« Les Français devraient pouvoir travailler là où ils ont envie de vivre » Bruno Cavagné (FNTP)

Afin de répondre aux problèmes économiques et sociaux, le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), Bruno Cavagné, qui vient de publier Nos territoires brûlent, propose de redonner le pouvoir au local.
César Armand
Bruno Cavagné, président de la FNTP, vient de publier Nos territoires brûlent - Redonner du pouvoir au local aux éditions du Cherche-Midi.
Bruno Cavagné, président de la FNTP, vient de publier "Nos territoires brûlent - Redonner du pouvoir au local" aux éditions du Cherche-Midi. (Crédits : Christophe W. Siebert)

LA TRIBUNE  - Presque un an après le début du mouvement des « gilets jaunes » et à quelques mois des municipales, vous pointez une « France des moins ». Comment l'expliquez-vous ?

BRUNO CAVAGNÉ  - L'urgence territoriale dure depuis un peu plus de trente ans avec un abandon progressif des territoires qui s'est traduit politiquement et socialement. À cause de cet abandon, la France se divise et se fracture de plus en plus. Les gens expriment un sentiment d'oubli, qui est la traduction du recul des services dans les territoires, de l'accès aux soins, de la mobilité, de l'absence de couverture numérique.
Un Français sur quatre a déjà dû renoncer à un travail ou à une formation faute de moyen de transport.

Le démographe Hervé Le Bras estime que depuis quarante ans, il existe un pacte tacite entre les Français et l'État quant à leur voiture. Si l'État délaisse les territoires, en contrepartie, il ne peut pas porter atteinte à la voiture et au prix de l'essence qui sont les seuls vecteurs de mobilité dans ces territoires. Rappelons-nous que tout est parti de là en novembre 2018.

La loi d'orientation des mobilités y apporte-t-elle les bonnes réponses ?

Si l'objectif était louable, le résultat est décevant. Entre l'ambition affichée du président de la République, qui a repris dès 2017 notre idée de créer un Conseil d'orientation des infrastructures pour programmer et financer la mobilité et les infrastructures de demain, et la nature du projet de loi, le choix retenu est, hélas, peu ambitieux.

Si nous voulons retrouver une France apaisée et redonner une égalité des chances territoriales, il faut redonner des moyens aux territoires. Le tout-métropole ne doit plus être l'alpha et l'oméga de nos politiques d'aménagement du territoire, car l'effet de ruissellement est loin d'être systématique. Les Français devraient pouvoir travailler là où ils ont envie de vivre. La condition : que les investissements soient au rendez-vous dans tous les territoires, notamment en matière de mobilité et de numérique.

Vous accusez Bercy de mettre la main sur deux tiers des recettes fiscales liées à la mobilité. Comment inverser la tendance ?

Entre la taxe à l'essieu et les différentes vignettes, seuls 12 des 45 milliards d'euros de fiscalité liée à la mobilité lui reviennent. Les 33 milliards restant relèvent du budget général. C'est pourquoi je demande des impôts affectés pour que les contribuables comprennent où va leur argent. Je milite également pour une part d'investissement privé. Plutôt que d'être dans le court terme et faire de la comptabilité, portons un véritable projet ­politique.

Quelle est justement la nature du pacte girondin que vous proposez ?

C'est un pacte de bon sens. Nous devons remettre au plus près du terrain les décisions et appliquer le principe de subsidiarité. Si une commune ne peut faire quelque chose, cela doit remonter à l'intercommunalité, et ainsi de suite. Il faut également donner aux élus locaux un statut, ainsi que le pouvoir d'expérimenter.

Les projets de loi actuels - Engagement et proximité - et à venir - Décentralisation, déconcentration et différenciation - vont dans ce sens, non ?

Quand vous écoutez le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'Économie et des Finances, ils semblent l'avoir entendu, mais nous voulons que le gouvernement aille plus loin. Cela ne doit plus rester à l'état de parole. Osons !

La crise ne vient-elle pas aussi d'une politique qui répond aux urgences économiques et sociales de court terme sans préparer l'avenir ?

