Pourquoi les syndicats risquent de ne pas peser lourd dans la campagne...

Ce 5 octobre, CGT et FO ont fait leur tour de chauffe. Ils ont organisé partout en France des actions pour défendre le pouvoir d'achat des salariés... Mais, les centrales restent fragilisées par la crise. Et peinent à mobiliser les troupes, alors que les mesures du gouvernement comme le le bouclier "tarifaire" ou le chèque énergie leur coupent l'herbe sous le pied. Explications.
(Crédits : STEPHANE MAHE)

Dure période pour les syndicats. Leurs thèmes de prédilection - l'augmentation des salaires, le maintien du pouvoir d'achat - arrivent en tête des préoccupations des Français dans les enquêtes d'opinion. Et pourtant, leurs actions ne sont pas très suivies.

Quelques milliers de Français sont descendus dans la rue, dans les transports ; des perturbations ont été enregistrées ici et là, des grèves ont paralysé des équipements- des centres de loisirs, cantines, ou administrations- mais pas de grand soir, pour cette première journée d'action post- Covid.

Contre-offensive du gouvernement

Et, pour cause, la contre-offensive du gouvernement complique la donne. Pour faire face à la flambée des prix du gaz et de l'électricité, l'exécutif a annoncé une panoplie de mesures de soutien : un bouclier « tarifaire », bloquant temporairement la hausse des prix du gaz, une rallonge de 100 euros le chèque énergie... Sans oublier, la hausse du Smic en octobre, même si elle est mécaniquement déclenchée par une poussée de l'inflation.

A l'occasion de la présentation du budget, l'exécutif insiste sur les gains de pouvoir d'achats enregistrés sous ce quinquennat, grâce à la croissance, à la baisse du chômage, mais aussi à sa politique de redistribution (revalorisation de différentes allocations, de la prime d'activité, modification du barème de l'impôt sur le revenu, suppression de la taxe d'habitation ...).

Et selon l'exécutif, toutes les catégories de Français ont bénéficié de cette amélioration du pouvoir d'achat, au premier chef les foyers les plus pauvres.

Reste que la plupart de ces décisions ont été prises sans que les syndicats n'aient eu à peser. Emmanuel Macron n'a jamais été un défenseur du paritarisme. Lorsqu'il est arrivé à l'Elysée, il a passé ses premières réformes - comme celle du code du Travail - par ordonnances, reléguant les centrales au second plan. La pandémie a renforcé sa conception du paritarisme. « A la fin du printemps 2020, l'Etat a appelé à la rescousse les partenaires sociaux, face au mécontentement des personnels de santé mais c'était pour mettre en scène un "Ségur de la Santé". Et les autres mesures économiques ont été décidées sans eux », notent par exemple les chercheurs Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, dans leur dernier ouvrage « Anatomie du syndicalisme » qui vient de paraître, aux Presses Universitaires de Grenoble.

Quant à la réforme de l'assurance chômage qui vient d'entrer en vigueur, le gouvernement n'a eu cure des oppositions syndicales. Aussi, ces dernières tentent-elles, comme une dernière chance, et sans grand espoir, d'obtenir la suppression de la réforme par une action juridique devant le conseil d'Etat. Histoire de montrer que jusqu'au bout, ils auront livré bataille.

Les pénuries de talents plus efficaces que les manifs

Si les syndicats ont de quoi avoir le moral en berne, c'est parce que les augmentations de salaires sont souvent, ces derniers temps, le résultat de l'inversion d'un rapport de forces entre patronat et salariés. Bien plus que de réelles mobilisations.

En témoigne, ce mardi 5 octobre l'annonce, de l'UMIH, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, d'une possible augmentation des salaires entre 6 et 9 %. Du jamais vu.

Or, cette proposition ne provient pas de longues journées de grève, ni même de la pression du gouvernement, mais du désarroi des employeurs face à la pénurie de main-oeuvre. En un an, le secteur a perdu près de 237 000 employés. Après des mois de fermetures des cafés-restaurants, ces serveurs, cuisiniers, chefs de rang, ne sont pas revenus à leurs postes, préférant s'orienter vers d'autres filières aux conditions de travail moins difficiles.

