Ambitions dans le Pacifique : la Chine répond aux Etats-Unis faisant monter la tension d'un cran

La Chine accuse les Etats-Unis de vouloir "endiguer et bloquer (son) développement" après les propos du chef de la diplomatie Antony Blinken qui a affirmé que Pékin posait "actuellement le risque le plus sérieux de remise en cause de l'ordre international". Une passe d'armes qui constitue une nouvelle étape dans l'escalade des tensions entre les deux puissances avec pour toile de fond leur présence dans le Pacifique.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a réagi aux propos du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a réagi aux propos du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken. (Crédits : Reuters)

La tension monte entre les Etats-Unis et la Chine, à nouveau au centre des préoccupations géopolitiques américaines avec pour toile de fond le Pacifique. La Chine souhaite y étendre de plus en plus son influence ce qui est vu d'un mauvais oeil par les Etats-Unis, première puissance dans la région depuis plusieurs décennies.

En témoignent les propos du chef de la diplomatie, Antony Blinken, qui a estimé jeudi que Pékin posait "actuellement le risque le plus sérieux de remise en cause de l'ordre international". "

"La Chine est le seul pays qui a à la fois l'intention de remodeler l'ordre international et de plus en plus les moyens de le faire sur les plans économique, diplomatique, militaire et technologique", a-t-il affirmé, dans un discours sur la Chine très attendu et prononcé à l'université George Washington. "La vision de Pékin nous éloignerait des valeurs universelles qui ont soutenu beaucoup des progrès du monde dans les 75 dernières années", a ajouté le secrétaire d'Etat.

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Ce discours n'a pas manqué de faire réagir la Chine qui s'est dite calomniée ce vendredi. Le but de ces propos était "d'endiguer et de bloquer le développement de la Chine et de maintenir l'hégémonie et la puissance américaines", a estimé un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin. Il a "répandu de fausses informations, exagéré la menace chinoise, il s'est ingéré dans les affaires intérieures de la Chine et a calomnié sa politique intérieure comme extérieure", a-t-il dénoncé devant la presse, ajoutant que "la Chine fait part de son fort mécontentement et de sa ferme opposition".

La veille, Antony Blinken avait assuré que les Etats-Unis ne voulaient pas "empêcher la Chine de jouer son rôle de puissance majeure ou empêcher la Chine ou tout autre pays de faire croître son économie et de défendre les intérêts de son peuple". Mais la préservation de l'ordre international, y compris le respect des lois et accords internationaux "permettrait à tous les pays -y compris les Etats-Unis et la Chine- de coexister et de coopérer".

Accord de libre-échange entre la Chine et le Pacifique

Du côté de la Chine, le message est clair : le pays entend bien poursuivre la vaste initiative lancée dans le Pacifique. Elle se traduit pas un plan sur cinq ans, selon des documents obtenus par l'AFP mercredi, destiné à renforcer considérablement ses relations de libre-échange et de coopération en matière de sécurité avec les pays du Pacifique sud. Dans le cadre de cette initiative, la Chine proposerait des millions de dollars d'assistance à dix États insulaires de la région, la perspective d'un accord de libre-échange ainsi que la possibilité d'accéder au vaste marché chinois avec ses 1,4 milliard de consommateurs. En retour, la Chine se chargerait de former les forces de police et s'impliquerait dans la cybersécurité locales. Elle pourrait par ailleurs réaliser des opérations sensibles de cartographie marine et obtiendrait un meilleur accès aux ressources naturelles locale. L'adhésion à ce projet pourrait avoir lieu dès le 30 mai à l'occasion d'une rencontre entre le ministre des affaires étrangères chinoises et son homologue de la région.

Les Etats-Unis ont bien tenté, eux aussi, de consolider leur présence dans la zone Asie-Pacifique et d'offrir une alternative à la Chine. Le président américain Joe Biden a ainsi annoncé le 23 mai le lancement d'un nouveau partenariat économique avec 12 pays, dont le Japon, mais sans la Chine et baptisé Indo-Pacific Economic Framework (IPEF) (Cadre économique pour l'Indo-Pacifique, ndlr). Si Joe Biden n'a pas pour autant l'intention de relancer de grands accords de libre-échange, impopulaires aux Etats-Unis, l'annonce n'a pas manqué de fâcher la Chine.  Washington cherche "à former de petites cliques au nom de la liberté et de l'ouverture" en espérant "contenir la Chine", a critiqué Wang Yi, considérant le projet américain "voué" à l'échec.

