Retraites  : l'emploi des seniors sera-t-il vraiment favorisé par les nouvelles mesures ?

La réforme des retraites contient deux dispositions nouvelles visant à encourager l'emploi des seniors. L'index seniors déjà, qui oblige les entreprises à publier le nombre de salariés de plus 55 employés et, ensuite, le CDI seniors, qui, exonéré de cotisations familiales, vise à faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans. Les deux mesures sont diversement appréciées par les parties prenantes, DRH et syndicats.
Un nouveau type de CDI sera créé à titre expérimental pour faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans, exonéré de cotisations familiales.
Un nouveau type de CDI sera créé à titre expérimental pour faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans, exonéré de cotisations familiales. (Crédits : Reuters)

L'emploi des seniors a été au cœur des débats de la réforme des retraites, adoptée jeudi après l'usage du 49.3 par le gouvernement.

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Il y a en effet urgence à agir : s'ils sont moins au chômage que la population générale, les seniors éprouvent davantage de difficultés à retrouver un emploi. Et avec un taux d'emploi des 55-64 ans de 56%, la France se situe en dessous de la moyenne européenne (60,5%).

Avec sa réforme, l'exécutif table ainsi sur une hausse du taux d'emploi des plus de 60 ans de 2 points dès 2025 et de 6 points à partir de 2030. Mais selon un rapport de France Stratégie datant 2018, si les règles (âge légal de départ et durée de cotisation) ont « un impact fort » sur l'emploi des seniors, il est « loin d'être mécanique ». Le relèvement de l'âge légal de 60 à 62 ans en 2010 s'est ainsi traduit « par une progression de l'emploi pour la moitié seulement des personnes concernées », les autres se répartissant entre inactivité (dont une part substantielle d'invalidité ou de longue maladie) et chômage.

L'index seniors loin de faire l'unanimité

Le gouvernement espère bien faire changer les comportements des entreprises. Pour ce faire, il a dégainé un « index seniors » à l'image de celui pour l'égalité femmes/hommes. Il sera obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés, un seuil abaissé à 300 salariés en 2024.

Sa non-publication sera passible de sanctions pouvant aller jusqu'à 1% du chiffre d'affaires. La liste des indicateurs et leur méthode de calcul seront fixées par décret, après concertation avec les partenaires sociaux. Si au bout de trois ans est constatée une dégradation des indicateurs, l'employeur devra engager des négociations. A défaut d'accord, il devra établir un plan d'action.

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Une hostilité affichée

L'Association nationale des DRH (ANDRH) suggère des indicateurs axés sur les plus de 55 ans, mesurant les taux d'emploi, de formation et de mobilité et l'aménagement de l'organisation du travail.

« Il s'agit de mesurer les politiques positives mises en place. On n'est pas très favorable aux index punitifs, car ça ne change rien », explique son vice-président Benoît Serre.

Côté patronal, le Medef comme la CPME ont affiché leur hostilité envers l'index. « Les entreprises doivent faire des efforts mais l'index ne fonctionne pas ! », a affirmé Geoffroy Roux de Bézieux.

Le CDI seniors expérimenté suspendu à un accord

Un nouveau type de CDI sera créé à titre expérimental pour faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée de plus de 60 ans. Il sera exonéré de cotisations familiales. Mais cette expérimentation, valable trois ans, ne démarrera que s'il y a d'ici le 1er septembre un accord entre partenaires sociaux au niveau interprofessionnel. A défaut, la création de ce contrat est renvoyée à un accord de branche.

Cette disposition avait été introduite par la droite sénatoriale, mais la majorité, où certains ont pointé une « fausse bonne idée », a obtenu d'en réduire fortement la portée du fait de son coût.

« Si vous exonérez à partir de 60 ans, qu'est-ce qu'il va se passer pour les gens qui ont 58 ou 59 ans, qui veulent être recrutés ? On va leur dire vous nous coûterez plus cher qu'à 60 ans, alors attendons deux ans » a pu ainsi déclarer Gabriel Attal, ministre des Comptes publics.

Le texte reprend la principale revendication de l'ANDRH, à savoir que l'employeur pourra mettre un terme à ce contrat lorsque le salarié aura atteint son taux plein pour la retraite, donc sans aller jusqu'aux 70 ans. Cela était « un frein à l'embauche », selon Benoît Serre. En revanche, il aurait souhaité que ce CDI s'applique dès 55 ans. Ce contrat laisse sceptiques les responsables syndicaux. Pour Laurent Berger (CFDT) notamment, « il va y avoir un effet d'aubaine, il ne va rien y avoir d'autre ».

 La constitutionnalité de ces mesures n'est pas garantie

C'était le premier argument des opposants à la réforme des retraites : est-il possible pour un budget rectificatif d'utiliser la même procédure que pour le budget initial ? « L'essentiel des mesures ont un impact, une conséquence sur les comptes de la Sécurité sociale », avait justifié le ministre du Travail, Olivier Dussopt.

Mais, selon le Canard Enchaîné, le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius a exprimé sa vigilance, citant en particulier l'« l'index » pour mesurer l'emploi des seniors. « Tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un cavalier budgétaire » et censuré, a-t-il averti.

Le Conseil d'État a aussi alerté le gouvernement d'un risque d'inconstitutionnalité de certaines mesures de son projet dont l'index seniors. Il estime que l'effet attendu sur les finances publiques en 2023 est incertain et la disposition pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel.

Interrogé, Matignon estimait que la mesure « a sa place », car « le produit de la pénalité viendra alimenter dès 2023 la Caisse nationale d'assurance-vieillesse ». L'exécutif pourrait toutefois la réintroduire dans un projet de loi « plein-emploi » à venir au printemps.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 18/03/2023 à 19:27
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le CDI senior voilà une fausse bonne idée ! il faut se poser les vraies questions pourquoi on met les seniors au chomage ? parce que ca permet de reduire la masse salairale . Tant que cette variable d'ajustement sera tolerée et que rien ne sanctio...

à écrit le 17/03/2023 à 18:16
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Suggestion (non documentée) faite par la CFDT (cadres) faite à la Fédération Française des Société d'Assurances): réduire le temps de travail des salariés en fin de carrière.

à écrit le 17/03/2023 à 15:44
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La technocratie détruit à petit feu ce pays. De tellse "mesures" prisent à la "va vite" sont contre-productives et nuisent toujours plus au pays et aux français.

à écrit le 17/03/2023 à 14:54
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pipo ces mesures , c'est le chomage ou l'assurance maladie qui feront le relais ( plus longtemps)

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