L'onde de choc de la pandémie continue de faire trembler le fisc français. Près de 18 mois après l'arrivée du virus sur le territoire français, l'administration fiscale reste toujours secouée par les conséquences de la crise sanitaire. « Nos services ont été extrêmement sous pression », a déclaré le directeur de la puissante direction générale des finances publiques (DGFIP) Jérôme Fournel, lors d'un point presse ce mardi 31 août. Après une année 2020 intense, comme en témoigne le dernier rapport d'activité 2020 de la DGFIP dévoilé le même jour, la fin de l'année 2021 promet également d'être chargée.
Au moment où le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé la fin du "quoi qu'il en coûte", la mise en œuvre de la nouvelle doctrine visant à faire du "sur-mesure" en matière d'aides aux entreprises risque de donner des sueurs froides aux agents des services de Bercy. En effet, la pandémie a amené l'exécutif à mettre en place des outils inédits (fonds de solidarité, activité partielle à grande échelle, dispositifs de prise en charge des coûts fixes) pour tenter de préserver le tissu productif tricolore. A ces mesures-là s'ajoutent les derniers arbitrages pour le dernier budget du quinquennat Macron présenté à la fin du mois de septembre et le décaissement du plan de relance de 100 milliards d'euros qui soufflera sa première bougie dans quelques jours.
Du fonds de solidarité à la prise en charge des coûts fixes
Destiné d'abord aux petits indépendants, le fonds de solidarité est monté en puissance avec la gravité et le prolongement de la crise. Selon les derniers chiffres communiqués par l'exécutif, l'enveloppe destinée au fonds de solidarité s'est établie à 35 milliards d'euros depuis le début de la pandémie. Avec la levée des barrières sanitaires et la reprise de l'économie française, le gouvernement a changé sa stratégie en mettant fin au fonds de solidarité à partir du premier octobre prochain. Pour le mois de septembre, les entreprises doivent déclarer un chiffre d'affaires minimum de 15% par rapport à la même période de 2019 pour toucher les subsides. Ce nouveau critère est destiné à limiter les effets d'aubaine. « Il est difficile de mesurer l'ensemble des effets d'aubaine. Il y a eu des surcompensations mais elles sont relativement limitées », a expliqué le patron du fisc français devant les journalistes.
Suite aux annonces de Bruno Le Maire lundi 30 août, Bercy va devoir s'attaquer aux chantiers du dispositif de prise en charge des coûts fixes. Il s'adresse aux entreprises des secteurs S1 et S1 bis pénalisés par les mesures sanitaires comme le pass. Cette aide permet de couvrir 70 % des pertes d'exploitation pour les entreprises de plus de 50 salariés et 90 % des pertes pour les entreprises de moins de 50 salariés, dans la limite de 1,8 million d'euros sur l'année 2021.
S'agissant de l'allongement du temps de traitement des dossiers, « Bruno Le Maire m'a demandé d'aller vite sur les petites entreprises qui sont souvent les plus fragiles. Pour les grandes entreprises, les dossiers prendront plus de temps. Quand il s'agit d'une petite entreprise, cela peut prendre deux heures. Lorsqu'il s'agit d'un plus grand groupe avec des filières à l'étranger, cela peut prendre deux jours », a indiqué le haut fonctionnaire. « En plus, le traitement des dossiers est impossible à automatiser "a-t-il ajouté.
Fonds de solidarité : "les contrôles nous ont permis de ne pas verser des milliards d'euros indus"
La mise en œuvre rapide du fonds de solidarité au printemps 2020 a globalement été saluée par de nombreux économistes. Le raz-de-marée de faillites d'entreprises a pu être évité contrairement aux craintes exprimées. Au premier trimestre 2021, le taux de marge des entreprises affiche un niveau relativement élevé (35,9%) par rapport à la même période en 2019 (33,2%). Interrogé sur le sujet des contrôles menés par l'administration fiscale par La Tribune, Jérôme Fournel a affirmé que « au-delà des contrôles automatisés, les démarches des agents publics nous ont permis d'éviter de verser des milliards d'euros pour rien ». Il rappelle que « des indus ont été payés. Des milliers d'entreprises ont redonné des sommes spontanément et d'autres ne l'ont pas fait. »
S'agissant des fraudes caractérisées, le directeur a par exemple constaté « la création de fausses sociétés pour toucher des fonds, la présence de comptes multi-bancaires, des différences entre les chiffres d'affaires déclarés à l'administration et ceux effectivement réalisés » Au début de la pandémie, l'essor de fournisseurs frauduleux a également été souligné. « Plus de 600 fournisseurs de masques frauduleux ont été détectés »a-t-il précisé. Au total, plus de 3.000 dépôts de plaintes ont été enregistrés. « On ne veut pas noyer les services de police et de justice pour des petits montants mais au nom de la solidarité nationale, il faut aller traquer ceux qui ont profité de la situation» a-t-il affirmé.