Le Medef met la liberté au programme de la prochaine campagne présidentielle

Le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux ouvre ce mercredi à l'hippodrome de Paris Longchamp la troisième université d'été du patronat. Les menaces sur les libertés publiques, avec la crise sanitaire, et économiques, avec les tensions géopolitiques mondiales, seront au cœur des deux journées des Rencontres des entrepreneurs de France. Le président du Medef s'inquiète aussi des difficultés de recrutement dans certains secteurs et prédit une tension sur les salaires... et les prix.
Philippe Mabille
Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef.
Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef. (Crédits : Reuters)

C'est sur le fond des paroles de la chanson de Georges Moustaki, "Ma liberté", que Geoffroy Roux de Bézieux, le patron des patrons, a choisi de placer sa rentrée 2021 sous le signe de la liberté. L'artiste réputé proche de la gauche extrême aurait-il apprécié cet hommage ? Le choix du mot n'a pourtant rien de très étonnant pour un Mouvement des entreprises de France défenseur du libéralisme économique, enfin, d'un libéralisme qui sait s'arrêter lorsque commence la nécessaire intervention de l'Etat, comme c'est le cas en cette pandémie.

Pour cette deuxième rentrée de la crise du Covid, sous la menace toujours présente du variant Delta, le patronat cherche avec cette ode à la liberté une forme de retour à la normale dans une économie qui a vécu sous perfusion depuis le début de la pandémie. Intitulé « A l'air libre », LA REF ou Rencontre des entrepreneurs de France 2021 multipliera pendant ces deux jours, mercredi 25 et jeudi 26 août, les débats pour défendre des libertés menacées. Car, pour le patron des patrons, "la liberté n'appartient à aucun camp".

Pass sanitaire ou vaccination obligatoire, liberté d'aller et venir, de commercer ou d'entreprendre, mais aussi liberté politique et nouvelles contraintes liées à l'écologie, toutes les formes de liberté seront interrogées dans un contexte troublé par la crise en Afghanistan. Geoffroy Roux de Bézieux le confesse: "Si j'ai choisi le thème de la liberté pour la REF, c'est d'abord parce que cette idée a été largement pervertie depuis quelques mois par tous ceux qui s'en réclament, mais sans en assumer les exigences". Une référence aux tensions sur le pass sanitaire qui fracture le pays avec des manifestations chaque samedi depuis la mi-juillet. Sur ce sujet, le patron du Medef veut remettre les pendules à l'heure : « La dictature c'est quand on n'a plus le droit de manifester. La dictature, c'est quand les femmes n'ont plus le droit de travailler ou de se promener seules dans la rue comme par exemple aujourd'hui à Kaboul. Alors tous ces gens qui défilent, de bonne ou de mauvaise foi, chaque samedi en nous expliquant que notre pays est devenu une dictature, je les encourage à écouter Chekeba Hachemi, la fondatrice de l'association Afghanistan libre qui interviendra demain après-midi. Quand nous l'avons invitée, il y a quelques mois, on ne se doutait pas que Kaboul tomberait aux mains des Talibans le 15 août. En l'écoutant, j'espère qu'ils comprendront la différence entre la démocratie et la dictature », explique-t-il.

Reste que le Medef s'inquiète sur les conséquences de l'application du pass dans les entreprises concernées sur le climat social : "Nous sommes favorables au pass sanitaire. Mais pas partout, pas tout le temps. Et, bien sûr, le moins longtemps possible, car son impact peut être très pénalisant pour de nombreux secteurs, reconnaît-il. Les conséquences sociales inquiètent aussi les patrons et les DRH. Ce sera « très compliqué pour une entreprise d'engager une procédure de licenciement contre un salarié qui ne se conformerait pas au pass », avertissait Patrick Martin, le président délégué du Medef, sur France Info début août.

Le moral des patrons au beau fixe mais pas partout

LA REF sera aussi l'occasion de prendre le pouls du moral des patrons. Dans un contexte de forte de reprise, avec une croissance toujours espérée à 6% par Bercy, l'économie pourrait retrouver fin 2021 son niveau d'avant la crise sanitaire. Pas de quoi pavoiser encore, alors que certains secteurs comme le tourisme, l'événementiel, souffrent encore et survivent grâce aux aides économiques et sociales de l'Etat. Mais si la société reste sous tension sanitaire, on ne voit pas venir de rentrée sociale dure. Il n'y a pas de catastrophe sociale majeure ni le mur des faillites annoncé, l'emploi repart et les entreprises ont surtout des difficultés pour recruter ou retenir leurs salariés dont la vie a été bouleversée par le télétravail, sans doute durablement. Au Medef, on se félicite que l'entreprise soit dans la crise un "lieu de stabilité".

