Revenu d'engagement pour les jeunes : la piste de l'abandon fait son chemin

Annoncé le 12 juillet par le président de la République, ce dispositif, destiné à aider les jeunes décrocheurs en leur versant une allocation mensuelle, a du plomb dans l'aile. Il n'a pas été inscrit au budget 2022. Et devait être présenté mi-octobre. Mais ne trouvant pas la formule adéquate, le gouvernement n'exclut pas de l'abandonner. Explications.
(Crédits : Yoan Valat / Piscine / Abacapress via Reuters)

« C'est l'histoire d'un bourbier dans lequel le Président s'est mis tout seul, en parlant trop vite », résume un député de la macronie. Après en avoir parlé le 12 juillet dernier lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron devait dévoiler, à la rentrée, les contours de ce revenu d'engagement destiné aux jeunes ayant dû mal à s'insérer dans le monde du travail. Le montant de cette allocation était estimé autour de 500 euros par mois. Et ce revenu d'engagement devait être assorti d'un engagement du bénéficiaire à s'insérer - via une formation, un contrat, un parcours adapté à sa situation... Reste que plus le temps passe et plus ce revenu d'engagement semble difficile à élaborer.

Les interrogations sont nombreuses

Comment éviter d'en faire un simple RSA jeunes ou un revenu universel jeunes ? Comment le rendre efficace ? Comment l'articuler avec le mantra macroniste qui veut que le travail paie plus que l'inactivité ? Le principe même déchire le gouvernement.

A Bercy, pas un conseiller n'est là pour le défendre.

« Une fausse bonne idée qui revient à dépenser de l'argent pour rien », dit l'un d'eux.

« Le risque, c'est de créer une sorte de RSA jeune qui s'installe dans la durée et sur lequel on ne puisse pas revenir », tacle un autre. « Créer une allocation alors qu'il y a du boulot à revendre pour les jeunes, y compris pour les non qualifiés... Dans le contexte de l'élection, c'est du pain béni pour la droite et l'extrême droite ! », s'insurge un troisième.

Le premier locataire du ministère de l'Economie, Bruno Le Maire, n'a d'ailleurs jamais été très convaincu. Lors de la présentation du budget, la semaine dernière, il soulignait « qu'étant donné l'amélioration du marché du travail, il fallait réévaluer »  cette mesure : « Ce n'est pas la même chose si on a 11 % de chômage et une situation où le chômage baisse ».

Un coût allant de 1 à 2 milliards d'euros

Des réticences légitimes alors que, par ailleurs, le gouvernement dit tenter de limiter les dépenses publiques. Parmi les estimations budgétaires - que l'exécutif refuse de valider -, l'enveloppe de ce revenu d'engagement oscillerait entre 1 et 2 milliards par an, pour 1 million à 1,4 millions de bénéficiaires potentiels (si l'on intègre ou non les travailleurs précaires comme Elisabeth Borne, ministre du Travail, le laisse entendre).

La veille de la présentation du Projet de loi de Finances, une réunion en présence du président de la République et de plusieurs membres du gouvernement s'est tenue à l'Elysée au sujet du revenu d'engagement. Non sans remous. Le chef de l'Etat s'est agacé des propositions faites. Il a demandé à ce que les propositions soient retravaillées. « En même temps, il y avait la création d'une application pour mieux s'insérer... un truc style compte personnel de formation... tu cliques deux fois dessus en échange de 500 euros, ce n'était pas sérieux! », raconte un proche du dossier.

Droits et devoirs

A cette occasion, Emmanuel Macron a aussi insisté pour que la logique « des droits et devoirs » soit bien visible dans le dispositif. Quitte à en changer le nom, et à partir sur « un contrat d'engagement » pour mettre en avant le côté « donnant-donnant ».

Car une chose est sûre : si ce revenu d'engagement voit le jour, les bénéficiaires devront faire preuve de leur engagement à se former, suivre un parcours adapté pour retrouver le chemin de l'insertion et, au mieux, du travail. Sans quoi, des sanctions graduées leur seraient appliquées. Des sanctions allant jusqu'à la suspension provisoire pour ceux qui ne joueraient pas le jeu. Ce que critiquent déjà syndicats et associations.

« Ils n'ont pas tort. Dans la réalité, comment « débrancher » un jeune déjà en situation de précarité ? En lui supprimant l'allocation ? On passera pour des monstres et ce sera contre-productif », confie un conseiller ministériel peu convaincu par la formule.

