Réforme des retraites : le Conseil constitutionnel valide l'essentiel de la réforme et rejette la demande de référendum

Par latribune.fr  |   |  1508  mots
Les décisions du Conseil, chargé de contrôler la conformité des lois à la Constitution, ne sont susceptibles d'aucun recours. (Crédits : Reuters)
Les Sages du Conseil constitutionnel se sont prononcés sur la conformité de la réforme des retraites au regard de la Constitution. Ils ont finalement validé l'essentiel de la réforme, dont le report de l'âge de départ à 64 ans, mais ont rejeté une demande pour un référendum d'initiative partagée (RIP). De son côté, l'intersyndicale a appelé le gouvernement à ne pas promulguer la réforme.

[Article publié le 14 avril et mis à jour à 18H52]

Après trois mois de crise politique et sociale, les Sages de l'aile discrète du Palais-Royal ont, enfin, rendu leur décision. Le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de la réforme, dont le report de l'âge de départ à 64 ans. Mais il rejette une demande pour un référendum d'initiative partagée (RIP) déposée par la gauche. Une seconde demande, déposée ultérieurement, doit cependant faire l'objet d'une nouvelle décision le 3 mai.

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Peu de temps après cette annonce, la Première ministre Elisabeth Borne a réagi assurant que « ce soir, il n'y a ni vainqueur ni vaincu », indiquant que « le texte arrive à la fin de son processus démocratique ».

« Avec cette réforme, notre système de retraites sera à l'équilibre en 2030. La volonté du gouvernement est désormais de poursuivre la concertation avec les partenaires sociaux pour donner davantage de sens au travail, améliorer les conditions de travail et atteindre le plein emploi », selon un communiqué du gouvernement publié en même temps que le tweet de la Première ministre.

L'index senior et le CDI senior rejetés

Six dispositions secondaires du texte ont également été rejetées, des « cavaliers sociaux » qui « n'avaient pas leur place dans la loi déférée » qui est de nature financière. Parmi ceux-ci : l'index sur l'emploi des seniors, qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés, et dont la non-publication devait être passible de sanctions financières. Également censuré, le CDI seniors, un ajout des sénateurs de droite, qui devait faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans.

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L'institution présidée par l'ex-Premier ministre socialiste, Laurent Fabius, n'a pas suivi les parlementaires de gauche ou du Rassemblement national, qui avaient plaidé un détournement de procédure parlementaire pour faire adopter la loi. Un choix qui « ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle », selon le Conseil, qui évoque cependant le « caractère inhabituel » de l'accumulation de procédures visant à restreindre les débats. Le gouvernement a, en effet, fait le choix d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) comme véhicule législatif pour sa réforme.

Quatre recours avaient été déposés devant le Conseil, deux provenant des députés membres de la NUPES et du RN, un autre des sénateurs socialistes. Enfin, le gouvernement a également déposé un recours pour se prémunir de tout soupçon. Dans le détail, le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur deux points : la conformité constitutionnelle de la réforme, ainsi que la possibilité de déclencher une longue et complexe procédure référendaire. À titre indicatif, les décisions du Conseil ne sont susceptibles d'aucun recours.

L'intersyndicale appelle à ne pas promulguer la réforme

L'annonce des Sages n'a pas manqué de faire réagir chez les syndicats. L'intersyndicale a appelé le président à ne pas promulguer la réforme, a déclaré Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT, et qu'elle n'acceptera pas de réunion avec l'exécutif avant le 1er mai. Plus tôt dans la journée, Emmanuel Macron a, en effet, invité les syndicats à le rencontrer mardi à l'Elysée, « quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel », selon la présidence. « Ce sera nécessairement le début d'un cycle que le président et le gouvernement poursuivront dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux. La porte de l'Elysée restera ouverte, sans préalable, pour ce dialogue », a dit l'entourage du chef de l'Etat.

