Emploi : Jacques Toubon déplore des discriminations persistantes à l'embauche

Par Grégoire Normand  |   |  783  mots
Malgré des avancées notables, les discrimination à l'emploi sont toujours d'actualité.
Lors d'une intervention remarquée à la Fédération bancaire française, jeudi 13 septembre, le Défenseur des droits Jacques Toubon a rappelé que les discriminations étaient toujours pratiquées dans le monde du travail en dépit des progrès accomplis.

Les discriminations à l'emploi sont loin d'avoir disparu. Lors d'une table ronde organisée par la Fédération bancaire française (FBF), jeudi 13 septembre, le Défenseur des droits Jacques Toubon a tenu à rappeler que ce type de pratique était loin d'être un épiphénomène dans le milieu professionnel. En présence du ministre de la cohésion des territoires Jacques Mézard et de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, l'ancien ministre de Jacques Chirac a souligné notamment que « les banques sont loin d'être exemplaires en matière de discrimination.

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« Elles doivent développer une culture professionnelle de l'égalité », a-t-il ajouté en précisant que « les discriminations dans l'accès au crédit » sont toujours visibles. Jacques Toubon recommande à ce titre « de mettre en place un écosystème de lutte contre les discriminations. » Le Défenseur des droits a enfin souligné que « lutter contre les discriminations peut être vecteur de profits » pour les entreprises.

Stratégies de contournement

Après un propos liminaire sur son rôle de médiateur et de contrôleur, M.Toubon est revenu sur le chômage des jeunes en France qui touche 21 % des 18-24 ans. Des propos qui font écho à la récente polémique suscitée par les propos d'Emmanuel Macron à l'égard d'un jeune chômeur lors des journées européennes du patrimoine organisées à l'Elysée le week-end dernier.

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Face à ces difficultés, « nous avons remarqué que les personnes avaient développé des stratégies de contournement sur l'envoi des CV en enlevant leur nom ou la photo », a expliqué M. Toubon. Il a par la suite indiqué que l'institution qu'il dirigeait recevait régulièrement des réclamations de salariés qui dénonçaient des discriminations au moment de l'embauche ou pendant leur carrière (avec le congé de maternité notamment). L'ancien député s'est également inquiété du nombre de réclamations reçues « qui ne seraient pas représentatives » de l'ensemble des discriminations pratiquées en France, surtout « qu'il y a un taux de non recours au défenseur des droits important. »

Moins de discriminations dans le public depuis 2015

Cependant, plusieurs chercheurs du laboratoire Travail Emploi et Politiques Publiques (CNRS) indiquent, dans une étude publiée lundi 17 septembre, qu'ils ont observé pendant leurs recherches moins de discriminations dans l'emploi public que lors de leurs précédents travaux. « Il y a encore des écarts de traitements entre les candidats à l'emploi mais ils sont moins importants et beaucoup plus localisés.»

Selon les auteurs, les discriminations se concentrent principalement sur l'origine des candidats et moins sur leur lieu de résidence. S'ils avancent qu'ils ne sont pas capables de déterminer les causes, ils expriment cependant plusieurs hypothèses. La reprise des créations d'emplois dans un contexte économique plus favorable a pu diminuer l'ampleur des discriminations. La multiplication des offres d'emploi réduit le nombre de candidatures pour chaque offre ce qui entraîne une baisse des discriminations.

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L'étude fait également référence aux politiques publiques menées qui peuvent jouer un rôle dans la lutte contre les discriminations au travail avec « la loi égalité et citoyenneté et avec la diffusion des procédures de labellisation auprès de nombreux ministères et acteurs publics (label égalité, label diversité).»

Des inégalités persistantes

Malgré ces avancées, ce travail rappelle toutefois qu'il faut mieux s'appeler « Emilie Boyer et habiter rue Pasteur à Palaisau que s'appeler Jamila Benchargui et habiter la grande Borne à Grigny ». « Dans le secteur privé [...], on relève des discriminations significatives à l'encontre des personnes qui signalent une origine maghrébine par leur patronyme », relèvent les chercheurs du CNRS. Lors de la table ronde organisée à la Fédération bancaire française, plusieurs personnes sont venues témoigner des discriminations toujours présentes dans le milieu professionnel.

Après dix ans passés dans le secteur bancaire, Souad Boutegrabet, entrepreneuse des Déterminés et à la tête des Décodeuses (association pour la formation des femmes dans le secteur technologique)  a expliqué que l'une des raisons qui l'avait incité à quitter la banque était la persistance des discriminations. Selon une étude du ministère du Travail publiée en 2017, le salaire des femmes cadres dans la banque était inférieur de plus de 30 % à celui des hommes cadres. Parmi les branches étudiées, c'est l'un des écarts les plus importants. La mission du Défenseur des droits est loin d'être achevée.