Inventer le capitalisme décarboné de demain.

Pour parler économie, Bruno Le Maire, un habitué des lieux puisque le ministre a fait un quinquennat à Bercy, fera un discours très attendu par les patrons notamment sur le nouveau plan de relance de l'investissement France 2030 qui sera présenté en septembre. L'ombre de la présidentielle à venir va aussi planer sur les débats alors que les partenaires sociaux seront reçus la semaine prochaine à Matignon par Jean Castex avec un menu délicat : réforme de l'assurance-chômage, suspendue depuis la décision du conseil d'Etat au début de l'Etat, que le Medef veut voir s'appliquer dés le 1er octobre, malgré le refus des syndicats ; et allongement de l'âge de la retraite, qu'Emmanuel Macron avait ressorti de la naphtaline, mais que le patronat juge risqué socialement sans l'onction d'un débat présidentiel.

Outre le patron de Bercy, deux ministres sont invités ce mercredi : Eric Dupont-Moretti, le ministre de la Justice, incontournable icône de la liberté, Agnès Pannier-Runacher, la ministre délégué à l'industrie et Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, alors que la question de la contrainte et d'une rupture dans nos modes de production, de consommation et même de vie est réclamée par les climatologues du GIEC. "Face à ce défi, les solutions technologiques existent dans presque tous les cas, souligne Geoffroy Roux de Bézieux. Mais la vérité c'est qu'elles coûtent plus cher d'une part, et surtout qu'elles ne peuvent pas être imposées de force à nos concitoyens. Car, parfois, elles se heurtent à certaines de leurs libertés et de leurs besoins fondamentaux. La vraie question, c'est comment réussir à concilier l'impératif de la transition écologique avec nos libertés ? Ou dit autrement, peut-on être libre et vert ?". Sur ce débat, le président du Medef est convaincu que "la vérité c'est que les premiers écologistes, ce sont les entreprises et les entrepreneurs. Ceux qui se sont engagés dans un processus de décarbonation de leur production. Avec le French Business Climate Pledge lancé par le Mouvement des Entreprises de France ici-même en 2019, près de 300 grandes entreprises françaises se sont engagées pour décarboner leur production. C'est un engagement volontaire, et surtout chiffré, mesuré chaque année. Il s'agit maintenant pour nous d'entraîner toutes les entreprises de France. La solution ne peut pas être la décroissance ou la théorie du potager comme le proposent certains". Pour le Medef, c'est le rôle des entrepreneurs "d'inventer le capitalisme décarboné de demain".

Enfin, l'Europe sera au menu en cette veille de présidence française de l'Union européenne avec présence jeudi du commissaire européen Thierry Breton pour parler des enjeux de souveraineté industrielle à l'heure où la montée du protectionnisme n'a pas disparu avec Trump et que la Chine durcit le ton sur le terrain commercial.

La crainte de difficultés de recrutement

Ouvert mardi par une rencontre des entrepreneurs francophones pour marquer l'importance des échanges commerciaux de la France avec l'Afrique -"Le DAVOS de la francophonie est né hier", selon Roux de Bézieux-, LA REF 2021 se situe dans un moment carrefour pour la France. Le patron des patrons s'est auto-délivré un satisfecit, celui de ne pas avoir sombré au pessimisme : "
Il y a un an, sur cette même scène, alors que nous avions choisi de maintenir LA REF, je vous disais que le pire n'était pas certain, que le million de chômeurs annoncé par les économistes, parfois avec une sorte de délectation morbide n'était pas écrit, que le mur des faillites n'était pas inéluctable".

Mais une nouvelle période s'ouvre, complexe : "Il y a bien sûr encore des secteurs qui sont en difficulté : l'hôtellerie quand elle dépend des touristes étrangers, le secteur de l'événementiel, de l'aérien, les voyagistes, les salles de sport et de spectacle... pour eux, il ne faudra pas arrêter brutalement les mesures de soutien". Surtout, se pose la délicate question de la sortie du quoi qu'il en coûte présidentiel et revenir à la normale. Le tout dans un contexte post-crise nouveau : "En réalité, le plus grand danger pour l'économie française, ce sont les pénuries de matières premières d'un côté et surtout les difficultés à recruter". Or, "la France est le seul pays de l'OCDE où le chômage structurel se situe entre 7% et 8% ! C'est le handicap majeur pour notre croissance potentielle. En France, au premier trimestre 2021, le taux d'emploi a été de 66 % contre 76 % pour l'Allemagne", indique-t-il. Cet écart a des causes connues: des problèmes de mobilité géographique, car "la France est le pays de l'OCDE où on déménage le moins pour changer d'emploi", souligne le patron des patrons. Mais aussi de mobilité sociale et d'inadéquation entre la formation, les compétences et les attentes des entreprises. Enfin, souligne Roux de Bézieux, notre système d'assurance chômage complexe et coûteux décourage, dans un certain nombre de cas, la reprise du travail: "C'est pour cela que nous demandons que la réforme de l'assurance chômage soit mise en place le plus rapidement possible".

