Les experts s'y attendaient. L'indice des prix a bien continué d'augmenter en août, constate l'Insee. Une accélération largement portée par la flambée des prix de l'énergie (+12,7% après +12,3%), mais aussi par le rebond des prix des produits manufacturés (+1,1% après -1,1%). Sans oublier les prix de l'alimentation - des produits frais, notamment - qui restent soutenus (+1,3% après +0,9%). De fait, en août, sur un an, les prix à la consommation en France ont augmenté de 1,9%, après +1,2% en juillet. Et comparé à novembre 2020, l'indice a progressé de 2,2%.
Augmentation mécanique
Évènement rare, le Smic va donc augmenter, comme le prévoient les dispositions inscrites dans le code du travail.
« Le Smic doit faire l'objet d'une revalorisation si l'indice des prix en août a progressé d'au moins 2% par rapport à celui de novembre 2020, référence pour la précédente hausse du salaire minimum au 1er janvier 2021 », rappelle Gilbert Cette, professeur à Neoma Business School et président du groupe d'experts sur le Smic.
Ce ne sera donc pas un cadeau du gouvernement, mais, le 1er octobre prochain, le salaire minimum horaire devrait donc passer mécaniquement de 10,25 euros à près de 10,50 euros. Mensuellement, le Smic passera de 1.554 euros à environ 1.587 euros brut par mois, sur la base de 35 heures par semaine. Le ministère du Travail, qui doit rencontrer le groupe d'experts du Smic ce mercredi, publiera dans la journée le montant exact. Cependant, en sortie de conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a évoqué une hausse de 35 euros bruts par mois au 1er octobre. De fait, la facture pour les finances publiques promet d'être salée. En outre, cette hausse concerne quelque 2,25 millions de salariés du privé.
Et ce, d'autant plus que, bonne nouvelle pour les bénéficiaires, cette augmentation sera pérenne, même si l'inflation recule dans les mois à venir. Ce qui semble probable.
« Cette hausse des prix est, semble-t-il très conjoncturelle car très liée au secteur de l'énergie. Dans quelques mois, si l'indice faiblit, il n'y aura pas de retour en arrière côté salaire », poursuit Gilbert Cette.
Autrement dit, ce qui est pris est pris !
Le nucléaire, amortisseur d'inflation
D'ailleurs, en France, la plupart des économistes ne croient pas à une explosion durable de l'inflation, ne serait-ce que parce qu'une bonne part de la production d'électricité est d'origine nucléaire.
De fait, notre pays devrait donc être relativement préservé au regard des autres économies développées. Ainsi, aux États-Unis, l'inflation s'est établie en juillet à 5,4% sur un an. En Allemagne, la hausse des prix sur un an a même atteint 3,9%, et en Espagne, 3,3%. Et en août en zone euro, l'indice des prix a bondi à 3% en rythme annuel, soit au-dessus de l'objectif de la banque centrale européenne, la BCE, de 2%.
« Il ne faut pas oublier aussi que les banques centrales peuvent agir pour réguler l'inflation », précise Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE.
Le Maire ne veut pas risquer de ralentir la reprise
En attendant, le gouvernement a déjà prévenu: il n'ira pas plus loin que la revalorisation automatique obligatoire. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire le répète :
« Donner un coup de pouce au Smic, c'est donner un coup de canif au redressement de l'emploi. »
Pas question, selon le locataire de Bercy, de prendre le risque de ralentir la reprise économique en imposant une revalorisation uniforme et trop forte aux entreprises. Ces dernières retrouvent tout juste un niveau d'activité normale après la pandémie. À elles de négocier, via leurs branches professionnelles, les augmentations de salaire opportunes et adaptées en fonction des secteurs.
Pour compenser la hausse du prix des carburants, le gouvernement préfère utiliser d'autres instruments ciblés comme le chèque énergie, aujourd'hui versé à plus de 5,8 millions de ménages. « Une solution juste, efficace, appropriée face à l'inflation », selon Bruno Le Maire. L'exécutif réfléchit à relever le montant du chèque, au moins temporairement, le temps d'aider les ménages modestes à passer l'hiver.
Les dépenses contraintes pèsent 41% du budget des ménages modestes
De leur côté, les syndicats ne l'entendent pas ainsi. Ils ne sauraient se contenter de quelques euros de plus sur ce chèque énergie, ou de la trentaine d'euros obligatoires à venir en plus sur les fiches de paie. CGT, FO, et même CFTC demandent une majoration supplémentaire du salaire minimum. Pour eux, le gouvernement doit faire un effort. Cette revendication sera en tête de liste lors de la journée d'action du 5 octobre.
Même discours chez plusieurs partis politiques de gauche (PCF, LFI...), qui militent pour un Smic à au moins 1.400 euros net (contre 1.230 ).
Avec cet argument: malgré les hausses du Smic, ce sont les ménages modestes qui pâtissent le plus de l'inflation, tant leurs marges de manœuvre sont réduites. Et pour cause, les dépenses contraintes pèsent dans leur budget beaucoup plus fortement que pour les cadres et les foyers plus aisés.
Selon une étude de France Stratégie, les dépenses fixes des ménages (assurances, loyers, téléphone, carburant, etc.) sont passées de 27% de leur budget en 2001 à 32% en 2017. Pour les ménages pauvres, de 31% à 41%.
C'est bien ici que le risque social se situe. Et de mettre en garde le gouvernement, la crise du Covid ne doit pas faire oublier la crise des Gilets Jaunes.