Énergie : les sanctions européennes vont pousser la Russie à se tourner vers la Chine

Pékin adopte une attitude prudente sur l'invasion militaire russe en Ukraine. Si elle ne condamne pas, elle ne soutient pas. La dureté des sanctions imposées par les Occidentaux sonne comme un signal d'alarme pour la Chine qui ambitionne de réintégrer Taiwan, par la force si besoin. En attendant, la Russie va se tourner de plus en plus vers l'Asie, et la Chine en particulier, pour augmenter ses livraisons d'hydrocarbures, notamment de gaz naturel.
Robert Jules
Vue d'une partie du gazoduc Power Of Siberia de Gazprom à la station de compression Atamanskaya, près de la ville de Svobodny. Ce gazoduc dessert la région chinoise de Heilongjiang, au nord-est du pays.
Vue d'une partie du gazoduc Power Of Siberia de Gazprom à la station de compression Atamanskaya, près de la ville de Svobodny. Ce gazoduc dessert la région chinoise de Heilongjiang, au nord-est du pays. (Crédits : Reuters)

En s'abstenant au conseil de sécurité de l'Onu sur la résolution condamnant la Russie pour l'envahissement militaire de l'Ukraine, la Chine - comme l'Inde - a montré qu'elle entendait rester neutre malgré les appels de la Maison Blanche à rejoindre le camp occidental.

C'est qu'à Pékin, ce qui prime, ce sont les intérêts de la Chine. Autrement dit, le soutien ou la condamnation de Moscou dépend d'abord des opportunités qu'offre la situation créée par Vladimir Poutine. Le paquet de sanctions qui s'abattent sur la Russie montre que l'Occident entend mettre à genoux l'économie russe, quitte à en payer un prix élevé. Cela sonne comme un avertissement pour les autorités chinoises qui voient concrètement ce qui pourrait leur en coûter si elles comptent récupérer Taiwan, comme Moscou a annexé la Crimée.

Le projet de pipeline "The power of Siberia" lancé après l'annexion de la Crimée

Mais l'une des conséquences immédiates de cette guerre est la probable réorientation des exportations russes de gaz naturel, de pétrole et de charbon vers l'Asie, la Chine en particulier, puisque l'Europe a décidé de s'émanciper définitivement de la Russie pour ses besoins énergétiques. Ce n'est d'ailleurs pas un nouveau scénario.

C'est en effet après l'annexion de la Crimée, qui avait déjà valu à la Russie un ensemble de sanctions, que Moscou avait accéléré son rapprochement énergétique avec la Chine, en construisant le gazoduc "The power of Siberia" (le pouvoir de la Sibérie), opérationnel en décembre 2019, d'un longueur d'un peu moins de 3.000 kilomètres, qui achemine du gaz naturel du nord du lac Baïkal pour arriver en Chine, dans la province de Heilongjiang, au nord-est du pays. L'infrastructure, qui aura coûté 55 milliards de dollars, doit livrer annuellement sur 30 ans 1.400 milliards de m3 à la Chine.

Ces derniers jours, un nouveau projet de gazoduc - une extension du gazoduc "Power of Siberia" - vient d'être approuvé entre Gazprom et les autorités de Mongolie pour accélérer les livraisons de gaz à la Chine. Ce gazoduc, nommé Soyuz Vostok, va en effet passer par la Mongolie. D'une longueur de quelque 960 kilomètres, il aura une capacité annuelle de 50 milliards de m3 pour la Chine.

Aujourd'hui, la Russie subvient à 20% des besoins chinois en gaz naturel, dont une partie des livraisons se font sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment par voie ferroviaire. En 2020, la Russie a livré 420 milliards de m3 à la Chine contre 170 milliards de m3 en 2013. Un volume qui va donc continuer à croître dans les prochaines années, les exportations de gaz russe en 2020 vers la Chine ne représentaient que 5% du total contre 72% pour les pays européens de l'OCDE .

L'énergie, obsession des dirigeants chinois

Car la question énergétique est une véritable obsession des dirigeants chinois. Le pays a dû faire face à des pénuries d'électricité ces derniers mois en raison d'une crise énergétique - comme en Europe - l'obligeant à fermer des sites de production d'acier et d'aluminium. Aussi, comme l'Allemagne ou l'Italie aujourd'hui, la République populaire est obligée de se tourner à nouveau vers le charbon plutôt que vers le gaz naturel qui évolue à des niveaux records pour subvenir à ses besoins en électricité, ce qui devrait remettre en cause ses objectifs de neutralité carbone.

Peu avant le Nouvel an chinois, le président Xi Jinping s'était rendu symboliquement fin janvier auprès de mineurs d'un site de Shanxi (nord), un des hauts lieux de la production de houille en Chine. "Nous ne visons pas la neutralité carbone parce que d'autres nous y obligent, c'est tout simplement parce que nous devons le faire", leur avait-il déclaré, tout en ajoutant: "Mais on ne doit pas se précipiter". La Chine dépend à 56% du charbon pour faire tourner son économie et le géant asiatique produit à lui seul 29% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit le double des Etats-Unis et le triple de l'Union européenne.

Déjà, en 2021, sa consommation de charbon a augmenté de 4,9%, atteignant 4 milliards de tonnes, soit son niveau le plus haut depuis 10 ans. Le pays a approuvé le lancement de nouvelles centrales électriques à charbon d'une puissance totale de 33 gigawatts. Elles émettront chaque année autant de CO2 que l'Etat américain de Floride, selon des données du Global Energy Monitor, citées par l'AFP.

