Le cours du baril de Brent a franchi le seuil symbolique des 80 dollars en séance mardi. Il faut remonter à octobre 2018 pour retrouver un tel niveau. Depuis son point bas d'octobre 2020, la référence européenne a augmenté de quelque 116%. Aux Etats-Unis, le baril de WTI suit la même tendance dépassant les 76,27 dollars, s'approchant du dernier sommet du début de l'été à 76,98 dollars le baril.
Si elle persistait, cette augmentation ne risque-t-elle pas de ralentir la vigoureuse reprise économique mondiale, estimée à 5,5% cette année (+ 4,1% prévus pour 2022) par les experts de l'Opep ?
Tous les prix de l'énergie orientés à la hausse
La question se pose avec une certaine acuité, car tous les prix de l'énergie sont orientés à la hausse. Ainsi, une partie de l'appréciation de l'or noir résulte du report de la demande de gaz naturel sur le pétrole. Depuis avril 2021, les prix du gaz naturel ont flambé de 133%, ceux du charbon thermique ont bondi de 160% sur un an. Quand à l'électricité, pratiquement aucun pays européen n'échappe à l'alourdissement des factures, obligeant les gouvernements à aider les ménages les plus fragiles, face à des dépenses contraintes. Ainsi, en France, après avoir décidé de verser un chèque énergétique de 100 euros, le gouvernement planche déjà sur de nouvelles mesures.
La cause générale est l'incapacité de l'offre énergétique à suivre le rythme d'une demande en forte hausse en raison de la vigoureuse reprise économique mondiale, favorisée par la sortie progressive de la crise sanitaire grâce à l'extension de la couverture vaccinale. La demande est soutenue notamment par la hausse du trafic aérien et routier.
Une offre qui plafonne
Or, l'offre de pétrole plafonne car certains pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) limitent toujours volontairement leurs extractions, suivant la politique de restriction à laquelle se soumet l'Opep+ (qui compte notamment la Russie). La prochaine réunion du cartel augmenté, qui se tiendra lundi prochain pour statuer sur le niveau des exportations, devrait être particulièrement suivie.
Mais il faut aussi compter avec des événements naturels ou techniques. Aux Etats-Unis, le rythme de la production dans le Golfe du Mexique n'est pas revenu à la normale, nombre d'installations ayant été endommagées par le passage de l'ouragan Ida fin août.
Au Nigéria, membre de l'Opep, la production a ralenti à 1,271 million de barils par jour le mois dernier, contre plus de 1,4 million deux mois plus tôt, selon les chiffres compilés par l'organisation. D'autres pays connaissent aussi des baisses comme le Kazakhstan, la Libye ou l'Angola.
Pas de rééquilibrage du marché à court terme
Aussi, le déséquilibre du marché du pétrole brut ne devrait pas se résoudre à brève échéance. Selon le rapport annuel de l'Opep sur les perspectives du marché pétrolier, la demande cette année devrait bondir de 6 millions de barils par jour (mbj) (+ 6,6%) par rapport à 2020 pour atteindre 96,6 mbj. Et les besoins devraient croître, à 99,9 mbj l'année prochaine, et à 101,6 mbj en 2023.
Selon ces mêmes projections, la demande mondiale d'énergie (toutes les sources) va passer de 275,4 millions de barils équivalents de pétrole par jour (mbej) en 2020 à 303,6 mbej en 2025. En 2045, elle devrait atteindre 352 mbej.
Une prévision qui est de nature à soutenir durablement les prix de l'énergie. D'ores et déjà, les analystes de Goldman Sachs voient le prix du baril de brut se hisser à 90 dollars avant la fin de l'année.