Inflation et réforme des retraites : la double peine pour les commerçants

OPINION. Alors que se déroule ce jeudi 12 avril une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites, passée en force par le gouvernement le 16 mars dernier, les commerçants se trouvent être malgré eux l'un des dommages collatéraux de la situation. Par Neila Choukri, fondatrice et CEO de Kolecto
(Crédits : DR)

 Non seulement les commerçants figurent parmi les concernés par la réforme, mais leur présence sur les parcours des cortèges, combinée à une inflation qui ne faiblit pas, en font les premières victimes de la crise économique et sociale qui touche la France de plein fouet.

Concurrence des grandes surfaces et hausse des coûts

Tandis que l'inflation impacte à la baisse la fréquentation des commerces et restaurants par leurs clients, elle entraîne en parallèle une hausse considérable de leurs frais fixes ; une équation qui ne fait pas bon ménage.

Selon l'Insee, l'inflation a en effet atteint des niveaux inégalés depuis 1980, avec une augmentation de 5,2 % en moyenne enregistrée en 2022, liée notamment à la hausse des prix de l'énergie, de l'alimentation, et dans une moindre mesure des autres produits. Selon les estimations de l'Insee, publiées le 31 mars 2023, les prix à la consommation devraient augmenter de 5,6 % en mars 2023 sur un an, contre une augmentation de 6,3 % en février 2023. L'inflation sur les produits alimentaires frôle les 16 %, tandis que la hausse des prix de l'énergie ralentit.

Face au poids de ces augmentations sur le pouvoir d'achat des ménages français, et sans perspective d'amélioration dans un futur proche, les acteurs de la grande distribution ont pris le parti de mettre en place des formules ou paniers « anti-inflation », afin de leur donner un coup de pouce. Or, ce petit pas pourrait bien porter préjudice aux commerces indépendants, susceptibles de se retrouver en concurrence directe avec certaines de ces offres, élaborées à la discrétion de chaque enseigne et sur lesquelles il leur est difficile de s'aligner pour rester rentables. Certains consommateurs pourraient par ailleurs se laisser séduire par ces offres et se détourner de leurs commerces de proximité habituels, ajoutant à l'impact de l'inflation sur leur chiffre d'affaires.

La réforme de trop : manifestations et baisse du chiffre d'affaires

Les commerçants et restaurateurs, en plus d'être impactés au même titre que le reste des Français par les réformes sur les retraites, se retrouvent malgré eux également impactés par les actions déployées dans le cadre des contestations, lorsqu'ils se situent sur les parcours des manifestations et des blocages. Des épisodes qui se renouvellent à chaque événement social : des gilets jaunes en 2019, en passant par les mouvements actuels, les dommages se cumulent, mettant à mal leur entreprise. Le Groupement des Hôteliers et Restaurateurs de France (GHR), souligne notamment une baisse de 25 % de l'activité dans les restaurants, à Paris et dans les grandes villes, avec une chute de 80 % lors de violences en marge des manifestations. Outre les potentiels dégâts matériels, on remarque une baisse nette de fréquentation des clients pour ces établissements.

En continu, ces pertes de revenus vont conduire à la faillite de plus en plus d'enseignes, sans des mesures préventives du gouvernement. Il devient critique de soutenir ces populations pour ne pas plonger le pays dans une crise encore plus profonde.

Par ailleurs, selon les conclusions du dernier rapport « Défaillances et sauvegardes d'entreprises : 4e trimestre et bilan 2022 » publié par le cabinet Altares en janvier 2023, les seuils de défaillance d'avant crise sanitaire ont été dépassés en 2022 pour nombre de secteurs d'activité. Les secteurs du commerce et de la restauration se démarquent avec une nette augmentation. 42 500 défaillances d'entreprises ont ainsi été enregistrées en 2022, soit une hausse de 50 % par rapport à 2021. Le commerce a subi une hausse de 55,6 %, tandis que le secteur de la restauration a pour sa part connu une augmentation de 112,7 % par rapport à l'année précédente.

Accompagner les commerçants face aux aléas et à l'incertitude

Alors que l'incertitude persiste, les professionnels du secteur doivent continuer de payer leurs charges qui augmentent tout en faisant face à ces bouleversements, qui impactent la pérennité de leur activité. Si le gouvernement met en place des aides ponctuelles, ces dernières tiennent rarement compte de l'évolution sociale et des contraintes « terrain » des professionnels français. En outre, lorsque certaines aides sont mises en place, la marche à suivre pour en bénéficier n'est pas accessible à tout un chacun : il faut en avoir connaissance, comprendre les critères d'éligibilité et enfin prendre du temps sur son activité pour se plonger dans l'élaboration d'un dossier d'aide souvent complexe, qui nécessite une certaine connaissance des démarches administratives à travers des canaux digitaux dont tous n'ont pas la même maîtrise. Conséquence : un bon nombre de personnes, bien qu'éligibles, l'ignorent ou ne font pas la démarche. A titre d'exemple, les actions déployées dans le cadre France Num, qui visent à accompagner la digitalisation des TPE/PME à travers notamment des aides financières, ne sont connues que de 14% des entreprises concernées (Source : Baromètre France Num 2022).

Cela témoigne d'une réelle nécessité d'accompagnement de ces entreprises, pour s'assurer que les aides mises en place sont adaptées à la réalité terrain. Elles ont plus que jamais besoin de transparence quant aux dispositifs dont elles peuvent bénéficier, aux conditions ou encore aux modalités de remboursements qui leur sont proposées. Or, les dirigeants, qui doivent assurer la pérennité de leur structure, n'ont pas toujours le temps de rechercher ces informations, et ne savent pas nécessairement ce qui leur est adressé.

Covid, réformes, inflation, guerre en Ukraine, hausse du prix de l'énergie, remboursement des PGE (Prêts Garantis par L'Etat), sont autant de menaces qui planent au-dessus des populations et des entreprises depuis ces trois dernières années. Les crises se succèdent et l'impact sur les budgets est de plus en plus lourd. Alors que la situation est loin d'être apaisée, il est essentiel que les gouvernements communiquent plus clairement sur leur soutien aux entreprises et qu'ils transforment des paroles en actes adaptés à la réalité terrain. Car aider les 3,8 millions de TPE/PME françaises à faire face à cette période de trouble ne signifie pas seulement sauver l'activité de ces entreprises, mais près de 7 millions d'emplois.

Aujourd'hui, les dirigeants n'attendent plus des discours mais du concret, pour que les défaillances de 2023 ne supplantent pas celles de 2022.



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Commentaires 3
à écrit le 13/04/2023 à 19:34
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C'est une guerre économique entre intermédiaires au dépend du consommateur final, avec la bénédiction d'un pouvoir qui veut s'imposer par la panique engendrer !

à écrit le 13/04/2023 à 12:32
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Job 5:7 : L'homme naît pour souffrir, Comme l'étincelle pour voler. Une fois que tu as compris ça, tu as tout compris à la vie

à écrit le 13/04/2023 à 11:02
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Quand on veut s'imposer, on sème la panique... c'est le rôle du conseil prodiguer à la McKronie ! ;-)

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