Après les européennes, Macron lâche les freins

En perdant son duel face au RN, le chef de l’État sort affaibli du scrutin européen. Il souhaite malgré tout accélérer ses réformes.
Grégoire Normand
Emmanuel Macron veut peser sur la nomination du futur président de la Commission et intensifier l’acte II de son mandat. Ici, à Bruxelles, le 28 mai.
Emmanuel Macron veut peser sur la nomination du futur président de la Commission et intensifier l’acte II de son mandat. Ici, à Bruxelles, le 28 mai. (Crédits : Reuters)

C'est un résultat en demi-teinte pour Emmanuel Macron. Avec 22,41 % des suffrages remportés dimanche dernier, la liste Renaissance conduite par Nathalie Loiseau n'a pas réussi à battre la liste du Rassemblement national (23,31 %), qui a remporté 5,2 millions de voix. Le chef de l'État, qui avait annoncé qu'il « ferait tout son possible » pour que le RN n'arrive pas sur la première marche du podium, a jeté toutes ses forces dans la bataille. La stratégie de la République en marche, qui consistait à se présenter en rempart de l'extrême-droite, a échoué. En effet, le parti présidé par Marine Le Pen a collecté moins de bulletins de vote que pour la présidentielle de 2017 (10,6 millions), mais bien plus que lors des élections européennes de 2014 (4,7 millions). Pour le chercheur du CNRS au Cevipof Bruno Cautrès, « le grand clivage politique qui oppose le Rassemblement national et la République en marche a marqué une étape supplémentaire d'affirmation dans la vie politique. Ce clivage résumé par Emmanuel Macron entre progressistes-libéraux et conservateurs-nationalistes est trop schématique. Les enquêtes montrent que les progressistes viennent beaucoup de la droite ».

Autre temps fort de cette élection européenne, la montée en puissance d'Europe Écologie-Les Verts pourrait obliger le gouvernement à « verdir » sa politique alors qu'il avait privilégié les réformes économiques durant les deux premières années du quinquennat. La seconde place de LREM à ce scrutin représente un désaveu pour le gouvernement qui tente de sortir d'une profonde crise sociale et démocratique. Comment poursuivre la  « transformation du pays » après cet avertissement dans les urnes ? Le gouvernement estime pourtant avoir suffisamment limité la casse pour confirmer sa détermination à poursuivre ses réformes à pas de charge. Tout l'enjeu pour le chef de l'État va être de répondre aux fortes attentes exprimées par les Français lors du Grand débat, que ce soit sur les questions fiscales, climatiques ou sur le pouvoir d'achat.

« Si Emmanuel Macron lit ces résultats comme un blanc-seing des Français à sa gouvernance en se disant que l'on peut tourner la page des"gilets jaunes", ce serait une grave erreur. Le Rassemblement national a été en grande partie le réceptacle de la colère populaire exprimée depuis six mois », ajoute Bruno Cautrès. Au soir des élections, le président de la République a cependant écarté tout changement de cap dans sa politique. Il compte même « intensifier l'acte 2 de [son] quinquennat », dont il a confié la mission à son Premier ministre. Édouard Philippe, conforté à son poste, a déclaré qu'il avait entendu « ce message fort » : « Nous l'avons reçu 5 sur 5, comme nous avons reçu le message sur l'urgence écologique. » De facto, le Premier ministre n'a à aucun moment envisagé son départ : « Nous devons mettre en œuvre une nouvelle méthode pour davantage aider les territoires [...] et mettre davantage d'humain dans notre politique. »


Des réformes explosives

L'agenda des réformes s'annonce hautement inflammable. Le gouvernement doit en effet présenter sa réforme de l'assurance-chômage durant le mois de juin. Déjà en début d'année, les pistes envisagées pour réduire le plafond des indemnités des cadres, sauf sans doute des seniors, avaient provoqué une bronca. Mais en proposant le bonus-malus sur les contrats courts, le gouvernement veut aussi montrer qu'il n'hésite pas à braquer le patronat. Dans le même temps, des chantiers au long cours doivent également aboutir comme la réforme des retraites, avec le rapport de Jean-Paul Delevoye attendu en juillet et un projet de loi annoncé pour la rentrée.Toujours au mois de juin, les ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, doivent présenter les modalités de la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu qui sera effective au 1er janvier 2020.