« Le sort politique de la réforme des retraites n'est pas scellé », averti Marine Le Pen

Du côté de l'opposition, Marine Le Pen a affirmé que « si la décision du Conseil constitutionnel clôt la séquence institutionnelle, le sort politique de la réforme des retraites n'est pas scellé ».

De son côté Jean-Luc Mélenchon a jugé que la décision du Conseil constitutionnel « montre qu'il est plus attentif aux besoins de la monarchie présidentielle qu'à ceux du peuple souverain ».

 « Avec l'ensemble de la Nupes, nous regrettons cette décision. Nous avions des arguments solides pour obtenir une censure complète », a réagi la présidente du groupe LFI-Nupes, Mathilde Panot, en direct de l'Assemblée nationale. Elle a assuré que la décision du Conseil constitutionnel va créer un précédent dangereux quant à l'usage du 49.3 et du budget pour faire passer des lois. La Nupes a ainsi appelé Emmanuel Macron à ne pas promulguer cette loi.

Le président des Républicains Eric Ciotti a, lui, appelé « toutes les forces politiques » à « accepter » la décision du Conseil constitutionnel, tout en estimant que « la censure de certains articles sanctionne les erreurs de méthode du gouvernement ». « Nous appelons à la réunion rapide d'une grande conférence sociale » sur le pouvoir d'achat et le travail, a-t-il ajouté dans un communiqué, soulignant que « la question du travail et sa réhabilitation doit revenir au cœur de nos discussions ».

Les abords du Conseil constitutionnel sous bonne garde

Signe d'une grande tension, les neuf membres du Conseil étaient sous bonne garde. Toute manifestation aux abords de son siège était interdite depuis jeudi soir après un bref blocage dans la matinée. Et d'impressionnantes barrières anti-émeutes ont été érigées rue de Montpensier. La Comédie française, voisine du Conseil, a annulé ses représentations de ce vendredi.

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 Peu après la décision des Sages, une foule commençait à se réunir devant le Conseil constitutionnel

Borne « lucide » sur la force de la mobilisation

Interpellée dans les rayons d'un hypermarché d'Eure-et-Loir lors d'un déplacement, Elisabeth Borne, a, elle, dû essuyer les protestations de plusieurs manifestants. Elle a reconnu être « lucide » sur la force de la mobilisation. La locataire de Matignon a profité de cette occasion pour annoncer que le Smic augmenterait « d'un peu plus de 2% » au 1er mai, portant à 6% sa hausse sur un an

Depuis le déclenchement du 49.3, le 16 mars dernier, et plus encore depuis le 20 mars lorsque le gouvernement est passé à neuf voix d'être renversé à l'Assemblée, le temps politique semblait suspendu aux décisions du Conseil constitutionnel.

« Le combat syndical est loin d'être terminé »

La décision du Conseil constitutionnel intervient au lendemain de la douzième journée de mobilisation, marquée par une forte baisse de la participation. Quelque 380.000 manifestants ont défilé jeudi en France, dont 42.000 à Paris, a indiqué le ministère de l'Intérieur. Le 6 avril, 570.000 personnes s'étaient mobilisées en France, dont 57.000 à Paris, selon la place Beauvau. De son côté, la CGT a comptabilisé « plus d'un million de manifestants » jeudi, contre deux millions la semaine dernière.

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Difficile pour l'heure de déterminer si cette décision des juges sonne la fin du conflit social pour autant. Les syndicats, qui ont présenté jusqu'ici un front uni contre cette réforme, avaient fait savoir jeudi qu'ils entendaient, eux, continuer le combat, même en cas de validation par les Sages, notamment lors des manifestations traditionnelles du 1er-Mai.

Quel que soit leur verdict, « le combat syndical est loin d'être terminé », avait ainsi averti le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, lors d'une nouvelle journée de manifestation. Du côté de l'exécutif, une réunion au sommet de la majorité est d'ores et déjà programmée lundi 17 avril à l'Élysée.

(Avec AFP)