Qu'attendent les entreprises pour investir ?

Selon les résultats détaillés de la croissance au premier trimestre publiés par l'Insee, la situation financière des entreprises s'est redressée. Pourtant, l'investissement redémarre à peine. Pour quelles raisons ?
Fabien Piliu
Investir, embaucher ou se désendetter ? La croissance française dépend des choix faits par les entreprises

Pour des raisons conjoncturelles et structurelles, la situation financière des entreprises s'améliore. Selon les résultats détaillés de la croissance au premier trimestre publiés ce jeudi par l'Insee, le taux de marge des entreprises est remonté entre janvier et mars, passant de 29,8% de la valeur ajoutée au quatrième trimestre à 31,1%. Deux catégories de facteurs expliquent cette remontée du taux de marge, qui était tombé à un plancher inédit de 29,2% au deuxième trimestre 2014. En 2007, avant la crise de 2008-2009 qui fut la plus sévère pour l'économie française depuis 1945, le taux de marge s'élevait à 33,5%.

Les premiers sont d'ordres conjoncturels. La chute de l'euro face au dollar et la baisse des cours du brut, deux phénomènes entamés à l'été 2014, ont mécaniquement relevé la compétitivité-prix des entreprises tricolores. La politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) joue également un rôle puisque la faiblesse actuelle des taux d'intérêts leur permet de renégocier leurs prêts à des conditions plus avantageuses et donc de réduire leurs charges financières.

Cette remontée du taux de marge a également une origine structurelle. Elle s'explique par la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui allège la masse salariale pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Son taux était de 4% en 2014, année de son entrée en vigueur. Il a grimpé à 6% cette année et culminera à 9% l'année prochaine. En 2017, il viendra compléter les allégements de cotisations patronales de 41 milliards d'euros déjà prévues par le Pacte de responsabilité et qui sont devenus réalités pour les entreprises le 1er janvier 2015.

D'autre mesures sont prévues

Et pourtant. En dépit de toutes ces mesures, l'investissement redémarre à peine. La formation brute de capital fixe n'a progressé que de 0,3% au premier trimestre. Point positif, elle a augmenté de 1% dans le secteur des produits manufacturés. Mais elle n'a progressé que de 0,8% dans les services et elle a reculé de 1,3% dans la construction.

Une nouvelle mesure pourrait stimuler l'investissement : la mesure de suramortissement annoncée le 8 avril par Manuel Valls, le Premier ministre en Conseil des ministres, et votée au Sénat le 16 avril dans le cadre de l'examen sur le projet de loi sur la croissance et l'activité. Cette mesure, qui concerne les investissements productifs privés des entreprises réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016, permet aux entreprises d'amortir les biens à hauteur de 140% de leur valeur, ce qui leur apporte un double avantage, en termes de trésorerie et en termes de rendement.

Doté d'une enveloppe de 3,4 milliards d'euros, le plan gouvernemental pour l'industrie du futur pourrait également inciter les entreprises à faire le choix de l'investissement, en modernisant leur appareil productif.

Les carnets de commandes ne sont pas assez garnis

Dans ce contexte favorable, qu'attendent actuellement les entreprises pour investir ? Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer cet attentisme. Citons tout d'abord la relative faiblesse du taux d'utilisation des capacités de production. Selon la dernière enquête trimestrielle dans l'industrie de l'Insee, il s'élève à 81,8%. Sa moyenne de longue période s'élève à 84,6%. En cause : la faiblesse de la demande intérieure qui est pourtant le seul moteur de l'économie française !

Sachant que seules 121.000 entreprises ont exporté en 2014 - l'Italie en compte le double et l'Allemagne le triple -, que près de 60% des exportations françaises se concentrent vers les pays de la zone euro dont le PIB devrait progresser de 1,4% seulement cette année, le commerce extérieur n'est malheureusement pas une issue pour remonter le taux d'utilisation des capacités de production. Pour qu'il le soit, il faudrait que les entreprises françaises se lancent hors de la zone euro, à la conquête des pays qui affichent des taux de croissance plus élevés, Etats-Unis et pays émergents en tête.

Une épée de Damoclès

Par ailleurs, l'autofinancement étant faible, les entreprises se sont largement endettées au cours de ces dernières années pour résister à la crise, incitées à le faire par le niveau historiquement bas des taux d'intérêt. Fin 2014, le niveau d'endettement des entreprises atteignait 66,5% du PIB contre 54% en 2008. Il s'élevait à 1.424 milliards d'euros en décembre 2014, contre 1.342, 3 milliards d'euros un an plus tôt, ce qui représente une augmentation de 6%.

En cas de remontée des taux d'intérêts, la situation financière de l'appareil productif serait donc fragilisée. Avec cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête, on peut comprendre que les entreprises préfèrent se désendetter avant d'investir.

Peut-on espérer que les entreprises préfèrent embaucher plutôt que d'investir ? Malheureusement, les sureffectifs sont encore très élevés. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) les estiment à 170.000 personnes...

Fabien Piliu
Commentaires 5
à écrit le 27/06/2015 à 18:50
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Investir, c'est prendre un risque mais c'est aussi croire à une amélioration des conditions économiques ... Investir, c'est avoir une vision suffisante de l'avenir ... Mais comment investir quand on constate que le pilote du vaisseau France navigue...

à écrit le 27/06/2015 à 13:34
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Quand on constate l'augmentation de l'endettement entre 2008 et 2014, exprimée en € ou en % PIB, je ne comprends pas qu'on puisse écrire que les entreprises se désendettent. Si les entreprises remboursent leur dettes depuis 2015 (c'est une hypothèse,...

à écrit le 27/06/2015 à 11:36
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La situation financière s'est améliorée à force d'économie sur les frais généraux et la masse salariale... Le réinvestissement se fera quand les entreprises auront des perspectives de commandes... Ce n'est pas le cas et pour encore un bon moment le...

à écrit le 27/06/2015 à 11:36
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La situation financière s'est améliorée à force d'économie sur les frais généraux et la masse salariale... Le réinvestissement se fera quand les entreprises auront des perspectives de commandes... Ce n'est pas le cas et pour encore un bon moment le...

à écrit le 27/06/2015 à 10:07
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L'investissement reste en panne parce qu'il manque un ingrédient important: la confiance. Confiance dans le redressement de l'économie alors que le chômage s'envole ? Confiance dans les relations sociales alors qu'on a récemment alourdi le code du tr...

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