Certaines niches fiscales à destination des entreprises doivent être supprimées, sachant que le Crédit d'impôt recherche (CIR) et la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales pérenne ne devraient pas être concernés. Les arbitrages budgétaires pour le projet de loi de finances 2020 devraient également être tranchés avant l'été. Sur d'autres chantiers comme la réorganisation de la présence de l'État dans les territoires, l'opposition parlementaire sort renforcée même si les Républicains ont subi une débâcle historique.

Affaibli par la démission de plusieurs ministres en 2018, le chef de l'État, critiqué pour son exercice du pouvoir « jupitérien », a dû revoir en profondeur sa méthode sous la pression des Gilets jaunes, en prenant mieux en compte les corps intermédiaires. Édouard Philippe avait déjà invité, début mai, un grand nombre d'organisations syndicales et d'ONG afin de lancer la mobilisation nationale et territoriale pour l'emploi. Cet exercice devrait se poursuivre avec des représentants d'associations d'élus locaux. Une réunion avec le Premier ministre est prévue la première semaine de juin pour travailler sur des sujets de décentralisation et des dispositifs pour rapprocher les services publics des citoyens.

Le «Game of Thrones » européen

Reste la réforme de l'Europe, à laquelle Emmanuel Macron veut s'atteler. L'une des grandes leçons de ce scrutin est que, pour la première fois depuis la première élection en 1979, les deux forces politiques qui sont aux manettes de l'assemblée européenne ont perdu leur majorité absolue (376 sièges). Les résultats indiquent que le Parti populaire européen (177) et le groupe des sociaux-démocrates (150) perdent du terrain au profit de l'extrême droite (114), des centristes et libéraux (108) et des écologistes (69).

Le Parlement européen 2019-2024

Graphique Parlement européen

[Cliquer sur le graphique pour l'agrandir]

Cette nouvelle configuration confirme l'érosion de la place des partis de gouvernement au profit de forces politiques plus récentes et d'une dynamique accrue des partis nationalistes. Elle pourrait profiter à Emmanuel Macron qui cherche à construire un groupe centriste puissant au sein de l'hémicycle européen. Dans ce contexte, un épisode à la « Games of Thrones va commencer », a déclaré le Néerlandais Frans Timmersmans, chef de file des socialistes et prétendant à la tête de la Commission européenne. Depuis le 28 mai, le président du Conseil, Donald Tusk, a lancé des consultations lors d'un sommet extraordinaire pour faire le bilan des européennes. Il a un mois pour trouver un accord avec le Parlement avant un sommet crucial les 20 et 21juin.

Les tractations ont débuté. Longtemps considéré comme favori, l'Allemand Manfred Weber, tête de liste du PPE, se retrouve affaibli, alors que les conservateurs perdent
30 sièges. Plusieurs dirigeants ont tenté de convaincre le PPE de renoncer à son candidat pour cesser d'alimenter l'euroscepticisme. Emmanuel Macron, meneur de cette bataille, fera tout pour soutenir Michel Barnier ou, à défaut, Margrethe Verstager, la commissaire danoise à la Concurrence. « Si Emmanuel Macron obtient la nomination de Michel Barnier à la tête de la Commission euro- péenne, il pourrait continuer à embrayer son projet auprès des  Français », conclut Bruno Cautrès. Un pari loin d'être gagné.

