Le spectre des entreprises zombies ressurgit

Le faible nombre de défaillances, les taux bas et la montée de l’endettement des entreprises multiplient les risques d'une hausse des entreprises zombies. Dans leur dernier baromètre, les économistes de Coface pointent ce danger particulièrement aigu en 2021.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La déflagration pourrait être immense. Dans leur dernier baromètre dévoilé ce mardi 9 février, les économistes de Coface redoutent une envolée des entreprises zombies dans les mois à venir. "Si le recours accru à l'endettement a permis d'éviter beaucoup de défaillances, cette montée de l'endettement des entreprises dans un contexte de taux d'intérêt bas et d'activité économique en berne fait craindre la multiplication d'entreprises « zombies », c'est-à-dire toujours en vie, mais trop endettées pour investir et croître" expliquent les auteurs de l'étude.

Ce phénomène de firmes zombies très présent au Japon dans les années 90 a refait surface avec la pandémie mondiale. "L'impact du choc en 2020 devrait se matérialiser sur les défaillances d'entreprises en 2021 ou au plus tard en 2022. Il reste encore beaucoup d'incertitudes sur le moment où cela devrait arriver. Les secteurs les plus touchés sont liés au tourisme et à l'hôtellerie" a expliqué l'économiste en chef de Coface, Julien Marcilly, lors d'un point presse. Si beaucoup d'entreprises sont sous perfusion depuis maintenant près d'un an, la levée des aides d'Etat et l'obligation de rembourser les créances pourraient faire de terribles dégâts dans les rangs des firmes particulièrement secouées par l'onde de choc de la pandémie.

Des faillites en baisse dans la plupart des pays en 2020

La baisse des défaillances d'entreprises est un phénomène observable dans de nombreuses économies. "L'année 2020 a été marquée par une baisse des défaillances d'entreprises. On estime qu'elles ont baissé de l'ordre de 12% à l'échelle du globe" a complété l'économiste. En zone euro, la chute est particulièrement spectaculaire en 2020 (-22%). Viennent ensuite la zone Asie-Pacifique (-19%) et l'Amérique du Nord (-3%). En France, les statistiques sur les faillites d'entreprises ont surpris un grand nombre d'économistes. "Le PIB a chuté de 8,3% et dans le même temps les défaillances ont reculé de 38%. Comment cela est-il possible dans un contexte de pire récession ? Au début, nous avons cru que la suspension des démarches juridiques aurait un impact après l'été au moment de la levée de ces mesures. En fait, les baisses de défaillances ont continué en fin d'année. Ce sont les plus faibles taux de défaillances depuis que l'on a des données. Les baisses se situent entre -30% et -40%" a déclaré l'économiste Bruno De Moura Fernandes.

Rapidement, la plupart des autorités ont mis en oeuvre des filets de sécurité pour limiter le marasme et les banques centrales ont amplifié leur politique monétaire non conventionnelle pour conserver les facilités d'accès aux crédits pour les entreprises.

"Les nombreux plans de soutien des banques centrales et des gouvernements permettent d'expliquer ce recul important. Plusieurs types de mesures ont été pris. L'impulsion budgétaire a été deux fois plus forte en 2020 qu'en 2009. La relance a grandement favorisé les entreprises contrairement à la relance de 2009 qui a été plus keynésienne. Les prêts garantis, les baisses de taxation, les annulations de prélèvements explique cette situation en 2020" a indiqué Julien Marcilly.

A l'époque, le solde budgétaire primaire à l'échelle de la planète, c'est-à-dire sans les intérêts, s'était creusé de 4,8 points contre 8,8 en 2020. Certains plans de relance comme celui de la France privilégient d'abord les soutiens aux entreprises et l'offre.

> Lire aussi : Plan de relance : quels impacts sur la croissance et l'emploi ?

Le pire à venir en 2021 ?

