L'inflation fait grimper le Smic : quels impacts ? quels risques ?

C'était attendu, les prix à la consommation en France ont augmenté au mois d'août sur un an de 1,9%, et de 2,2% comparé à novembre 2020, ce qui va mécaniquement revaloriser le Smic d'une trentaine d'euros. Bercy ne compte pas aller au-delà pour ne pas ralentir la reprise. Mais syndicats et partis politiques de gauche jugent cette hausse insuffisante pour les ménages modestes sur qui pèsent le plus les dépenses contraintes.
Fanny Guinochet
De combien sera augmenté le Smic? En sortie de conseil des ministres, ce matin, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a évoqué une hausse de 35 euros bruts par mois au 1er octobre.
De combien sera augmenté le Smic? En sortie de conseil des ministres, ce matin, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a évoqué une hausse de 35 euros bruts par mois au 1er octobre. (Crédits : DR)

Les experts s'y attendaient. L'indice des prix a bien continué d'augmenter en août, constate l'Insee. Une accélération largement portée par la flambée des prix de l'énergie (+12,7% après +12,3%), mais aussi par le rebond des prix des produits manufacturés (+1,1% après -1,1%). Sans oublier les prix de l'alimentation - des produits frais, notamment - qui restent soutenus (+1,3% après +0,9%). De fait, en août, sur un an, les prix à la consommation en France ont augmenté de 1,9%, après +1,2% en juillet. Et comparé à novembre 2020, l'indice a progressé de 2,2%.

Augmentation mécanique

Évènement rare, le Smic va donc augmenter, comme le prévoient les dispositions inscrites dans le code du travail.

« Le Smic doit faire l'objet d'une revalorisation si l'indice des prix en août a progressé d'au moins 2% par rapport à celui de novembre 2020, référence pour la précédente hausse du salaire minimum au 1er janvier 2021 », rappelle Gilbert Cette, professeur à Neoma Business School et président du groupe d'experts sur le Smic.

Ce ne sera donc pas un cadeau du gouvernement, mais, le 1er octobre prochain, le salaire minimum horaire devrait donc passer mécaniquement de 10,25 euros à près de 10,50 euros. Mensuellement, le Smic passera de 1.554 euros à environ 1.587 euros brut par mois, sur la base de 35 heures par semaine. Le ministère du Travail, qui doit rencontrer le groupe d'experts du Smic ce mercredi, publiera dans la journée le montant exact. Cependant, en sortie de conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a évoqué une hausse de 35 euros bruts par mois au 1er octobre. De fait, la facture pour les finances publiques promet d'être salée. En outre, cette hausse concerne quelque 2,25 millions de salariés du privé.

Et ce, d'autant plus que, bonne nouvelle pour les bénéficiaires, cette augmentation sera pérenne, même si l'inflation recule dans les mois à venir. Ce qui semble probable.

« Cette hausse des prix est, semble-t-il très conjoncturelle car très liée au secteur de l'énergie. Dans quelques mois, si l'indice faiblit, il n'y aura pas de retour en arrière côté salaire », poursuit Gilbert Cette.

Autrement dit, ce qui est pris est pris !

Le nucléaire, amortisseur d'inflation

D'ailleurs, en France, la plupart des économistes ne croient pas à une explosion durable de l'inflation, ne serait-ce que parce qu'une bonne part de la production d'électricité est d'origine nucléaire.

De fait, notre pays devrait donc être relativement préservé au regard des autres économies développées. Ainsi, aux États-Unis, l'inflation s'est établie en juillet à 5,4% sur un an. En Allemagne, la hausse des prix sur un an a même atteint 3,9%, et en Espagne, 3,3%. Et en août en zone euro, l'indice des prix a bondi à 3% en rythme annuel, soit au-dessus de l'objectif de la banque centrale européenne, la BCE, de 2%.

« Il ne faut pas oublier aussi que les banques centrales peuvent agir pour réguler l'inflation », précise Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE.

Le Maire ne veut pas risquer de ralentir la reprise

En attendant, le gouvernement a déjà prévenu: il n'ira pas plus loin que la revalorisation automatique obligatoire. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire le répète :

« Donner un coup de pouce au Smic, c'est donner un coup de canif au redressement de l'emploi. »

Pas question, selon le locataire de Bercy, de prendre le risque de ralentir la reprise économique en imposant une revalorisation uniforme et trop forte aux entreprises. Ces dernières retrouvent tout juste un niveau d'activité normale après la pandémie. À elles de négocier, via leurs branches professionnelles, les augmentations de salaire opportunes et adaptées en fonction des secteurs.

