Formation : l'OCDE déplore la pénurie de compétences en France

Par Grégoire Normand  |   |  1066  mots
En France, seulement 32 % des adultes ont suivi une formation liée à l’emploi au cours des 12 derniers mois (12 % pour les adultes peu qualifiés), contre plus de 55 % dans certains pays européens comme le Danemark, la Norvège et la Finlande, ainsi qu’en Nouvelle-Zélande.
Le manque de compétences et l'inadéquation entre l'offre et la demande des travailleurs pénaliseraient fortement le marché du travail selon les experts de l'OCDE. Face à ces problèmes, l'organisation internationale recommande à la France d'améliorer l’égalité d’accès à un enseignement et une formation de qualité.

Les entreprises françaises sont confrontées à un déficit de compétences et le problème pourrait s'aggraver. Selon un rapport de l'OCDE publié ce jeudi 14 décembre, ce phénomène concernerait plusieurs secteurs liés au numérique ou à l'enseignement et à la formation. Malgré une reprise de l'activité et un climat des affaires favorable pour les entreprises, le chômage français reste particulièrement élevé chez les jeunes et les seniors confrontés parfois au chômage de longue durée. Le manque ou la sous-utilisation des compétences pourraient être des facteurs importants pour expliquer la persistance de ce chômage bien supérieur à de nombreux voisins européens. Dans ce contexte, le gouvernement d'Edouard Philippe, qui prévoit une réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage, va devoir se confronter au chantier de cette pénurie qui demeure "problématique" pour l'OCDE.

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Des jeunes sans compétences

Pour l'organisation internationale, un des principaux problèmes est que si le niveau d'études en France s'approche de la moyenne des pays développés, les tests d'évaluation des compétences signalent que "la part des jeunes adultes ayant un faible niveau de compétences élémentaires y 'est plus élevée que dans la plupart des autres pays de l'OCDE". Par ailleurs, les experts soulignent que l'offre de formation proposée aux adultes est "limitée, en particulier pour les personnes ayant de faibles compétences".

L'examen du niveau des compétences de la population adulte est également alarmant. Selon les chiffres de l'évaluation de compétences des adultes (PIAAC), sur les 24 pays participant à l'enquête, "la France se classe parmi ceux où les compétences en numératie et littératie (*) sont les plus faibles". Ce faible niveau de compétences de la population adulte française peut s'expliquer en grande partie par les résultats de la tranche d'âge des 45-65 ans. "Si l'on exclut ce groupe d'adultes plus âgés, le fossé entre la France et la moyenne de l'OCDE s'efface presque complètement." Le plus faible niveau de compétences des personnes plus âgées s'explique par "un effet d'âge, c'est-à-dire par la détérioration des compétences, lié au vieillissement (d'autant plus marqué que la participation aux programmes de formation pour adultes est faible), et par un effet de cohorte, lié au fait que le niveau de formation des seniors est plus faible".

Une pénurie de compétences en informatique

Parmi les domaines étudiés, les chercheurs de l'institution internationale ont identifié plusieurs domaines précis où les pénuries sont particulièrement aiguës. Il s'agit de  l'informatique et l'électronique, la mécanique ou l'enseignement et la formation, le management mais également des compétences plus transversales comme la communication verbale ou la résolution de problèmes complexes. En revanche, les compétences en vente et marketing ou en conseil sont en excédent, notent les auteurs du rapport.

L'inadéquation entre l'offre et la demande est également mise en exergue dans le document. Elle est mesurée en termes de qualifications (le plus haut niveau de scolarité atteint) et en termes de domaines d'études. Les résultats de l'enquête sont particulièrement éloquents à cet égard :

  • 35,1% des salariés français faisaient un métier pour lesquels ils n'avaient pas de qualification adéquate ;
  • 23,4% des salariés exercent un métier pour lequel un niveau de qualification plus élevé est normalement exigé, autrement dit, ils sont sous-qualifiés pour ce métier ;
  • 11,7% exercent un métier qui requiert un niveau de qualification inférieur. En d'autres termes, il sont surqualifiés.

Le niveau d'inadéquation des qualifications en France est proche de la moyenne de l'UE, mais la France affiche l'un des niveaux de sous-qualification les plus élevés.

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Adapter l'enseignement professionnel

Face à la pénurie et au manque d'adéquation, l'OCDE fait plusieurs recommandations. Si l'organisation reconnaît que de multiples efforts ont été réalisés pour améliorer l'attractivité de l'enseignement professionnel et tenter de renforcer l'apprentissage, les spécialistes préconisent "d'adapter le contenu des programmes d'enseignement professionnel afin qu'il soit davantage en adéquation avec les besoins des employeurs". Ils recommandent également aux enseignants "de suivre en permanence l'évolution des pratiques en entreprise". Enfin, les experts proposent d'élargir l'enseignement professionnel à plus de secteurs, "et surtout aux secteurs émergents", sans apporter plus de précisions.

Le rapport n'est pas tendre non plus avec les services d'orientation des établissements scolaires. Si les auteurs reconnaissent que ces services "ont été adaptés afin d'être plus en phase avec le monde du travail", ils regrettent néanmoins que "l'information relative à l'orientation professionnelle reste souvent éparpillée et sans lien avec les besoins du marché du travail répertoriés par d'autres acteurs".

Un compte personnel complexe

Du côté de la formation continue, l'OCDE souligne "des initiatives intéressantes" comme le compte personnel de formation (CPF), mis en place sous François Hollande qui "a attiré l'attention à l'échelle mondiale car il assure la portabilité des droits à formation indépendamment de l'employeur et de la situation au regard de l'emploi". L'organisation, basée à Paris, déplore néanmoins que les adultes les moins qualifiés n'utilisent pas assez ce dispositif. Pour les inciter à l'utiliser, l'OCDE conseille "d'en simplifier les modalités". Enfin, l'organisme du Château de la Muette demeure critique à l'égard de la qualité des formations proposées dans le cadre de ce dispositif. Ils conseillent donc de limiter les programmes de formation proposés à seulement ceux qui ont reçu une certification spécifique.

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(*) Selon l'OCDE, la littératie est l'aptitude à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d'atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses capacités.

La numératie correspond à la capacité d'une personne de comprendre et d'utiliser des données mathématiques à l'école, au travail et dans la vie de tous les jours ; par exemple, pour utiliser de la monnaie et établir des budgets, pour utiliser des mesures en cuisine ou pour lire une carte.