Car c'est bien à des jeunes décrocheurs entre 16 à 25 ans, en marge de l'école, et de tout système classique de formation que ce revenu d'engagement doit s'adresser. Un public déjà fragile. Du côté du ministère du Travail, chez Elisabeth Borne, le diagnostic est plus nuancé : « Il y a urgence à aider cette catégorie justement, en trouvant l'accompagnement adéquat »

Mais le suivi, c'est bien aussi ce qui risque de pêcher dans ce revenu d'engagement. Le gouvernement a conscience que les moyens sur le terrain ne sont pas toujours au rendez-vous : les missions locales sont débordées, les conseillers Pôle emploi promettent d'être occupés avec les changements de règles d'indemnisation qui doivent entrer en vigueur, à partir du 1er octobre, avec la réforme de l'assurance chômage... « Un droit supplémentaire qui ne peut s'appliquer correctement dans le quotidien des gens, n'est-ce pas pire que renoncer ? C'est prendre le risque de nourrir le ressentiment », interroge, inquiet, un ministre macroniste.

Etendre la garantie jeunes?

Aussi, face à ces difficultés, la piste d'un abandon pur et simple du revenu d'engagement se dessine. Et ce alors même que Jean Castex, le Premier ministre, évoquait encore dans les Echos, ce lundi, travailler sur "un revenu d'engagement" pour les jeunes, qui sera un "contrat" entre le jeune et l'État...

Pour ne pas perdre la face, le gouvernement pourrait étendre la « garantie jeunes »... Avantage : ce système instauré par François Hollande a fait ses preuves. Il verse au signataire d'un contrat pour s'insérer jusqu'à 497,50 euros mensuels, pour une durée allant entre 9 et 12 mois. Convaincu de l'efficacité de la garantie jeunes, Emmanuel Macron a prévu d'en financer jusqu'à 200.000, deux fois plus qu'aujourd'hui.

A défaut de créer un revenu d'engagement, l'exécutif pourrait donc revenir à son engagement initial d'élargir plus largement ce système. Reste à voir jusqu'où... 400.000 ? 500.000 en 2022 ?

Sans nul doute, cet abandon sera vécu par les associations caritatives comme une trahison. Certains syndicats seront également déçus. Mais pas tous, la CFDT, qui a beaucoup œuvré pour la création de la garantie jeunes, promet d'être plus mesurée. En début de semaine, Laurent Berger, le leader du syndicat réformiste, n'écrivait-il pas sur twitter à propos du revenu d'engagement : « Un accompagnement, et une allocation, cela s'appelle la garantie jeune universelle... c'est de cela dont les jeunes les plus en difficultés ont besoin. Il faut le faire maintenant ! » A droite, où le revenu d'engagement ne fait guère recette, ce renoncement les priverait d'une critique à l'égard du président.

Fort de ces éléments politiques et économiques, c'est de toute façon Emmanuel Macron, seul, qui tranchera, assure son entourage. Verdict d'ici peu. Le chef de l'Etat a en effet prévu de s'exprimer sur le sujet mi-octobre.

Commentaires 10
à écrit le 01/10/2021 à 9:49
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La France se ruine par les charges sociales et on rajoute encore une couche, car qui paye ? Avec presque 800 millards d euros de prestations sociales, prestations les plus généreuses au monde, nous ruinons nos entreprises et nous alimentons la pauvre...

à écrit le 01/10/2021 à 9:26
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La France est quasiment le seul pays d'Europe à pratiquer un racisme d'état anti-jeune, Partout ailleurs, ils bénéficient des mêmes droits sociaux dès leur majorité civique atteinte, ce qui semble logique.puisqu'ils s'acquittent des mêmes devoirs fi...

à écrit le 30/09/2021 à 16:48
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L'idée était mauvaise, et en plus elle aurait engendré des milliards de fraude.

à écrit le 30/09/2021 à 9:29
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Subventionné le travail... en se félicitant d'avoir fait œuvre utile? Mais, en fin de compte, ne rendant service qu' a la "concurrence libre et non faussé"!

à écrit le 29/09/2021 à 19:32
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c'est dingue, il fait pas la réforme sur le financement de la dépendance, il fait pas le revenu d'engagement jeunes, il fait pas la réforme des retraites. Il laisser perdurer des injustices terribles. Tout ce qu'il a fait, c'est l'abandon de l'ISF e...

le 29/09/2021 à 21:45
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ça ruisselle ! (qu'il disait)

le 30/09/2021 à 16:47
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Oui, les riche qui travaillent plus de 35h et qui gagnent plus de 2.500 euros... Le revenu d'engagement était une mesure démagogique et mauvaise pour le pays. Il faut mettre l'argent dans l'investissement, la recherche et la formation et ceux qui ve...

à écrit le 29/09/2021 à 18:43
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"autour de 500 euros par mois. Et ce revenu d'engagement devait être assorti d'un engagement du bénéficiaire à s'insérer - via une formation, un contrat," Si le jeune a ce contrat ,je suppose qu'il s'agit d'un contrat de travail pour 500€ par mois...

à écrit le 29/09/2021 à 18:35
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L'idée était bonne sauf que le gouvernement n'aurait pas mis dans cette mesure l'obligation d'être français, du coup tous les ressortissants de l'UE et peut-être même hors UE résidant en France auraient bénéficié de cette prestation.

à écrit le 29/09/2021 à 17:15
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Ah mince alors, il n'a pas le même chéquier que son clown castex ?

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