Le cas Taïwan

Autre sujet de tension entre les deux puissances : le cas Taïwan. Dans son discours, Antony Blinken a en effet dénoncé l'attitude de "coercition croissante" de la Chine vis-à-vis de Taïwan, tout en martelant que la politique de Washington sur ce dossier n'avait pas changé. Les Etats-Unis ont semé le trouble à deux reprises ces derniers mois, Joe Biden ayant indiqué qu'ils étaient prêts à défendre Taïwan militairement en cas d'invasion de l'île autonome par les forces de Pékin. Le 24 mai, Joe Biden a également précisé que "l'ambiguïté stratégique" de Washington, consistant à ne reconnaître diplomatiquement que la Chine continentale tout en s'engageant à donner à l'île autonome les moyens militaires pour se défendre en cas d'invasion, restait inchangée. En mars dernier, la présence d'un destroyer américain dans le détroit de Taïwan qui sépare l'île de la Chine avait aussi fait monter la pression. La Chine y avait vu une "provocation", déplorant un comportement "très dangereux", car il adresse des signaux néfastes aux indépendantistes.

Soutien à la Russie

La Chine a également été sous le feu des critiques américaines pour ne pas condamner l'offensive russe en Ukraine. Tout en disant reconnaître la souveraineté de l'Ukraine, elle considère également que la Russie a des préoccupations légitimes en matière de sécurité qui doivent être entendues. La Chine aurait en outre reçu une demande de la Russie d'une aide économique et militaire pour mener la guerre en Ukraine et contourner les sanctions occidentales, ce qu'on démenti les deux pays. Alors que Joe Biden devait s'entretenir le lendemain par téléphone avec le président chinois Xi Jinping, Antony Blinken avait déclaré, en guise d'avertissement, "que la Chine devra assumer la responsabilité de toute initiative de sa part pour soutenir l'agression de la Russie et que nous n'hésiterons pas à en faire payer le coût".

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Malgré la guerre en Ukraine qui agite l'Europe, c'est donc désormais la Chine qui occupe toute l'attention des Etats-Unis et les sujets de discordes s'accumulent entre les deux puissances avec la crainte de l'éclatement d'un conflit. Ce n'est pas ce que nous recherchons, ni "une nouvelle guerre froide", a toutefois assuré Antony Blinken jeudi, affirmant qu'"au contraire, nous sommes déterminés à les éviter".

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Commentaires 6
à écrit le 28/05/2022 à 15:16
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Bonjour, Cette crise économique, les tentions en mer de Chine et cette guerre en Ukraine, ne sont pas bonne pour les affaires.... Personnellement je crains a une confrontation prochaine entre grande puissance, économique et militaire... dommage apr...

à écrit le 28/05/2022 à 9:35
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La chance de Biden, c'est que le président chinois est entêté sur la covid, avec une politique peu efficace et très coûteuse (le prix de tous ces tests et confinements excessifs est sans commune mesure à ce qu'aurait été une campagne sérieuse de vacc...

à écrit le 28/05/2022 à 9:16
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Taïwan est pour la Chine l'équivalent du Donbass, de Louhansk ou de la Crimée pour l'Ukraine. Ceux qui ne sont pas capables de comprendre cela feraient mieux d'éviter de se mêler de diplomatie internationale si on ne veut pas une augmentation du nomb...

à écrit le 27/05/2022 à 19:09
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A bas l'impérialisme chinois. Que les chinois ferment leurs camps de concentration des Ouighours dans le Xinjiang et cessent de coloniser le monde pauvre et des confiner des centaines de millions des chinois.

à écrit le 27/05/2022 à 19:01
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Ce nest pas très malin de s'être mis à dos la Russie pour s'attaquer à la Chine... On ne gagne pas sur 2 fronts en même temps. Mais les USA savent, de par leurs simulations militaires, qu'ils ne peuvent plus tenir à Taïwan face à une invasion chinoi...

à écrit le 27/05/2022 à 17:42
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A bas l'impérialisme yankee. Que les USA s'occupe d'abord des crimes policiers contre les noirs et des massacres d'enfants à l'école dans son propre pays, et moins de coloniser le monde entier!

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