Primaire à droite : les candidats calment (un peu) la course au "plus libéral"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  988  mots
Les candidats officels ou officieux à la primaire de droite commencent à tempérer leurs discours très libéral pour ne pas tomber dans le piège de François Hollande qui veut se positionner en "modéré".
Sentant le danger face à un François Hollande qui veut se poser en "protecteur", les candidats à la primaire de la droite s'emploient maintenant à modérer leurs discours faisant la part (trop) belle au "tout libéral".

« Je pense que cette représentation est une caricature du libéralisme qui apparaît comme une purge patronale. C'est du Robin des bois à l'envers : prendre de l'argent aux pauvres pour le donner aux riches ». Cette sévère critique vise les orientations économiques et fiscales des candidats à la primaire de la droite. Et elle n'émane pas d'un dangereux gauchiste, mais... d'Alain Madelin, l'ancien ministre de l'Économie et chantre du libéralisme à la française qui s'exprime dans l'hebdomadaire « Le Point ». De fait, au fur et à mesure que la primaire de la droite du mois de novembre se rapproche, les candidats se « lâchent » sur leurs propositions fiscales et sociales. Résultat, la compétition vire à la surenchère libérale... Au risque pour la droite, in fine, de faire fuir ses potentiels électeurs.

Des hausses de TVA de un à... cinq points

Il est exact que certaines propositions risquent de faire mal au portefeuille des ménages. Ainsi François Fillon n'hésite pas à annoncer une hausse de 3,5 points du taux supérieur de la TVA (actuellement fixé à 20%). Jean-François Copé, lui, évoque carrément à terme une TVA sociale « aux alentours de 25% ». Là où Alain Juppé préconise plutôt une hausse d'un point du taux de TVA - soit une recette supplémentaire pour l'État comprise entre 7 et 8 milliards d'euros, si tous les taux de TVA sont relevés- afin de financer en grande partie la suppression du financement par les entreprises de 10 milliards d'euros de cotisations famille.

Bruno Le Maire, en revanche, ne juge pas opportun d'évoquer une hausse de la TVA, car, pour lui, se serait contradictoire avec le discours sur le « matraquage fiscal » reproché à la gauche. Du côté de Nicolas Sarkozy, pour l'instant simple candidat officieux à la primaire, on reste prudent, estimant, comme Bruno Le Maire, qu'il n'est pas très cohérent de songer à augmenter la TVA et dans le même temps prôner un « contre-choc » fiscal de 25 milliards d'euros. Mais dans le camp sarkozyste, on se souvient aussi que cette histoire de TVA avait coûté l'élection de plusieurs députés UMP lors des législatives de 2007.

Mais le syndrome « Robin des bois à l'envers », théorisé par Alain Madelin, concerne aussi le sort réservé à l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qualifié par Alain Juppé « d'impôt contre-productif, car il fait fuir l'argent de France ». Tous les candidats, de Geoffroy Didier - qui vient de publier ses orientations économiques - à Hervé Mariton, militent pour sa suppression ce qui aurait, selon eux, pour mérite de stimuler l'investissement. Seule Nathalie Kosciusko-Morizet se démarque en demandant seulement une baisse du taux supérieur de l'ISF.

Tout pour les entreprises

Surtout que, dans le même temps, les candidats dans leur ensemble promettent du sang et des larmes aux Français via une baisse des dépenses publiques afin de ramener son poids de 57% environ actuellement à 50% du PIB. Ce sont ainsi 110 milliards d'euros de dépenses en moins qu'envisage François Fillon et 100 milliards pour Alain Juppé. Quand on voit avec quelles difficultés les gouvernements Ayrault et Valls ont du mal à baisser ces mêmes dépenses de 50 milliards d'euros sur trois ans.

En revanche, les entreprises seraient bichonnées afin qu'elles retrouvent leur compétitivité. Pour ce faire, tous les candidats imaginent des allègements supplémentaires de cotisations sociales et tous ou presque proposent d'instituer une sorte de « flat tax » pour imposer les revenus du capital. Cela passerait pour Geoffroy Didier par l'instauration d'un prélèvement du capital unique et forfaitaire de 30% qui remplacerait trois impôts actuels qui pèsent sur les revenus de l'investissement (l'impôt sur les revenus des investissements, la contribution sociale généralisée sur ces mêmes revenus ainsi que, indirectement, l'ISF) sans pertes de recettes pour l'État. François Fillon, lui, imagine plutôt un taux de 20%, à l'instar d'Alain Juppé.

Si on ajoute à cela la fin des 35 heures, le passage à la retraite à taux plein à 65 ans et l'instauration d'une dégressivité des allocations chômage, préconisés par tous les postulants, il y a en effet de quoi inquiéter certains électeurs, notamment dans les milieux populaires.

Rassurer les classes moyennes et populaires

Aussi, sans doute sensibles au cri d'alarme d'Alain Madelin, les candidats commencent à mesurer leurs discours pour ne pas tomber dans le piège de François Hollande qui s'apprête à rejouer le film « au secours la droite revient », déjà joué - sans succès -  en 1986. Nicolas Sarkozy devrait ainsi de plus en plus appuyer sur son intention de baisser l'impôt sur le revenu de 10%. Quant à Alain Juppé, pour séduire les classes moyennes, il préconise de remonter le plafond du quotient familial de 1.500 à 2.500 euros. Geoffroy Didier admet ouvertement qu'il sera nécessaire d'augmenter les budgets - et donc les effectifs- de la justice et de la gendarmerie-police. Autant d'arguments peu mis en avant jusqu'ici, mais qui devraient dans les mois qui viennent être davantage développés par les divers postulants afin de rassurer. Reste que si les candidats à la primaire tentent une opération déminage, ce n'est pas le cas de la droite sénatoriale qui, elle, affiche nettement la couleur. Dans le cadre de l'examen du projet de loi travail porté par Myriam El Khomri, les sénateurs « Les Républicains » ont totalement réécrit le texte en supprimant la durée légale du travail de 35 heures, en simplifiant les licenciements économiques et en remontant les seuils sociaux. Ce qui a permis à Manuel Valls et au PS de tenter de se refaire une santé sur ce sujet.

De toute façon, François Hollande n'a pas d'autre choix dans les semaines à venir, s'il veut avoir une toute petite chance pour la présidentielle de 2017, que de jouer le modéré face à une droite prête «  à casser le modèle social ».