EN BREF :

  • LES FAITS. Emmanuel Macron a réussi à casser le duopole constitué des conservateurs et des socialistes qui dominait le Parlement européen. Mais la seconde place de la majorité LREM-Modem pourrait freiner ses ambitions de réformes.
  • LES ENJEUX. Le gouvernement maintient sa volonté de « transformer le pays » tout en modifiant sa méthode. À venir, les réformes de l'assurance-chômage, des retraite set de l'État.
  • À SUIVRE. Au Parlement européen, le RN et LREM obtiennent le même nombre de sièges (23 sur 79 occupés par les députés français).

Grégoire Normand
Commentaires 30
à écrit le 03/06/2019 à 16:01
Signaler
Il ne sort pas affaibli, sauf à considérer que le RN est un parti de gouvernement. On ne peut même pas le supposer, le mouvement des GL serait un courant d'air à côté de la tempête en cas de gouvernement pur RN. Le RN est comme le sucre, il se disso...

à écrit le 03/06/2019 à 14:59
Signaler
Continuer à faire des réformes impopulaires fort de ces 22%, c'est oublié que les 78% pensent le contraire.......

à écrit le 03/06/2019 à 10:59
Signaler
"Macron lâche les freins" ferait mieux de nous lâcher la gr...e le suppôt de Bruxelles.

à écrit le 03/06/2019 à 8:54
Signaler
logique il attendait ''l'après élection''..... maintenant il peut se lâcher.... gare aux résultats

à écrit le 02/06/2019 à 15:17
Signaler
Cet ex bourgeois de Calais passé au Touquet par ce que non décidément, des immigrés y'en a trop désormais à Calais...

le 02/06/2019 à 16:53
Signaler
Ce qui explique le vote RN au Calais... Par contre ça m’a choqué le vote RN au Sud de la France , c’est clair que ce n’est pas «  trop touristique «  tout cela ... Pourtant les gens du Sud sont réputés bon vivants , chaleureux , accueillants ...

à écrit le 02/06/2019 à 15:01
Signaler
La dernière chance d’un maintien d’équilibre ... Pour limiter le chômage , changer le système , plus flexible , faciliter les formations informatiques et de commerce en ligne pour tous et toutes. Quand une entreprise licencie en masse , sanctionner...

à écrit le 02/06/2019 à 9:55
Signaler
réjouissez vous après 6 pour cent de hausse de l’électricité on remet ça en aout plus la hausse de l'essence les sois disant hausse du pouvoir d'achat c'est du vent ce qui sont nantis les bobos parisiens de macron sont content à84 ans j'en ai vue de...

à écrit le 01/06/2019 à 22:08
Signaler
Macron continu a fond t es le meilleur mets au travail les profiteurs du système les français allergiques au travail tous ceux qui gueulentet qui ne font rien quand aux gilets jaunes déclancher un mouvement de désordre et de casse qui paye maintenant...

le 02/06/2019 à 15:22
Signaler
Un économiste réputé à déclaré que les salaires dans la plupart des professions ne sont pas du à la plus value générée par le travailleur mais essentiellement au progrès, entendu par là les grandes inventions majeurs, automatismes, moteur à combustio...

à écrit le 01/06/2019 à 18:52
Signaler
Il ne peut rien faire d'autre, que de suivre les ordres de Bruxelles et se défausser si cela ne passe pas! C'est un opportuniste comme tout européiste!

à écrit le 01/06/2019 à 17:45
Signaler
Point d'espoir sans baisse de la dépense publique. Il faut attaquer dans le dur maintenant pour relancer ce pays malade.

le 01/06/2019 à 19:08
Signaler
Pour suivre les GOPE-de-Bruxelles et transformer la FRANCE en Grèce ? Les emplois délocalisés à l' est à 400 euros mensuels par la grâce de l' article 63 du TFUE et demi 250, comment comptez-vous les faire revenir ...? Et ...

