En 2020, plus de 255 millions d'emplois ont été détruits dans le monde, selon l'Organisme International du Travail (OIT). L'Europe, où plane le spectre d'une récession, n'échappe pas à cette pente négative et c'est à Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, que revient la lourde tâche de piloter une Union d'États membres ébranlés par la crise économique. Invitée lundi 25 janvier au Forum de Davos à discuter virtuellement de la reprise post-Covid-19, la patronne de la BCE a estimé que la stabilité financière sera une condition vitale de la croissance à moyen terme et de sa soutenabilité à long terme.
Certitude financière VS incertitude sanitaire
Énumérant d'abord la lenteur des campagnes de vaccination, les multiples confinements, puis l'arrivée des variants, Christine Lagarde a dressé le portrait d'un monde paralysé par l'absence de visibilité. Pour autant, l'économie devrait repartir début 2021, même si le rebond sera moins dynamique que prévu. Les économistes tablent désormais sur une croissance de 4,4% du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro, contre 5,3% dans l'enquête précédente il y a trois mois. Au final, il faudra attendre 2022 pour retrouver le niveau d'avant-crise, selon une enquête publiée vendredi par la BCE.
Pour surmonter ce cadre anxiogène, le message de la Française est clair : « dans un monde d'incertitude, le maintien de conditions financières favorables doit être assuré ». La poursuite des politiques fiscales et monétaires menées par la BCE depuis le début de la crise, à travers le rachat d'actions sur les marchés financiers notamment, est indispensable à la reprise économique, estime-t-elle.
Quatre défis à relever
À ce sentiment d'incertitude, la première dame de l'Europe ajoute quatre défis qui justifient d'autant plus la nécessité de stabilité financière cette année. Elle cite en premier l'emploi : si le taux de chômage n'a augmenté que de 1,1% en zone euro pendant la pandémie, ces chiffres cachent tous ceux qui, découragés, ont arrêté de chercher un emploi. Par ailleurs, la crise a creusé l'écart entre les travailleurs qualifiés et les non-qualifiés qui ont été particulièrement touchés par la récession. De manière exceptionnelle aussi, la crise a eu un impact sur l'ensemble des secteurs, empêchant les plus forts de réellement porter le reste de l'économie.
Enfin, les investissements dans l'innovation ont chuté de 13% en 2020 en zone euro.
Pour répondre à ces défis, il est essentiel d'assurer les financements qui permettront de relancer la croissance mais surtout d'accélérer la transition écologique, souligne Christine Lagarde. « Les entreprises, les consommateurs et les États souverains doivent avoir la certitude qu'ils trouveront les financements pour consommer ou investir », a-t-elle expliqué.
Un nouveau centre consacré au changement climatique
En parallèle de la relance à moyen terme, la présidente de la BCE a surtout appelé le monde économique à investir pour le climat et les projets verts. La BCE a d'ailleurs annoncé le lancement d'un centre d'expertise dédié au changement climatique : par son impact potentiel sur la stabilité du système financier, le changement climatique « affecte tous nos domaines politiques » et préoccupe la BCE, a-t-elle déclaré dans le communiqué paru lundi.
Cette nouvelle unité sera opérationnelle "début 2021" et vise à "renforcer et fédérer les travaux de la BCE sur le climat", selon un communiqué de l'institution.
Une dizaine de personnes au total vont y travailler en lien avec les équipes existantes dans toute la banque.
Le centre rendra compte à la présidente de la BCE, qui a fait de la lutte contre le changement climatique une de ses priorités.
Certains collaborateurs associés à cette nouvelle structure, experts en sciences du climat ou gestion de données, pourraient être recrutés à l'extérieur car la BCE n'a pas ce type de profil dans son personnel, a appris l'AFP.
A terme, « l'objectif est d'intégrer les considérations climatiques dans les activités courantes » de la banque. Christine Lagarde a donné une vision de la stratégie climatique que devra adopter l'UE dans les mois à venir : celle-ci doit être inclusive par l'intégration des externalités entrainées par les activités polluantes dans une taxe, informative par un suivi transparent de l'utilisation des fonds investis, et innovante.
De quoi réconcilier les citoyens avec leurs institutions européenne ? Un récent sondage Ipsos montre que 70% des habitants des 60 plus grands pays du monde veulent faire du climat une priorité.
(Avec AFP)