier pas du gouvernement vers le "name and shame"

Par Giulietta Gamberini  |   |  876  mots
STMicroelectronics (semi-conducteurs), Nokia Corporation (télécoms), Neopost (machines à affranchir), SES SA (satellites), Arcelor Mittal (sidérurgie), Worldline (e-payement), LafargeHolcim (construction) et Genfit (biopharmacie) se sont en revanche prêtées à l'exercice.
La secrétaire d'Etat chargée de l'égalité hommes-femmes, Marlène Schiappa, a reçu mardi pour une demie-journée de sensibilisation les dix entreprises figurant au plus bas du palmarès de la féminisation des instances dirigeantes. Les noms des deux absentes, Sartorius Stedim Biotech et Maurel & Prom, ont été mis en avant.

Article publié le 13 septembre à 12h57, mis à jour le 20 septembre à 20h27.

Il s'agit de l'une des promesses de campagne d'Emmanuel Macron, que sa secrétaire d'Etat chargée de l'égalité hommes-femmes avait renouvelée début juillet sur France Inter : nommer et blâmer publiquement les entreprises les plus en retard en matière de politiques de diversité. Mardi 12 septembre, Marlène Schiappa a fait un premier pas dans cette direction, en organisant au ministère une demi-journée de sensibilisation à l'égalité professionnelle. Les dix entreprises du SBF 120 les moins bien classées dans le palmarès de la féminisation des instances dirigeantes dressé en 2016 (pour le ministère des Droits des femmes de Laurence Roussignol) par le cabinet Ethic & Boards y ont été conviées, avec la menace sous-jacente de la publication des noms de celles qui déclineraient l'invitation.

"Nous faisons le pari que nous allons pouvoir les transformer en actrices et acteurs de l'égalité professionnelle", expliquait en juillet Marlène Schiappa, en soulignant toutefois aussi que l'invitation au ministère serait une "forme de dernière chance de l'égalité". Elle pouvait par ailleurs s'inspirer de deux récents précédents de "name and shame" français: la dénonciation par Bercy en 2015 des cinq entreprises accumulant les plus gros retards de paiement, et celle par Myriam El Khomri en 2017 des discriminations à l'embauche pratiquées par AccorHotels et Courtepaille.

Huit participants, deux absents

STMicroelectronics (semi-conducteurs), Nokia Corporation (télécoms), Neopost (machines à affranchir), SES SA (satellites), Arcelor Mittal (sidérurgie), Worldline (e-payement), LafargeHolcim (construction) et Genfit (biopharmacie) se sont donc prêtées à l'exercice. Parfois malgré des doutes sur la pertinence de la démarche: c'est le cas notamment de Nokia, selon qui Ethics & Boards (dont le classement se base sur la présence de femmes dans les conseils d'administration et comités exécutifs ou de direction, la mixité dans le "top 100", l'objectif de mixité dans la rémunération variable ou l'existence de réseaux de femmes en interne) aurait oublié l'existence d'un réseau féminin au sein de l'entreprise, ainsi que les difficultés spécifiques des secteurs confrontés à un problème de viviers, rapporte l'express.

Seule deux sociétés ont fait le choix de ne pas participer à la formation assurée par Marie Donzel - à la tête du cabinet Donzel et Compagnie -, malgré "des invitations réitérées" la menace de la sanction: Sartorius Stedim Biotech (biopharmacie) et Maurel & Prom (extraction pétrolière). Leurs noms ont été placardés dans les locaux du ministère par Marlène Schiappa sous l'œil des caméras, avant d'être publiés dans un communiqué. Maurel & Prom, appelé par La Tribune, n'a pas souhaité commenter. Sartorius Stedim Biotech -dont la position dans le classement est due aussi au fait qu'ils n'ont pas répondu au questionnaire d'Ethic & Boards- a expliqué à La Tribune qu'à cause d'un défaut de transmission des informations en interne la direction n'était pas informée de l'invitation de la ministre. L'entreprise se dit néanmoins engagée dans la féminisation des instances dirigeantes.

Des sanctions jusqu'à présent anonymes

La mise en avant de ces deux noms n'est toutefois qu'un petit pas dans la voie de l'utilisation de la réputation au secours de l'égalité. Ces "cancres" en matière de gouvernance au féminin étaient en effet déjà connus au moins depuis la première édition du palmarès de la féminisation des instances dirigeantes, commandé en 2013 par Najat Vallaud-Belkacem.

La question est donc plutôt de savoir si, en allant au bout de la logique de name and shame soutenue par Emmanuel Macron, Marlène Schiappa tranchera par rapport à la position adoptée par le passé en matière de discriminations salariales par le gouvernement socialiste, qui s'était refusé de publier les noms des deux milliers d'entreprises mises en demeure et de la centaine de sociétés sanctionnées (jusqu'à 1% de leur masse salariale) par l'Inspection du travail entre la fin 2012 et la fin 2016. Un recours en justice pour que leurs noms soient révélés, présenté en avril 2015 par l'association féministe Les effrontées et le conseiller régional EELV Julien Bayou, avait été rejeté par le tribunal administratif de Paris pour des vices de procédure. Il vient 'd'être déposé à nouveau contre la nouvelle ministre, révèle Julien Bayou.

Un nouveau classement en octobre

En matière de sanctions financières, Marlène Schiappa a en revanche annoncé début août préparer un dispositif visant à "directement prélever les amendes dans les entreprises" et à "les réinjecter dans le budget de l'Etat". Elle a également signé cet été une convention avec le Défenseur des droits Jacques Toubon permettant  "de multiplier les contrôles aléatoires auprès des entreprises mais aussi d'aller vers plus d'informations sur les droits des femmes au travail".

Le gouvernement Philippe attend enfin la publication du palmares de la féminisation des instances dirigeantes 2017, que le cabinet Ethic & Boards doit livrer à la mi-octobre. De nouveaux invités au ministère figureront peut-être sur la liste.