Plutôt qu'une politique de pouvoir d'achat et de redistribution qui n'a pas réglé la crise des territoires, je prône dans mon ouvrage une politique d'investissement qui nous réconcilie et prépare l'avenir.

Je propose trois pactes : un pacte girondin en faveur d'un droit territorialement différencié qui permette aux élus et aux citoyens de bénéficier d'un droit adapté à la réalité des territoires ; un pacte européen qui permette de sortir certains types d'investissements d'intérêt général européen de l'appréciation du déficit et de la dette (ceux liés à la transition écologique et aux projets d'interconnexion européenne) ; un pacte entre les générations qui prône l'instauration d'un plan d'investissement (mobilité, numérique, santé, formation, service) pour préparer l'avenir des jeunes générations en contrepartie d'un effort d'allongement de la durée d'activité. 

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Travaux publics : les dépenses des métropoles à la hausse

D'après les données de la FNTP au 22 juillet 2019, les dépenses des métropoles (hors Aix-Marseille, Grand Paris et Tours) vont augmenter de 6 % en 2019 par rapport à 2018, pour un volume global de 3,2 milliards d'euros. Cette somme se décompose en trois postes principaux : 2,76 milliards pour l'investissement direct, 240 millions pour les subventions et 180 millions pour l'entretien.

Avec 69 % du total, les transports (1,2 milliard) et la voirie (1 milliard) représentent le gros des chantiers, suivis par l'eau et l'assainissement (500 millions), les aménagements urbains (350 millions) et l'énergie, l'environnement et les déchets (100 millions).
Si ces investissements bondissent de 111 % à Saint-Étienne ­Métropole et même de 132 % à Toulon Provence Méditerranée, ils chutent de 26 % à la Métropole de Rouen Normandie et, pire, de 27 % dans celle d'Orléans.

César Armand
Commentaires 8
à écrit le 24/10/2019 à 14:27
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Oui celà paraît normal de vivre proche de son travail ou de son activité professionnelle, en somme à moins de 30 minutes de route. Le télétravail permet de travailler de chez soi et de ne pas dépendre des moyens de transport, mais celà n'est pas touj...

à écrit le 24/10/2019 à 11:19
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Si « Les Français devraient pouvoir travailler là où ils ont envie de vivre » que dire des migrants a qui l'on supprime ce choix par nos interventions chaotiques dans leur pays d'origine!

le 24/10/2019 à 11:57
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ah bon ? il y a assez peu de lybiens qui viennent en France (le gros des migrants passent par la mais n y sont pas originaire. si la lybie etait pas dispo, ils passeraient par ailleurs (turquie, tunisie, maroc …) L immense majorite de nos immigres...

le 25/10/2019 à 9:37
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Vous interprétez sur un "non dit", mais un commentaire au lieu d'une réponse aurait fait l'affaire!

à écrit le 24/10/2019 à 11:05
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"Les Français devraient pouvoir travailler là où ils ont envie de vivre". En effet. Et moi, je veux la paix dans le monde, que tout le monde soit beau et prospère, ainsi que l'amour et la solidarité entre les hommes.

à écrit le 24/10/2019 à 9:50
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Vu le prix de l'immobilier c'est mort de chez mort, en moins d'une génération ils ont viré les employés, les travailleurs, les petits commerces, bref les pauvres. Pourtant l'un devrait accompagner l'autre mais nous avons oublié la notion même d'aména...

le 24/10/2019 à 11:58
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faut voir le cote positif. Les baby boomers se sont considerablement enrichis !! ET si leurs petits enfants se ruinent a s endetter sur 20 ans pour acheter des biens surrevalues, c est de leur faute : ils avaient qu a naitre avant ;-)

à écrit le 24/10/2019 à 9:03
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L'économie demain sera locale ou sera chaotique comme elle en prend actuellement le chemin. LE problème c'est que nous sommes de l'ordre de la peur ancestrale oligarchique de l'autonomie des uns et des autres, ils ont été terrorisés par la Commun...

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