Pour compenser la hausse du prix des carburants, le gouvernement préfère utiliser d'autres instruments ciblés comme le chèque énergie, aujourd'hui versé à plus de 5,8 millions de ménages. « Une solution juste, efficace, appropriée face à l'inflation », selon Bruno Le Maire. L'exécutif réfléchit à relever le montant du chèque, au moins temporairement, le temps d'aider les ménages modestes à passer l'hiver.

Les dépenses contraintes pèsent 41% du budget des ménages modestes

De leur côté, les syndicats ne l'entendent pas ainsi. Ils ne sauraient se contenter de quelques euros de plus sur ce chèque énergie, ou de la trentaine d'euros obligatoires à venir en plus sur les fiches de paie. CGT, FO, et même CFTC demandent une majoration supplémentaire du salaire minimum. Pour eux, le gouvernement doit faire un effort. Cette revendication sera en tête de liste lors de la journée d'action du 5 octobre.

Même discours chez plusieurs partis politiques de gauche (PCF, LFI...), qui militent pour un Smic à au moins 1.400 euros net (contre 1.230 ).

Avec cet argument: malgré les hausses du Smic, ce sont les ménages modestes qui pâtissent le plus de l'inflation, tant leurs marges de manœuvre sont réduites. Et pour cause, les dépenses contraintes pèsent dans leur budget beaucoup plus fortement que pour les cadres et les foyers plus aisés.

Selon une étude de France Stratégie, les dépenses fixes des ménages (assurances, loyers, téléphone, carburant, etc.) sont passées de 27% de leur budget en 2001 à 32% en 2017. Pour les ménages pauvres, de 31% à 41%.

C'est bien ici que le risque social se situe. Et de mettre en garde le gouvernement, la crise du Covid ne doit pas faire oublier la crise des Gilets Jaunes.

Fanny Guinochet
Commentaires 10
à écrit le 16/09/2021 à 8:16
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L'inflation des taxes et impôts en tout genre a depuis toujours été énorme mais sans doute pas décompté dans l'indice d'inflation, en effet les écrans plats et autres gadgets voyaient leur prix diminuer.

à écrit le 16/09/2021 à 6:46
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Avec ce taux d'inflation, le gouvernement devra respecter les accords pour l'augmentation des retraités. Les élections approchent et nous sommes nombreux depuis longtemps à faire du surplace monsieur le Président de la République.

le 16/09/2021 à 16:40
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C'est vraiment triste pour vous que votre allocation chômage-retraite fasse du surplace mais rassurez-vous, si vous vivez assez longtemps vous pourrez assister à la faillite de la France... puisque votre allocation chômage-retraite n'est pas limit...

à écrit le 15/09/2021 à 19:57
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L'inflation fait grimper le SMIC... mais pas les livrets défiscalisés tandis que la banque de France honni les détenteurs de PEL ouvert avant 2011 à taux d'intéret plus généreux sans limite de durée de détention. Une mesure électoraliste?

à écrit le 15/09/2021 à 16:44
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ceux qui vont la toucher seront contents, ceux juste au dessus deviendront smicards.......moi, je suis comme la gauche, j'aime avoir bonne conscience, je vote donc une petite contribution de 10% sur le salaire des fonctionnaires ( qui gagnent 10% de ...

le 15/09/2021 à 18:38
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Excellent !!!!

le 15/09/2021 à 18:39
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Excellent !!!!

à écrit le 15/09/2021 à 16:33
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Pour les retraités dont les pensions ne suivent plus l'inflation depuis belle lurette, c'est une réelle perte de pouvoir d'achat.

le 15/09/2021 à 19:19
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Aucun candidat à la présidentielle ne parle d'augmenter les retraites.

le 15/09/2021 à 21:59
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Comme disait un ancien président, il fallait travailler plus pour gagner plus... Par ailleurs, augmenter l'argent de poche des boomers propriétaires ne relancera pas la consommation et les recettes fiscales ad hoc.

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