Retraites : le Medef pousse le gouvernement à aller encore "plus loin"

Par Grégoire Normand  |   |  1529  mots
"Réconcilier l'opinion publique avec le libéralisme, c'est le but que nous devons nous fixer", a déclaré Geoffroy Roux de Bezieux lors de son discours liminaire. (Crédits : Reuters)
Le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a réaffirmé, dans son discours d'ouverture à la rencontre des entrepreneurs de France, que la future réforme des retraites ne pourra faire l'économie d'un relèvement de l'âge de départ à la retraite à la suite de la prise de position d'Emmanuel Macron en faveur d'une évolution de la durée de cotisation.

La rentrée s'annonce brûlante pour le gouvernement. Le Premier ministre Edouard Philippe doit recevoir les partenaires sociaux les 5 et 6 septembre prochains pour attaquer une nouvelle phase de concertation sur la réforme des retraites. Elle doit aboutir à la rédaction d'un projet de loi avant la fin de l'année. En attendant, le responsable de l'organisation patronale Geoffroy Roux de Bézieux a réagi aux récents propos d'Emmanuel Macron sur cette réforme explosive lors de la première rencontre des entrepreneurs qui se tient à l'hippodrome de Longchamp pendant deux jours. Devant un parterre d'invités installés près du champ de courses hippiques, le responsable du Medef a déclaré :

"Les Français ont compris qu'avec un système par répartition il faudra travailler plus longtemps. Les Français sont prêts à faire cet effort sous deux conditions. D'abord, il faut que l'effort soit justement réparti entre tous et notamment entre public et privé, et aussi avec les régimes spéciaux. Ensuite, il faut que les entreprises fassent des efforts pour employer des salariés de plus de 60 ans. Le projet présenté par Jean-Paul Delevoye nous allait bien. Jusqu'à lundi soir, nous soutenions cette réforme mais le président de la République a affirmé sa préférence pour la durée de cotisation plutôt que de repousser l'âge de la retraite à travers l'âge pivot proposé par Jean-Paul Delevoye. Il a réaffirmé l'objectif de rééquilibrer les régimes en 2025. Or ce sont deux injonctions contradictoires. Les chiffres sont têtus. Même en accélérant la réforme de 2015 sur 5 ans, cela rapporterait 5 milliards d'euros. Or les prévisions du Conseil d'orientation des retraites (COR) annoncent un déficit entre 9 et 12 milliards d'euros d'ici 2025".

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Un risque de déséquilibre

Le représentant de l'organisation patronale, qui a choisi comme thème "No(s) futur(s)" en référence au mouvement punk des années 70, a réaffirmé sa volonté d'assurer un "juste" équilibre entre les différents régimes. "Nous resterons attentifs à l'équité de la réforme notamment dans l'usage des réserves. Il ne faudrait pas que les régimes 'fourmis' paient pour les régimes 'cigales'. Il ne faut pas que les réserves des salariés du privé des régimes Agirc-Arrco financent les retraites des fonctionnaires [...] Le régime Agirc-Arrco (depuis le premier janvier dernier, les deux régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé ont fusionné en un seul régime, NDLR) a été formidablement bien géré par les partenaires sociaux à tel point que, alors que l'âge légal était toujours à 62 ans, nous avons crée conjointement avec les syndicats réformistes cet âge pivot de facto qui crée une décote de 10% à partir d'un certain seuil."

Le président du syndicat de dirigeants, en poste depuis un peu plus d'un an, a ajouté que "la seule solution, c'est de trouver un compromis entre l'âge et la durée de cotisation car sinon nous sommes dans une impasse financière. La seule logique de la durée de cotisation ne suffit pas [...] Nous sommes prêts à prendre en compte les carrières longues. Il est indispensable de prendre en compte le paramètre de l'âge."

Le Medef déçu sur la méthode

Le patron des patrons avait indiqué ce mardi sur l'antenne de France inter que faire l'économie d'un relèvement de l'âge du départ à la retraite revenait "à mentir par omission aux Français". Questionné sur la proposition du chef d'Etat d'une refonte du système des retraites sur la base d'une durée cotisation plutôt que d'un relèvement de l'âge de départ, M.Roux de Bézieux a signalé "qu'il fallait faire les deux".

