Mobilité professionnelle : les immigrés subissent un déclassement

Par Grégoire Normand  |   |  802  mots
Le taux de chômage des immigrés s'élevait à 18% en 2015 selon les données de l'Insee.
Plus de la moitié des détenteurs d'un titre de séjour d'au moins un an ont vu leur situation professionnelle se dégrader après leur arrivée en France.

L'insertion professionnelle des immigrés demeure compliquée en France. Selon une récente étude du ministère du Travail, la majorité des détenteurs d'un titre de séjour voient leur situation professionnelle se dégrader après une migration et la plupart de ceux qui sont en poste se concentrent dans le BTP, le commerce, l'hôtellerie et la restauration. L'intégration des populations immigrées sur le marché du travail représente un véritable défi pour l'économie française, surtout que l'écart entre le taux de chômage des immigrés et le taux de chômage total est supérieur d'environ 8 points sur la période 2011/2015, selon les données de l'Insee et du ministère de l'Intérieur.

 

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Une mobilité professionnelle défavorable

Les parcours des détenteurs d'un titre de séjour sont souvent marqués par des obstacles et discriminations sur le plan professionnel. Pour mesurer la mobilité professionnelle de cette population, le service de statistiques a mis en place un indicateur synthétique qui mesure "la mobilité de statut d'activité (trouver un emploi en France alors que l'on était au chômage ou en inactivité dans le pays d'origine, ou avoir perdu son emploi et se retrouver au chômage) et la mobilité de catégorie socioprofessionnelle (changement de catégorie socioprofessionnelle de l'emploi occupé, pour les personnes restées en emploi)."

D'après les résultats obtenus, plus de la moitié (54%) des personnes interrogées ont une position professionnelle moins favorable en termes d'insertion sur le marché du travail après leur arrivée en France. À l'opposé, 19% des détenteurs d'un titre de séjour connaissent une amélioration de leur situation professionnelle. Enfin, un quart déclare être dans une situation similaire. Ce constat masque des différences importantes entre les hommes et les femmes. En effet, ces dernières occupent plus souvent des positions professionnelles défavorables après leur migration que les hommes. "60 % d'entre elles sont dans ce cas contre 47% des hommes, du fait notamment de la plus forte inactivité des femmes."

Le motif d'immigration (familial, travail,..) peut également jouer sur la mobilité professionnelle. Pour celles et ceux qui ont immigré pour un motif lié au travail, les risques de détérioration de la situation professionnelle diminue. En revanche, les réfugiés, qui fuient souvent des pays en guerre, des catastrophes climatiques ou sanitaires ou des menaces, "sont beaucoup plus susceptibles d'avoir une position professionnelle moins élevée que celle qu'ils avaient avant la migration."

Dégradation de la situation sur le marché du travail

La migration est loin d'être synonyme d'amélioration des conditions professionnelles. L'examen du changement de situation des personnes migrantes indique que sur l'ensemble des personnes qui possédaient un emploi dans leur pays d'origine, 55,7% sont en emploi en France, 25,1% sont au chômage et 15,7% en inactivité.

"De ce point de vue, la migration peut être considérée, pour une part non négligeable des individus concernés, comme défavorable, au moins à court terme."

À l'opposé, seule une minorité de personnes qui étaient au chômage avant la migration (36,5%) a réussi à retrouver du travail après leur arrivée en France alors que 45,1% sont restées au chômage et 17% sont devenues inactives. Les écarts sont également visibles selon le sexe. Parmi les hommes qui étaient en emploi dans leur pays d'origine, 71% sont encore en emploi après leur arrivée, 22,8% sont au chômage et 3,3% sont inactifs. Chez les femmes, l'évolution a empiré. Sur le total de celles qui étaient en emploi, 34% seulement ont un travail, 28% se retrouvent au chômage et 32,5% sont inactifs.

Une concentration dans des métiers peu qualifiés

Les détenteurs d'un titre de séjour en emploi se concentrent en majorité dans un petit nombre de secteurs d'activité. Ainsi, 60% des hommes travaillent dans deux secteurs : "bâtiment et travaux publics" pour 29% d'entre eux, et "commerce et hôtels, cafés, restaurants" pour 32% d'entre eux.

"Cette concentration sectorielle n'est cependant pas propre aux nouveaux détenteurs d'un titre de séjour. Elle est aussi observée de manière générale pour la population des travailleurs immigrés."

Malgré le retour d'une croissance plus robuste en 2017, l'insertion professionnelle des immigrés ne risque pas de s'améliorer si des efforts ne sont pas réalisés. À ce sujet, plusieurs rapports avec des recommandations ont été remis à l'exécutif depuis le début de l'année. Si les rapports avancent des propositions intéressantes, le durcissement du discours du gouvernement à l'égard de ces populations pourrait encore compliquer leur intégration dans le monde du travail.

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