A ce stade, il est encore difficile de faire des pronostics pour l'ensemble de l'année. L'évolution de l'économie va en grande partie dépendre de l'évolution de la pandémie et de la campagne de vaccination. Depuis le début de la propagation du virus, les entreprises ont été relativement bien protégées jugent la plupart des économistes. Il reste que la levée des aides et les échéances de remboursement à venir même si elles sont sans cesse repoussées dans certains pays comme la France alimentent les craintes. La situation sanitaire est loin d'être apaisée et les espoirs d'une reprise rapide et solide de l'économie s'éloignent régulièrement. "En Europe, se pose la question du prolongement des dispositifs. Les prêts garantis sont possibles jusqu'au mois d'août. Pour l'instant, ces prêts n'ont pas trop d'incidences sur les finances publiques. Beaucoup de mesures vont être maintenues en 2021 mais cela pose des difficultés pour faire des prévisions de défaillances. Nous sommes partis sur le bilan d'activité des entreprises à partir des pertes possibles de chiffre d'affaires et des mesures de soutien" a signalé Julien Marcilly. En effet, l'examen des chiffres de défaillances ne donnent pas forcément un éclairage précis de l'état de santé des firmes.

En fait, la montée du phénomène d'entreprises zombies pourrait en grande partie dépendre du secteur et du degré de spécialisation d'une économie. Dans leur présentation, les économistes ont particulièrement mis en lumière le caractère inégalitaire de la reprise économique. Si certains secteurs on pu tiré leur épingle du jeu (commerce en ligne, santé, agroalimentaire), d'autres risquent de souffrir durablement (événementiel, tourisme). En France, le commerce extérieur a été frappé de plein fouet l'année dernière avec un déficit de l'ordre de -65 milliards d'euros. Ce creusement s'explique en grande partie par une chute abyssale des exportations de l'industrie aéronautique et une inflexion record du tourisme. Résultat, la présence de firmes zombies pourrait être particulièrement exacerbée dans ces secteurs. "En France, les répercussions de la crise perdureront au delà de cette année 2021. Il y a une dichotomie entre les secteurs sur les perspectives. Les situations sont de plus en plus différenciées par secteur" a signalé Bruno De Moura Fernandes.

Sur la question de la fin des aides, il est apparu optimiste. "Plusieurs indices nous indiquent que le gouvernement devrait encore soutenir les entreprises. La France a fait une demande pour l'allongement des PGE de 6 à 8 ans auprès de la Commission européenne. Beaucoup d'entreprises comptent commencer à rembourser à partir de 2022. L'objectif est d'étaler le choc dans le temps. Le gouvernement a même évoqué l'idée de transformer certains prêts en subventions pour les secteurs les plus affectés" complète-t-il.

Il n'empêche que la persistance du virus et le prolongement des mesures sanitaires sur certains secteurs multiplient les risques de voir des entreprise confrontées à de sérieux problèmes d'insolvabilité, incapables d'investir après de longs mois de fermeture administrative. "L'espoir pour l'économie française se situe chez les consommateurs. Quand la situation sanitaire se stabilise, le moral des ménages revient. L'épargne est consommée quand le pouvoir d'achat est protégé par les mesures de chômage partiel. Une fois que les restrictions seront levées, on peut espérer que la demande sera de retour en France et permettra à l'activité de repartir" conclut-il. En attendant, les retards accumulés dans la campagne de vaccination et la multiplication des variants sur tout le continent européen plongent une nouvelle fois les entreprises et les salariés dans un tunnel sans fin.

> Lire aussi : L'économie française reste asphyxiée

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 10/02/2021 à 12:53
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et ca va etre d'autant plus copieux que pour equilibrer un portefeuille de risques avec des taux a 0.5%, he ben bon courage ca veut dire que quand ca va taper, les banques prendront leurs pertes ( et les fournisseurs aussi), et repercuteront ca sur ...

à écrit le 09/02/2021 à 18:21
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En même temps, en France, on a bien des dirigeants zombis ...

à écrit le 09/02/2021 à 15:56
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A argent zombie, entreprises zombies, les morts vivants de la finance s'étendent. Bon et Emma Stone alors ? ^^

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