Plan de relance européen : un effet intégrateur en attendant l’effet multiplicateur

CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" OPTIMISTE. Le 1er juillet, les montants du plan de relance européen de 750 milliards d'euros, signé il y a un an, vont être versés. La question est de savoir si chaque euro investi créera davantage de richesse. En attendant, cette vaste opération aura permis de coordonner et d'unifier les relances des Etats-membres face à la Chine et aux Etats-Unis.
Robert Jules
Le président Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à l'Elysée le 23 juin, après l'approbation du plan de relance français.
Le président Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à l'Elysée le 23 juin, après l'approbation du plan de relance français. (Crédits : Reuters)

Dans quelques jours, nous célébrerons le premier anniversaire de l'accord historique sur le plan de relance européen de 750 milliards d'euros, obtenu après d'âpres négociations entre Etats. Dans ce cadre, l'approbation par Bruxelles de chaque plan national est marquée ces jours-ci par le déplacement de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans chaque capitale pour marquer l'événement, avant le versement à partir du 1er juillet des sommes allouées à chaque Etat (à 46% sous forme de prêts, le restant en subventions).

Ce plan de relance est avant tout une nouvelle étape dans l'intégration européenne. Car si dans un premier temps, la pandémie a eu un effet de sidération sur les populations, et leurs gouvernements, les poussant à se replier sur l'espace national, il est apparu rapidement que les réponses devaient être globales. Le cadre européen s'est imposé comme la meilleure échelle pour agir face à des pays comme la Chine et les Etats-Unis.

"Faire face au danger, à l'imprévu"

Comme le rappelait récemment Luuk Van Middelar, haut fonctionnaire européen et ancienne plume du premier président du Conseil européen, Herman Van Rompuy : "Sous l'effet des crises, l'UE devient de plus en plus politique. A la base, l'Union était pensée comme une fabrique de réglementations destinée à créer un marché commun, donc un appareil très bien équipé pour produire des normes en se basant sur la prudence, l'équilibre et la patience. Cette machine bruxelloise n'était pas adaptée pour faire face au danger, à l'imprévu".

En effet, depuis la crise financière de 2008, et celle de la dette européenne de 2011, l'Union européenne a franchi des caps inimaginables auparavant, comme par exemple lever de la dette au niveau européen, il est vrai via l'Union européenne et non par une mutualisation. Même le Brexit a finalement clarifié les rapports, souvent difficiles, entre Londres et le restant de l'Union, renforçant la cohésion politique des Etats-membres, notamment de son cœur la zone euro.

Pour autant, le plan de relance n'est qu'une entente sur la répartition des aides par pays mais aussi par secteur - 43% des dépenses devraient être consacrées à la transition écologique et 28% à la digitalisation des activités, selon les calculs de l'Institut Bruegel -, chaque Etat devant mener sa propre relance, une fois obtenu le feu vert de Bruxelles.

Soutien aux jeunes créateurs

Ainsi, lorsqu'on examine en détail les plans, les orientations sont plus larges que la transition écologique et la digitalisation. On trouve par exemple dans le plan français un volet de 280 millions d'euros consacré au patrimoine avec un "plan cathédrales" de 80 millions d'euros ou encore "un programme exceptionnel de commande publique de 30 millions d'euros" visant à "soutenir en particulier les jeunes créateurs, touchés par la crise", sous la forme "d'acquisition d'œuvres d'art, toutes disciplines confondues".

Au delà de la répartition des investissements, la question se pose de la bonne allocation des ressources financières. "Le montant absolu des plans de dépenses n'est qu'un des éléments d'appréciation des efforts de relance. Il faut aussi examiner l'effet multiplicateur des dépenses sur l'activité. Cette estimation est notoirement difficile", souligne dans une note Bruno Cavalier, économiste chez Oddo BHF.  L'effet multiplicateur, c'est-à-dire combien génère de richesse tout euro dépensé.