Libérer le marché du travail, tel est le souhait du Medef alors que le problème des difficultés de recrutement risque de pénaliser l'économie. Son président entrevoit "forcément" des augmentations de salaires en début d'année prochaine, étant donné les difficultés du recrutement, a-t-il expliqué mercredi sur Franceinfo. "Je suis très frappé: tous les patrons que j'ai vus cet été, même avant l'été, leur sujet numéro un, ça n'est plus la pandémie, c'est le recrutement", a rapporté le président de la première organisation patronale française.

"Vu les difficultés de recrutement", particulièrement fortes dans les services, dont la restauration et l'hôtellerie, et le bâtiment, "il y aura forcément des augmentations (de salaires) assez significatives l'année prochaine", a estimé M. Roux de Bézieux, alors que les négociations salariales se déroulent en général en début d'année.

Le président du Medef était interrogé sur une déclaration du ministre de l'Economie Bruno Le Maire lundi sur France 2, qui avait invité à "se reposer la question de la meilleure rémunération" afin que la croissance "profite à tout le monde, sans exception, même les plus faibles, même les moins qualifiés, tous ceux qui ont été aux avant-postes de la crise". "Ça peut passer par les salaires, ça peut passer par les primes, ça peut passer par l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié que nous avons défendu massivement depuis le début de ce quinquennat", avait avancé le ministre.

La période électorale qui s'ouvre sera un test crucial. Quel rôle y jouera le Medef ? Le patron des patrons met au défi le prochain Président de la République : "Lors de sa campagne, il devra avoir le courage de dire la vérité, même si elle est dure à encaisser". Dans un pays qui vient de créer 240 milliards d'euros de dette publique en deux ans, et va mettre du temps à sortir de l'économie sous perfusions, l'heure de vérité sera, à n'en pas douter, au rendez-vous de 2022.

Philippe Mabille
Commentaires 11
à écrit le 26/08/2021 à 16:30
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La liberté consiste à faire tout ce que permet la longueur de la chaîne.François Cavanna

à écrit le 25/08/2021 à 21:42
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La liberté sans la pointeuse dans les usines?

le 26/08/2021 à 15:04
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Au MEDEF, on revendique la liberté d'être des idiots et des incompétents,.... Ils en ont parfaitement le droit

à écrit le 25/08/2021 à 18:29
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Le concept de Liberté est à géométrie variable. La liberté, c'est apprendre à vivre ensemble, mais d'aucuns pensent qu'elle est au bout du fusil, ou sur les marchés financiers, ou ailleurs...en Chine?🤣

à écrit le 25/08/2021 à 17:17
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Bref! Visiblement, certain prônent la liberté des uns pour contraindre les autres!

à écrit le 25/08/2021 à 17:06
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En parlant de liberté : Revers pour le préfet des Yvelines. Mardi 24 août, le tribunal administratif de Versailles a suspendu mardi un arrêté du préfet des Yvelines qui rendait obligatoire le pass sanitaire dans les centres commerciaux, au motif q...

à écrit le 25/08/2021 à 16:19
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Il faut vraiment être au bord du chaos pour que le patron du medef soutienne une politique ouvertement liberticide. Comparer avec l'Afghanistan pourquoi pas, mais sans comparer avec la Suède c'est grotesque et ouvertement orienté or si la liberté en ...

à écrit le 25/08/2021 à 16:02
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la liberté pour le medef, c'est celle que prennent les plus puissants avec souvent le soutien de l'Etat : évasion fiscale, mondialisation, main d'oeuvre à bas coût, diminution des impôts, optimisation fiscale, publicité pour des produits nocifs, etc....

à écrit le 25/08/2021 à 15:43
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le Médef ne peut pas prendre trop position contre le gouvernement, mais il n'en pense pas moins ! Le "socialo-mondialisme" sous perfusion monétaire ça commence à bien faire... effectivement, les libertés économiques et publiques sont intrinsèquement ...

à écrit le 25/08/2021 à 14:40
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LOL, à un moment, j'ai cru que le Medef prenait la défense des anti-passe sanitaire. C'est une drôle de défense de la liberté, que nous présente là le Medef

à écrit le 25/08/2021 à 14:37
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vu le cout de l immobilier en France (par rappoart a la RFA par ex), pas etonnant que les francais demenagent moins. prendre un travail ailleurs n a aucun interet si tout les gains sont englouti dans le loyer ou le credit. pire pour certiains emploi ...

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