Acculés, les patrons n'ont pas d'autres choix que de lâcher du lest. Outre des hausses de salaires, ils proposent aussi de discuter d'un possible treizième mois, de compensations pour les heures de coupures entre deux services, de primes d'intéressement etc...

Devant la guerre des talents, les employeurs sont contraints de négocier. Plusieurs fédérations patronales - propreté, sécurité...- ont accepté des discussions qu'elles refusaient jusqu'alors.

Vers la fin du collectif ?

La période de la pandémie a été difficile pour les centrales. Pourtant, fin 2019, elles avaient réussi à mobiliser contre le projet de réforme des retraites, et à défier le gouvernement à l'occasion d'un long conflit de plusieurs semaines. Mais en mars 2020, elles ont dû mettre les pancartes au placard. Confinement oblige, les manifestations étaient interdites, les salariés coincés chez eux, en télétravail, ou invités à venir au compte-gouttes dans les entreprises. Plus possible de se réunir, de tracter à la sortie des usines, ni même d'accéder aux sites.

De fait, déjà fragilisé avant la pandémie, le collectif a été sérieusement mis à mal. « Le confinement de longue durée a enfermé chacun dans une sorte de bulle, créant un état d'esprit peu favorable aux relations sociales et a fortiori à l'action collective », notent encore les chercheurs Dominique Andolfatto et Dominique Labbé. Et ces spécialistes des mouvements sociaux de conclure : « Cette crise accélère encore la marginalisation des syndicats et leur coupure d'avec la grande masse des salariés. En 2021, la marginalisation des partenaires sociaux semble complète ». Aussi, si des mouvements de contestations voient le jour, ils risquent de prendre corps en dehors des structures syndicales, au travers de collectifs comme les gilets jaunes.

Aussi, dans ce contexte, les syndicats auront dû mal à peser dans la campagne présidentielle. Face aux profondes transformations du monde du travail, à l'installation du télétravail, à l'individualisation des comportements, ils n'ont pas d'autres options que de se réinventer. Des spécialistes, comme Pierre Ferracci, le président du cabinet de conseil en relations sociales Groupe Alpha, les encourage,malgré leurs divergences, à travailler davantage ensemble. Plus facile à dire qu'à faire. Ce 5 octobre, la CFDT fidèle à sa tradition de négociatrice n'a pas souhaité se mobiliser avec la FO et la CGT.  Signe que les traditionnelles divisions n'ont pas disparu.

Dans cette campagne, chacun va donc s'atteler à élaborer ses propres propositions, à peut-être auditionner les candidats, à peser sur les programmes... à tenter, tant bien que mal, à faire entendre sa voix.

Commentaires 5
à écrit le 06/10/2021 à 10:21
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Quand on voit que les syndicats ne veulent pas d'une réforme systémique des retraites et ne font rien en faveur des polypensionnés public-privé, on n'a pas envie d'aller manifester avec eux. Ils agissent comme si tous les travailleurs étaient des em...

à écrit le 06/10/2021 à 9:18
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Les syndicats vivent des subsides de l'UE de Bruxelles...pourquoi voulez vous qu'ils perdent leur subvention?

à écrit le 06/10/2021 à 9:00
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Il suffit d'écouter 10 minutes M. le secrétaire général de la CGT pour comprendre que ça ne pèsera pas lourd dans la présidentielle... et c'est heureux. Il était encore à la TV mardi matin, le niveau est juste affligeant. Et c'est sans parler du f...

à écrit le 05/10/2021 à 23:03
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Les syndicats ont perdu la partie dans les années 1980 et ils n’auront plus jamais du poids , car ils ont fait passer , des mentions contraire au droit des salariés avec violation de leur vie privée dans certaines conventions professionnelles et la c...

le 06/10/2021 à 7:58
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"car ils ont fait passer , des mentions contraire au droit des salariés avec violation de leur vie privée dans certaines conventions professionnelles et la cerise avec la loi du travail" Pourriez-vous être plus explicite? Donner un exemple?

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