L'ESS veut se réapproprier l'économie collaborative

L'économie sociale et solidaire éprouve toutes les peines du monde à se situer au sein de « l'économie collaborative », qui regroupe les nouvelles plateformes Internet. Elle aimerait s'en réapproprier le concept.
Mathias Thépot
Les entreprises de l'ESS ont besoin de plus de moyens pour se développer sur l'outil numérique.

L'économie « collaborative », parfois appelée aussi économie du « partage » est aujourd'hui plus apparentée aux Uber, Airbnb et autres BlaBlaCar qu'aux entreprises de l'économie sociale et solidaire (L'ESS). Pourtant, par ses valeurs d'entraide, de lien social et de collectif, l'ESS devrait être l'une des pierres angulaires de cette nouvelle économie du bon sens constituée de plateformes Internet qui mettent en relation très rapidement une offre et une demande. Mais l'ESS éprouve toutes les peines du monde à prendre le wagon de l'économie collaborative qui, pourtant, aurait dû lui être « sémantiquement » destinée. En effet, comme le questionnait le journaliste Philippe Frémeaux lors d'un colloque organisé à Bercy par le Labo de l'ESS, « l'économie peut-elle être collaborative sans être sociale et solidaire ? ». L'ESS se fait même « voler » ses valeurs, beaucoup d'entreprises collaboratives axant leur communication sur l'aspect communautaire, générateur de liens sociaux, de leur activité.

S'emparer de l'économie collaborative

Aujourd'hui, trois types de plateformes collaboratives sont le plus souvent définis : d'abord les tenants d'un capitalisme « sauvage », comme Airbnb qui développe son projet sans se préoccuper des conséquences sur les secteurs de l'hôtellerie et du logement ; ou Uber, dont le modèle est peu protecteur vis à vis de ces « affiliés ». Ensuite, l'économie collaborative comprend des entreprises partisanes d'un capitalisme plus « moral » comme la plateforme BlaBlaCar qui base son activité sur le partage des frais entre les usagers ; mais qui pour se développer s'applique en interne les mécanismes du capitalisme classique. Et enfin, il y a les plateformes collaboratives qui s'imposent les valeurs de l'économie sociale et solidaire, via la finalité sociale ou environnementale de leur activité, et en interne via une gouvernance démocratique, le réinvestissement des bénéfices dans l'entreprise, des écarts de salaires plafonnés et une « lucrativité » limitée.

Des formes juridiques d'entreprises méconnues

Pourtant, cette dernière forme d'entreprise collaborative est très peu répandue. Egalement présents à Bercy, Grégoire Leclercq, le cofondateur de l'Observatoire de l'Uberisation, se souvient que sur les 180 plateformes internet qu'il a pu recenser en France, seules trois plateformes ont un modèle d'économie sociale et solidaire... Le chemin est long, donc. Mais désormais l'ESS a décidé de réagir : « Nous devons nous emparer de cette économie collaborative ! », invective Hugues Sibille, le président du Labo de l'ESS, qui mène la fronde. Dans les secteurs de l'agriculture, de l'environnement, de la petite enfance, de l'accès aux soins, de la mobilité, de la finance participative voire de l'accès à l'information, le potentiel de développement de plateformes internet sociales et solidaires existe. Mais comment des entreprises françaises de l'ESS pourront-elles émerger ? D'abord en se faisant davantage connaître. Les modèles juridiques des sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic) ou des coopératives d'activité et d'emploi (CAE) restent par exemple très méconnus des créateurs d'entreprises. C'est pourquoi « il faut être présent dans les endroits où l'on fabrique les start-up de demain », explique Hugues Sibille.

Le pouvoir du nombre

Par ailleurs, il faut aussi que les entreprises de l'ESS puissent mobiliser les écosystèmes territoriaux. Car pour faire « accepter l'idée que les capitaux des entreprises de l'ESS sont moins bien valorisées, il faut pouvoir opposer le pouvoir du nombre », estime Philippe Frémeaux. Dans ce cadre, la mobilisation des acteurs locaux, privés comme publics, qui pourraient s'organiser en circuits courts, semble primordiale. Enfin, l'ESS a besoin de moyens, qui plus est sur le secteur du numérique, où l'acquisition de trafic et les dépenses en marketing sont très coûteuses. C'est d'ailleurs pour cela que les plateformes de l'économie collaborative les plus connues, malgré de multiples levées de fonds, éprouvent les pires difficultés à être rentables. Elles attendent encore d'atteindre une taille critique pour l'être. Sur ce marché du numérique hyper concurrentiel, sans moyen, il semble donc quasi impossible d'émerger. D'où l'idée de mobiliser les institutionnels historiques de l'ESS comme les mutuelles, les institutions de prévoyance ou les banques coopératives. Des acteurs assurément indispensables pour que l'ESS soit une alternative crédible au capitalisme de marché qui vise en priorité la rentabilité à court terme.

Mathias Thépot
Commentaires 4
à écrit le 19/12/2016 à 10:45
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TOUS EST FAIT POUR FREINE LES BONNES IDEES/ CETTE EXPERIENCE A DE L AVENIR SI ON L AIDE A SE DEVELOPER? MOI JE SUIS AMATEUR DE BROCANTE ET CRACE A CETTE IDEE BEAUCOUP DE GENS PAUVRES ONT DES PRODUITS PAS CHERS QUI AURAIS FINIES A LA CASSE/ ET A DONNE...

à écrit le 15/12/2016 à 13:29
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Déjà si vraiment elle veut se "réapproprier" le marché de la solidarité tout est dit quant à sa crédibilité sociale hein... C'est embêtant que les gens fassent ce qu'ils veulent on ne peut pas du coup ériger de règles générales instaurées pour le...

à écrit le 15/12/2016 à 12:30
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Les citoyens et entrepreneurs locaux doivent s'approprier l'économie collaborative, actuellement majoritairement aux mains d'entreprises prédatrices et globalisées. Febecoop s'inscrit dans un mouvement large de démocratisation de l'économie collabo...

à écrit le 15/12/2016 à 5:54
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Ce sont surtout les attaques judiciaires et le protectionnisme juridique qui empêchent le développement de l'économie collaborative. Les parts de marché sont âprement défendues par les acteurs financiers : le frein au développement, c'est la défense ...

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