Electricité : un hiver sous haute tension

Par Dominique Pialot  |   |  754  mots
L'arrêt de nombreux réacteurs nucléaires rend délicat le passage de l'hiver
La conférence annuelle du gestionnaire de réseau RTE ce 8 novembre a confirmé la possibilité de tensions entre l’offre et la demande pour le passage de l’hiver et annoncé une palette de solutions pour y remédier. L’appel à la responsabilité des consommateurs pour mieux passer les pics de consommation en fait partie.

Cela fait quelques semaines que le doute s'est installé sur la capacité du réseau électrique français à passer l'hiver sans risque de blackout. Mais c'est officiel depuis ce matin. En effet, RTE, le gestionnaire du réseau de transport, dont la mission est d'assurer en permanence l'équilibre entre offre et demande, a reconnu pour la première fois depuis des années que la situation serait tendue cet hiver.

Cette situation résulte du grand nombre de réacteurs nucléaires fermés, certains pour cause de maintenance habituelle, mais d'autres, plus exceptionnellement, à la demande de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), suite à la découverte de falsifications chez le constructeur Areva. En outre, le redémarrage de plusieurs réacteurs a été repoussé à plusieurs reprises ces dernières semaines. Bugey 4, Gravelines 2, Tricastin 1, 3 et 4 ne reprendront ainsi du service qu'à la fin décembre, et non le 3 novembre comme initialement prévu.

Niveau de disponibilité le plus bas depuis 10 ans

En conséquence, c'est presque un tiers des tranches nucléaires françaises qui est actuellement à l'arrêt, une situation inédite. Ainsi, 13 réacteurs devraient rester hors circuit en décembre, et 9 en moyenne durant l'hiver. C'est « le niveau de disponibilité le plus faible depuis dix ans », reconnaît RTE.

Jeudi soir, EDF avait ainsi révisé pour la troisième fois à la baisse sa production nucléaire pour 2016, entre 378 et 385 térawattheures (TWh), contre 414 visés initialement.

Les centrales au fioul et au charbon traditionnellement utilisées pour compenser cette défaillance, sont aujourd'hui en partie fermées ou mises sous cocon. La production hydroélectrique ne pourra malheureusement que très marginalement contribuer à la résolution du problème : fin octobre, le niveau des barrages était à son plus bas en 10 ans. Quant aux énergies renouvelables, elles pourront fournir 1900 MW de plus que l'hiver dernier.

Au total, la capacité de production sera de 11.300 MW inférieure à l'année dernière, dont 10.000 MW du seul fait du recul de la disponibilité du parc nucléaire.

Recours massif aux importations

C'est donc en partie sur des importations qui pourraient atteindre 12 200 MW,  que mise RTE pour répondre à la demande cet hiver. Le développement ces dernières années d'interconnexions favorise cette solution. C'est le cas notamment de la ligne entre la France et l'Espagne, inaugurée en février 2015. Ces temps-ci, elle fonctionne quasiment à sens unique, mais dans le sens inverse de ce qui se passait il y a un an.

Et cette situation, qui coûte d'autant plus cher à EDF que ses déboires récents ont fait grimper en flèche les prix pour livraison en 2017 comme ceux sur le marché spot, suppose en tout état de cause que nos voisins soient en surcapacité, ce qui est loin d'être certain en cas de vague de froid. La France étant très largement équipée en chauffage électrique, une baisse des températures de 1°C génère une hausse de 2400 MW de la consommation nationale.  C'est pourquoi, si RTE se montre rassurant en cas d'hiver « normal », il cite d'autres solutions en cas de besoin.

Les consommateurs à la rescousse

Il serait ainsi possible d'effacer ponctuellement sur la base du volontariat 21 sites industriels particulièrement électro-intensifs, pour une puissance cumulée de 1 500 mégawatts.

Et si cela ne suffisait pas, il est également envisageable d'abaisser de 5 % la tension sur le réseau, avec à la clé une économie de 4 000 MW.

Enfin, en dernière extrémité, des « délestages programmés et momentanés » sont envisageables. Les coupures seraient limitées dans le temps et ne concerneraient évidemment pas les sites sensibles, établissements de santé ou sites industriels.

Malheureusement, en cas de pic de froid et donc de consommation, il manque encore près de 6 GW pour passer un pic de consommation équivalent à celui du 8 février 2012 à 19 heures -la demande avait alors dépassé les 102 GW.

François Brotte, le patron de RTE (et ancien député PS), a donc profité de l'occasion pour rappeler quelques bonnes pratiques aux consommateurs particuliers : d'éviter de recourir aux équipements électro-ménagers lors des heures de pointe, éteindre les appareils en vielle, abaisser le chauffage en quittant l'appartement, etc. Autant de gestes qui leur seront rappelés grâce à un nouveau dispositif "d'alerte citoyen" lancé le 5 décembre prochain via l'application téléphonique Eco2mix, destiné à prévenir les consommateurs en cas de tension sur le réseau pour les inciter à réduire ou reporter leur consommation.

*Graphique réalisé par Statista