"On est un peu surpris sur la méthode. On a passé 18 mois avec le haut-commissaire Delevoye pour arriver à un rapport plutôt consensuel au mois de juillet [...] Au détour d'une interview, le président rechamboule un peu tout. Sur le fond, il faut faire les deux. On a une impasse financière en 2025 et il faudra accélérer ce qu'on appelle la réforme Touraine (du nom de l'ancienne ministre de la santé) avec le nombre d'annuités qui doit passer à 43 années mais on ne fera pas l'économie de l'âge. "Je ne vais pas accuser le président de la République de mensonge par omission, je veux simplement dire que la vérité c'est qu'on est dans un système" où ce sont "les actifs qui payent pour les retraités", a poursuivi le président de l'organisation syndicale.

De son côté, la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) défend dans  un communiqué "un relèvement de l'âge minimal légal d'ouverture des droits à la retraite à 63 ans, le montant des pensions étant ensuite calculé en fonction de la durée de cotisation". Enfin, la CFDT précise que "si elle plaide pour un régime universel, elle reste en effet vigilante à ce que cette réforme soit bien l'occasion de créer un système plus juste qui prenne mieux en compte la pénibilité du travail et s'attaque à la question du minimum de pension". L'organisation dirigée par Laurent Berger a dénoncé "l'instauration d'un âge d'équilibre collectif à 64 ans, différent de l'âge de départ légal à 62 ans".

La réforme de l'assurance-chômage saluée

Sous une chaleur écrasante, M.Roux de Bézieux a salué la réforme de l'assurance-chômage qui durcit les conditions d'accès aux indemnités pour les nouveaux demandeurs d'emploi et prévoit un système de bonus-malus pour certains secteurs qui abusent des contrats courts. Le décret de cette réforme houleuse a été publié au Journal Officiel en plein coeur de l'été. "Le gouvernement a été cohérent avec le programme du président aussi bien du côté des demandeurs d'emploi que celui des entreprises. Avec cette réforme, l'écart entre les revenus du travail et les revenus de remplacement sera suffisant pour inciter les demandeurs d'emploi à reprendre un travail. C'est le côté positif de la réforme. Et puis il y a le bonus-malus [...] Au départ, cela part d'une bonne intention de lutter contre la précarité et à la fin, cela se termine en usine à gaz", a déclaré Geoffroy Roux de Bézieux.

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Climat et inégalités au programme

Alors que le sommet du G7 s'est achevé lundi soir sur la côte basque, la question de la forêt amazonienne en péril devrait être au centre des discussions. La venue du Brésilien Almir Narayamoga Surui chef du peuple indien Paiter-Surui, très en pointe sur la question du réchauffement climatique doit constituer un point d'orgue de cette première journée. Pour la soirée de clôture, 91 entreprises Françaises, qui avaient signé un engagement en 2017 intitulé "French Business Climate Pledge", vont venir faire un premier bilan de leurs actions en présence notamment de la ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne. "Nous avons voulu une rencontre des entrepreneurs 100% développement durable, sans climatiseur, tous les stands sont recyclables. C'est symbolique mais c'est aussi avec des petits pas qu'on avance", a expliqué Geoffroy Roux de Bezieux lors de son discours liminaire.

Les inégalités devraient également être au coeur des débats lors de ce grand raout organisé dans le nord-ouest parisien. Ce thème qui est revenu de manière récurrente avec la crise des "gilets jaunes" sera abordé sous plusieurs angles : inégalités de naissance, disparités face à la santé, fractures géographiques, inégalités face à l'impôt. écarts de salaires dans l'entreprise, pauvreté. "Je pense que les inégalités sont nécessaires pour récompenser les talents.[...] Parfois, la prospérité n'a pas justement été partagée. L'ascenseur social est en panne. Le scandale français n'est pas que certains gagnent beaucoup d'argent grâce à leur talent mais que tous ne puissent pas avoir ces opportunités. Le combat que nous devons mené est que l'entreprise offre sa chance à tous", a précisé l'homme qui a déclaré s'inspirer du libéral américain Milton Friedman.

Outre le climat et les inégalités, la raison d'être des entreprises devrait être au menu des échanges. "Trop souvent nous avons laissé la recherche de l'intérêt général à l'Etat. L'Etat n'a plus le monopole de l'intérêt général. Au même titre que les syndicats de salariés ou les ONG, nous sommes aussi les dépositaires du bien commun", a affirmé Geoffroy Roux de Bézieux. Sans nul doute, les échanges devraient faire réagir.