Réforme du RSA : ce ne sera « ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire », assure Olivier Dussopt

Par latribune.fr  |   |  1082  mots
Les 15 à 20 heures d'activités obligatoires d'insertion par semaine pour les bénéficiaires du RSA seront un objectif « adapté » à chaque personne, a fait valoir Olivier Dussopt. (Crédits : Reuters)
Ce mardi, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, est revenu sur les contours de la réforme du revenu de solidarité active (RSA) affirmant que les 15 à 20 heures d'activités obligatoires d'insertion par semaine pour les bénéficiaires de cette prestation sociale ne seront pas inscrites dans le projet de loi. Un objectif « adapté » à chaque personne sera mis en place.

Ce ne sera « ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire ». Ce mardi, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, est revenu sur les contours de la réforme du revenu de solidarité active (RSA). Pour rappel, cette mesure doit figurer dans le projet de loi France Travail qui sera présenté en juin en Conseil des ministres.

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Toutefois, les 15 à 20 heures d'activités obligatoires d'insertion par semaine pour les bénéficiaires de cette aide, qui assure aux personnes sans ressources un niveau minimum de revenu, ne seront pas inscrites dans le projet de loi réformant le dispositif, a indiqué le ministre. Elles seront un objectif « adapté » à chaque personne, a-t-il précisé.

Favoriser le retour à l'emploi

Au printemps 2022, lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron, alors candidat à sa réélection, avait formulé la volonté de transformer le RSA, en conditionnant son versement à la réalisation d'heures d'activité.

« Je propose un travail, une formation, une insertion parce que je ne considère pas que les bénéficiaires du RSA sont comme des prisonniers », avait-il fait valoir en mars 2022.

Une mesure à nouveau évoquée, un an plus tard, dans le rapport consacré à France Travail, organisme qui remplacera Pôle emploi et qui doit permettre une meilleure coordination de tous les acteurs de l'emploi et de l'insertion, ainsi que la création d'un guichet unique. « Quand on ne sait pas ce qu'on veut faire, ce n'est pas mal d'aller tester un stage dans une entreprise ou une autre. C'est de la formation, passer le permis de conduire, faire du bénévolat dans une association... Tout ce qui contribue à ce que la personne retrouve confiance en elle et retrouve un emploi », avait ainsi fait valoir, au micro de France Info, Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi chargé de ce rapport, arguant que seules 40% des personnes allocataires du RSA sont inscrites à Pôle emploi.

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Des propos aussitôt repris par la Première ministre le mois suivant. « On doit continuer à viser les leviers pour permettre à chacun de revenir vers un emploi. C'est d'autant plus important dans un contexte où on sait qu'il y a beaucoup d'entreprises qui cherchent à recruter et qui disent qu'elles n'y arrivent pas », avait acquiescé Elisabeth Borne. « Il ne s'agit pas de les faire travailler sans les payer, il s'agit de leur permettre de découvrir des métiers, de se former. C'est ça, les 15 à 20 heures d'activité dont on parle », avait-elle néanmoins précisé.

Des sanctions en cas de non-respect des conditions

Un point sur lequel le ministre du Travail a également insisté ce mardi. « Une allocataire qui a repris un mi-temps, on ne va pas lui demander de faire en plus 20 heures d'insertion (...). Une allocataire handicapée qui passe du temps à diagnostiquer ses problèmes de santé pour savoir quels postes elle peut occuper, c'est du retour à l'emploi, ça rentre dans les 15 à 20 heures », a-t-il illustré lors d'une conférence de presse. Ces activités seront définies dans le « contrat d'engagements réciproques » entre l'allocataire et son conseiller, un contrat « qui existe depuis la création du RMI en 1988 », a-t-il souligné.

Quid des allocataires ne respectant pas les conditions inscrites dans ce contrat d'engagements réciproques ? « Je vous confirme que dans le projet de loi, il y aura bien la possibilité de suspendre, sur une durée courte peut-être pour démarrer, en tout cas il y aura aussi un dispositif de sanctions, dès lors qu'on aura accompli, de notre côté, notre part de responsabilité, c'est-à-dire qu'on aura mis la personne bénéficiaire du RSA en situation de suivre le parcours qu'on lui a proposé », avait confirmé le 13 mai dernier Elisabeth Borne. Elle s'était toutefois montrée plus évasive sur l'échéance de la mise en place de ces sanctions. Cette possibilité interviendra dès lors qu'« on aura réglé les autres problèmes préalables », les « freins périphériques » au retour à l'emploi, avait-elle précisé.

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Une « régression sociale » pour les syndicats

C'est bien là où le bât blesse. Les syndicats jugent cette menace de sanctions comme étant injuste et contre-productive. Réaffirmant son opposition à « la conditionnalité d'accès au RSA », l'intersyndicale a notamment qualifié cette mesure « de régression sociale ».

Interrogée par La Tribune le 19 avril dernier, l'économiste et prix « Nobel » 2019, Esther Duflo expliquait, elle, qu'« aucune donnée ne montre que c'est une bonne idée » d'ajouter le plus de conditions possibles sur le RSA.

« Ces conditionnalités ne fonctionnent pas. Les études montrent plutôt que lorsque les gens sont suffisamment pauvres pour être éligibles à un dispositif, il faut faciliter l'accès à ce programme et les soutenir pour en sortir », indiquait-elle.

De son côté, le gouvernement met en avant le retour à l'emploi, plaidant pour un meilleur suivi des allocataires. « Sur 1,950 million de bénéficiaires du RSA, 350.000 n'ont aucun suivi ni social, ni socio-professionnel », a ainsi insisté Olivier Dussopt ce mardi. Et « sept ans après leur première inscription, 42% des bénéficiaires du RSA y sont toujours, c'est un échec collectif », a-t-il regretté. Toujours selon le ministre, « ce qui pêche, c'est l'accompagnement. On n'est pas quitte de notre devoir de solidarité quand on a versé 607 euros à quelqu'un ».

Le dispositif abandonné en Seine-Saint-Denis

L'exécutif fait également valoir que le dispositif est d'ores et déjà testé dans 18 départements, dont le Nord, l'Eure, l'Aisne, la Creuse, l'Aveyron, la Loire-Atlantique ou encore celui de la Réunion, le seul en outre-mer. Mais ils étaient initialement 19. En effet, le département de la Seine-Saint-Denis s'est retiré de la liste le 27 mars dernier, expliquant refuser la logique de « conditionnalité des aides ».

« La doctrine portée par le gouvernement en matière de conditionnalité des aides sociales (...) me paraît une grave entorse à notre République », avait ainsi justifié le président PS du Conseil départemental Stéphane Troussel dans un courrier à Olivier Dussopt transmis à l'AFP. Au titre de la lutte contre la pauvreté, « le RSA est un droit social fondamental, qui ne saurait se mériter par un quelconque engagement dans un accompagnement intensif (...). La mise au travail de toutes et tous, quoi qu'il en coûte, ne peut être l'objectif unique et prioritaire des politiques publiques », avait-il ajouté.

(Avec AFP)