à écrit le 01/06/2019 à 16:11
Signaler
Bravo Macron, il faut continuer a réformer et faire baiser le chômage, le reste on s'en fou c'est de la politique !

le 01/06/2019 à 17:09
Signaler
peut être un petit problème pour les prochaines élections va arriver, la menace ou le chantage de moi ou le chaos fonctionnera t il ? ceux qui voteront le pen le feront, mais combien resteront chez eux, refusant le vote macron. Créez de la haine et i...

le 02/06/2019 à 11:57
Signaler
Lorsque les ouvriers et employés n'ont plus les moyens de vivre décemment..40% des habitants aux USA se partagent 1% de leur richesse nationale, également 40% des Allemands sont marginalisés économiquement et survivent en cumulant les boulots, en Fra...

à écrit le 01/06/2019 à 15:06
Signaler
Le français n'est jamais content. La prime d activité qui augmente. Le chômage baisse même si ce n'est pas grand chose, la baisse est la..... Aucun président n'as fait mieux les 20 derniers années. Et celui qui dit vouloir ouvrir une entreprise ...

le 01/06/2019 à 17:34
Signaler
Où tu as vu que le chômage avait baissé mdr ? Et pour le reste commentaires de comptoir...

à écrit le 01/06/2019 à 15:04
Signaler
Le français n'est jamais content. La prime d activité qui augmente. Le chômage baisse même si ce n'est pas grave d chose, la baisse est la..... Aucun président n'as fait mieux les 20 derniers années. Et celui qui dit vouloir ouvrir une entrepris...

à écrit le 01/06/2019 à 14:14
Signaler
Macron incompétent, vous avez bon jeu les commentateurs. La droite en rêvait Macron la fait ! Vous pleurez car il est allé plus vite que vous dans la liquidation de notre société. Moins de service publics, fin programmée de toutes les sites industri...

à écrit le 01/06/2019 à 13:41
Signaler
Macron "lâche les freins" ?? En voilà une bonne nouvelle ! Il va foncer encore plus vite dans le décor ! Déjà que toutes ses pseudo-réformes n'ont été que des échecs cuisants, s'il accélère les choses, il va encore plus se casser le g... Bah ! Pas d'...

à écrit le 01/06/2019 à 13:41
Signaler
Macron "lâche les freins" ?? En voilà une bonne nouvelle ! Il va foncer encore plus vite dans le décor ! Déjà que toutes ses pseudo-réformes n'ont été que des échecs cuisants, s'il accélère les choses, il va encore plus se casser le g... Bah ! Pas d'...

à écrit le 01/06/2019 à 13:13
Signaler
Avec un procureur gilet jaune l'avenir du macronisme est le cul dans les ronces , un frelon dans la culotte ...

à écrit le 01/06/2019 à 12:10
Signaler
Sans baisser la dépense publique, il n'y aura jamais de baisse de la fiscalité durable. Il faudra bien payer la facture un jour.

à écrit le 01/06/2019 à 10:57
Signaler
perdu, affaibli, Macron? Sauf à prendre les lecteurs pour des imbéciles, on peut soupçonner l'article de partialité. 0,9 % d'écart par rapport à une extrême droite qui fédère l'ensemble des votes anti-macron? Qui a dénoncé politiquement les dangers ...

le 01/06/2019 à 13:33
Signaler
Ses réformes, novlangue bruxelloise à destination des sourds et malentendants ! Reformulons donc. Tout ce cinoche digne d' Hollywood pour quoi ? Pour masquer le fait que Macron comme ses prédécesseurs signe une fois l'an les ...

le 01/06/2019 à 13:56
Signaler
A Gédéon : Frexiter avec 1%, ça prête à rire.

le 01/06/2019 à 19:03
Signaler
@Totiti C' est juste la mise en bouche attendez la suite on pourra alors se marrer ensemble ...!

à écrit le 01/06/2019 à 10:43
Signaler
Ces un malonetteil donne au riche et les autre rien nous pas versais un cts il fait croire que il debloque de l argent mes ces poure les macroniste et sa troups

le 01/06/2019 à 11:39
Signaler
le RN aussi et pas mieux méme pire

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.