Selon ses calculs, au regard des sommes demandées par les Etats-membres, "cela représente environ 0,6% du PIB par an sur la période 2021-2026", mais évidemment avec des disparités entre pays en fonction du montant mobilisé. "Dans leurs plans, l'Allemagne, la France et l'Italie retiennent un effet multiplicateur environ égal à deux. Cela implique qu'une dépense additionnelle moyenne de 0,6% élèverait le PIB européen de 1,2 point par rapport au scénario contrefactuel sans plan de relance. Pour l'Italie, l'effet serait plutôt de 3 points, pour la France et l'Allemagne de 0,5 point", détaille Bruno Cavalier. L'Italie, sous la houlette de Mario Draghi, a opté pour mobiliser toute l'aide, soit 192 milliards d'euros (69 milliards de subventions et 123 milliards d'euros de prêts). Si l'on prend en compte les quatre premières économies de la zone, les effets de leurs plans se traduira sur la période 2021-2026 par une hausse annuelle du PIB de 1,8% pour l'Italie, contre 0,3% pour la France (avec 41 milliards d'euros), 0,1% pour l'Allemagne (28 milliards d'euros), et 0,9% pour l'Espagne (70 milliards d'euros).

Les estimations optimistes du gouvernement espagnol

Si l'économiste espagnol Daniel Lacalle  considère, lui aussi, que "le succès ou l'échec du plan de relance européen repose sur les estimations de l'effet multiplicateur", il se montre plus sceptique sur les chiffres avancés, notamment en Espagne. "Le gouvernement estime que l'impact de ces fonds européens se traduira par une augmentation 6% sur trois ans. La Banque d'Espagne, elle, calcule que ce sera plutôt 5,2 points d'ici à 2023. Pour arriver à une telle estimation, il faut assumer un effet multiplicateur de ces fonds pour le PIB plus qu'optimiste", juge Daniel Lacalle.

L'économiste rappelle l'exemple du Plan Juncker, élaboré en 2014 et appliqué à partir de 2015, avant d'être prolongé jusqu'à 2020. Alimenté par le « Fonds européen pour les investissements stratégiques » (FEIS), ce plan avait pour objectif de mobiliser sur 3 ans, de 2015 à 2018, 315 milliards d'euros pour compenser le déficit d'investissement en Europe, après la crise financière mondiale de 2008 et la crise de la dette européenne en 2011. Or, selon les données de la Commission européenne, le plan Juncker a généré entre 2014 et 2019 une augmentation du PIB européen sur l'ensemble de la période de 0,9%, et a créé 1,1 million d'emplois en mobilisant finalement 430 milliards d'euros.

"Pouvons-nous vraiment créer un impact de 6% sur le PIB en trois ans avec le plan de relance européen quand le plan Juncker a généré 0,9% en cinq ans", ironise Daniel Lacalle.

Les annonces des gouvernements nationaux sur le plan de relance relèvent donc d'abord de la psychologie plus que des certitudes économiques. Il s'agit de restaurer un climat de confiance mis à mal par l'arrêt partiel de l'appareil productif pour que la population retrouve un moral mis en berne avec les conséquences de la pandémie.

Le retour de la réforme des retraites

C'est d'autant plus délicat pour les exécutifs que ces plans de relance doivent s'accompagner des réformes structurelles. L'exécutif français a rappelé d'ailleurs ces derniers temps qu'il allait remettre sur la table la réforme des retraites, malgré la période électorale qui va se poursuivre avec l'élection présidentielle après les élections régionales, peu propice aux réformes.

En attendant les résultats de l'effet multiplicateur, le plan de relance européen aura déjà produit un effet intégrateur en coordonnant les opérations du redémarrage de l'économie européenne.

Robert Jules
Commentaires 6
à écrit le 27/06/2021 à 10:03
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La question est de surtout savoir à l'Euro prêt ou est parti cette argent est d'en faire un point comptable au Francais !

à écrit le 26/06/2021 à 10:16
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10% pour l'économie réelle et 90% pour les marchés financiers qui détruisent le monde en ronflant, ça ne marchera toujours pas.

à écrit le 26/06/2021 à 9:01
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on depense sans compter ex vu leur absentéisme on pourrait diminuer de moitie le nombre d'elus et de bureaucrates ,et n'avoir qu'une seule adresse, combien coute le déménagement tout les six mois Bruxelles Strasbourg .

à écrit le 26/06/2021 à 5:43
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Vu l'etat des bilans des principales banques francaises, il y a du souci a se faire pour une eventuelle relance. Si les taux remontent ( ce qui va advenir) vous allez vous retrouver dans une situation similaire a la Grece. En attendant l'inflation m...

à écrit le 25/06/2021 à 17:13
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Article il y a 2 jours: deficit de la secu pour 2020 et 2021: 80 milliards... Les 40 milliards de "dons" sont déjà engloutis...

à écrit le 25/06/2021 à 16:31
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Que l'on réduise les importations et ça va démarrer tout seul

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