L'économie française devrait ralentir plus que prévu pour 2019

Par Grégoire Normand  |   |  1090  mots
Le pouvoir d'achat par habitant devrait bondir de 2,1% en 2019, note Olivier Garnier, directeur des études et des relations internationales à la banque centrale. (Crédits : Eric Gaillard)
La banque de France a révisé ses prévisions de croissance pour 2019 à 1,3% contre 1,4% au mois de mars. Le ralentissement de l'économie internationale se poursuit et les menaces continuent de peser.

Les perspectives s'assombrissent pour l'économie tricolore. Selon les dernières projections de la banque de France publiées ce mardi 11 juin, la croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait baisser à 1,3% en 2019 avant de légèrement accélérer à partir de 2020 (1,4%). Les conjoncturistes ont révisé à la baisse de 0,1 point leurs projections pour 2019 et 2020 par rapport à celles de mars. Pour Olivier Garnier, directeur des études et des relations internationales à la banque centrale, « le meilleur qualificatif est celui de résilience. La croissance continue sur son rythme de croisière. L'activité est toujours soutenue par la dynamique interne liée au pouvoir d'achat ».

En dépit de cette "résilience", cette révision à la baisse est une mauvaise nouvelle pour le gouvernement, à la veille de l'intervention du Premier ministre. En effet, Édouard Philippe doit prononcer un discours de politique générale ce mercredi 12 juin censé marquer le début de l'acte II du quinquennat d'Emmanuel Macron. Le locataire de Matignon doit ainsi présenter « le calendrier politique mais également les chantiers législatifs ». Un vote de confiance devrait également avoir lieu à l'Assemblée nationale.

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La demande intérieure, moteur de la croissance

La demande intérieure reste le premier moteur de la croissance. L'examen des résultats de l'institution bancaire indique que la contribution de la demande interne à la richesse produite s'élève à 1,3 point en 2019, 1,6 en 2020 et 1,5 en 2021 contre 1,3 en 2018. Les économistes de la banque de France estiment néanmoins que les gains de pouvoir d'achat obtenus par les ménages français tardent à se faire sentir sur la consommation.

« Les gains de pouvoir d'achat sont consommés plus lentement que ce qui était prévu. Au quatrième trimestre 2018 et durant le premier trimestre 2019, il y a eu des gains de pouvoir d'achat très importants mais la consommation a été en retrait par rapport à ces gains. La consommation des ménages est révisée à la baisse en 2019 mais à la hausse en 2020 et 2021. Les gains de pouvoir d'achat sont consommés mais un peu plus lentement. Ce qui soutient l'activité à l'horizon 2020/2021 », explique Olivier Garnier.

Le pouvoir d'achat par habitant devrait bondir de 2,1% en 2019. « C'est le plus fort gain de pouvoir d'achat depuis 2007. Ensuite, le pouvoir d'achat devrait évoluer autour de 1,2% en 2020 et 1% en 2021 », poursuit-il.

Coup de frein de l'investissement des ménages

Au niveau des investissements, les ménages ont ralenti leurs dépenses relatives à la construction et l'entretien des logements. « La diminution récente des ventes et de mises en chantier de logements suggère que ce ralentissement pourrait se poursuivre sur la majeure partie de l'année 2019. »

Chez les entreprises, si le rythme est plus élevé, la tendance est également à la baisse. Il devrait passer de 5,5% en 2017 à 3,2% en 2018, 2,7% en 2019 et 2,4% en 2020. Enfin l'investissement public devrait encore augmenter en 2020 à 2,8% contre 2,4% en 2018. En revanche, il devrait marquer le pas en 2020 à 1,4%.

Des mesures d'urgence favorables au pouvoir d'achat

Plusieurs facteurs expliquent cette relative bonne dynamique du pouvoir d'achat. À la suite de la crise des "Gilets jaunes", le président de la République avait annoncé un arsenal de dispositifs destinés à booster le porte-monnaie des Français le 10 décembre 2018. « Les mesures en faveur du pouvoir d'achat en décembre 2018 et d'autres mesures rentrent en compte à partir de 2020 comme la réindexation des pensions de retraites inférieures à 2.000 euros, la poursuite de la suppressions de la taxe d'habitation », a déclaré Olivier Garnier lors de la conférence de presse. « En revanche, la baisse d'impôt sur le revenu dont le principe a été annoncé par le gouvernement n'a pas été prise en compte en raison du manque de détails de ces mesures. »

L'autre raison de la bonne santé du pouvoir d'achat est le rythme modéré de l'inflation qui devrait fluctuer autour de 1,3%-1,4% à l'horizon 2020 et 2021. La baisse des prix du pétrole entre 2018 et 2019 et l'abandon de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) auraient des conséquences favorables sur l'inflation totale. « Actuellement, on est 10 euros plus bas qu'à la mi-mai », pour le baril de Brent.

Boom de l'épargne

Les Français semblent privilégier une épargne de précaution d'après les résultats présentés par l'organisme. « Quand vous obtenez du pouvoir d'achat, les ménages ne le consomment pas tout de suite. Ils ont épargné encore plus que ce que l'on escomptait. Sur le dernier trimestre 2018 et le premier trimestre 2019, la hausse du revenu brut a été de 8,5 milliards alors que la hausse de la consommation a été de 3,1 milliards. Près des deux tiers de ce supplément de pouvoir d'achat ont été épargnés alors que le taux d'épargne est déjà de 15% », précise Olivier Garnier.

« Pour l'instant, les forts gains de pouvoir d'achat ne se sont en effet répercutés que de façon très partielle dans les dépenses de ménages et le taux d'épargne a fortement augmenté », ajoute la banque de France.

L'épargne pourrait augmenter durablement en restant supérieur à 15% jusqu'en 2021.

Chômage en baisse

Au niveau du chômage, le taux au sens du bureau international du travail (BIT) pourrait encore diminuer passant de 9,4% en 2017 à 8,1% à la fin 2021 sur la France entière. Le ralentissement en douceur de la croissance, le niveau encore favorable des créations d'emplois et la baisse de la population active devraient permettre d'infléchir la courbe du chômage d'ici la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron.

Lors de sa campagne, l'ancien ministre de l'Économie sous François Hollande avait promis d'atteindre un taux de chômage à 7%.

Un contexte international moins porteur

Les statisticiens de la banque de France ont révisé à la baisse leurs projections par rapport à mars en raison d'un contexte international moins favorable. « La demande mondiale adressée à la France est révisée à la baisse au delà de l'année 2019 qui s'explique par l'environnement extra-zone euro en particulier l'Asie émergente, la Chine, la Turquie et aussi au sein de la zone euro avec l'Italie et l'Allemagne qui sont sensiblement révisées en baisse et qui restent inférieures à la France », avance Olivier Garnier.

Pour l'instant, aucune perspective d'apaisement se profile à court terme. Le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a indiqué ce mardi que les États-Unis et la Chine n'annonceraient pas de traité commercial lors du sommet du G20, fin juin au Japon alors que Donald Trump compte évoquer le sujet avec son homologue chinois Xi Jinping.