Le retour en grâce du charbon

Pékin a promis de réduire sa consommation de charbon à partir de 2025, mais cela ne l'empêche pas d'augmenter ses capacités jusque là, avec des centrales qui pourront fonctionner pendant 40 ans en moyenne. Début février, Pékin a ainsi repoussé de cinq ans, à 2030, la date butoir pour réduire les émissions de la métallurgie.

Mais cela reste insuffisant. La Chine, pourtant premier producteur mondial de charbon, représente 17% des exportations de houille de la Russie. En 2018, un consortium russo-chinois a construit une centrale électrique d'une capacité de 1 gigawatt à Erkovetskaya, dans la région d'Amour, au sud-est du pays, pour acheminer directement l'électricité en Chine, alimentée par du charbon ou du gaz naturel. La Chine devrait donc sécuriser ses achats sur le long terme, d'autant que le prix du charbon thermique a lui aussi atteint un record historique. Sur le marché à terme de Newcastle en Australie, le prix de la tonne a dépassé aujourd'hui le seuil des 270 dollars, à 274,5 dollars. Depuis le 1er novembre 2021, le cours a bondi de 97%, stimulé par la demande croissante d'électricité. Là aussi, la Russie joue un rôle central. Les importations de charbon de l'Union européenne ont augmenté de 55,8 % en janvier par rapport à il y a un an, pour atteindre 10,8 millions de tonnes, dont la Russie a fourni 43 %, selon les données de fret recueillies par l'AFP. Pour le charbon également, l'Europe va devoir trouver des alternatives à l'offre russe.

30% des importations pétrolières chinoises sont russes

Enfin, la Russie fournit également du pétrole à la Chine qui représente 20% de ses exportations totales. Pour la Chine, ce volume correspond à quelque 30% de ses importations pétrolières. En 2021, cela représentait 1,6 million de barils par jour, une moitié étant acheminée par pipeline, l'autre moitié par tankers. La nécessité de sécuriser l'approvisionnement va dans ce cas aussi rapprocher les deux économies émergentes, d'autant plus que le prix du baril de pétrole Brent flirtait avec les 106 dollars, aujourd'hui en hausse de quelque 8%!

Robert Jules
Commentaires 19
à écrit le 03/03/2022 à 14:29
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tres probable, a assez court terme.....uncle chang s'en felicite.....et il s'en felicite d'autant plus qu'avec un seul gros client ( qui plus est assez particulier) , la russie deviendra dependante.....bon, ca fera un tres bon vassal, quand il n'aura...

à écrit le 03/03/2022 à 8:15
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L'Inde, le Brésil, le Mexique... les alliés potentiels russes ne manquent pas et on se doute que les relations diplomatiques des russes envers eux ont du chauffer au préalable, comme je le dis ne pensez pas que c'est un acte à court terme que c'était...

à écrit le 02/03/2022 à 16:02
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Mr Poutine ne se serait pas lancé dans cette aventure sans le soutien d'alliés puissants. La Chine évidemment en premier. Un Chine qui observe et se réjouit de cette situation. Je soupçonne des accords secrets comme cela s'est déjà produit avec l'All...

à écrit le 02/03/2022 à 7:20
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Bonjour, La Russie devrait se tourner vers la Chine.... Certe, mais la Russie crains aussi le géant chinois, donc difficile d'enrichir ton ennemis... La situation actuelle est avant tout du a l'expensionisme américains et a la réaction violentes d...

à écrit le 02/03/2022 à 5:42
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L' OTAN et sa tète pensante aura réussi à déstabiliser l'Europe pour des décennies, cerise sur le gâteau les chinois vont avoir le feu vert implicite pour récupérer Taiwan. Le nouveau monde va naitre d'une folle idée, avoir voulu faire entrer l'Ukrai...

à écrit le 02/03/2022 à 2:08
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Nous avons des politiques , qui découvrent l'évidence constamment , complètement stupéfait !

à écrit le 01/03/2022 à 22:07
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Le film sur le Donbass de Anne-Laure Bonnel est un bon exemple du fonctionnement de la vérité. Elle expliquait dans une interview le peu d'intérêt qu'à suscité le film à sa sortie. Et pourtant aujourd'hui 10'000+ vues en 24h et il pourrait devenir un...

à écrit le 01/03/2022 à 21:15
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Le niveau intellectuel en Frande est tellement bas qu'il est devenu impossible réagir inttelligemment aux crises qui se multiplient. Les européens ne tiennent compte des intérets securitaires légitimes de la Russie, ni des violations permanentes d...

le 01/03/2022 à 22:34
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Le gvt us infiltré par son deep state, l' américain de base équivaut en cela au français de base sur le sujet, il ne le veut pas.

le 02/03/2022 à 10:16
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C est la pravda qui parle?… le besoin de sécurité de la Russie lol qui peut croire cela … avec le nombre de têtes de ogives nucléaires le plus élevé au monde …. Des missiles intercontinentaux supersoniques des satellites espions dans la stratopheres…...

à écrit le 01/03/2022 à 20:45
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Les élites dirigeantes occidentales vont effectivement réussir à faire se rapprocher la Chine et la Russie. Il fallait oser... Comme la Chine n'aura plus qu'à oser reprendre Taïwan...

le 01/03/2022 à 23:14
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@Britannicus Les Chinois ne verront jamais que leurs intérêts. La Russie est un nain économique qui ne vit que par ses exportations de matière première. En gros, les oligarques pillent leur pays.

le 02/03/2022 à 4:18
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@valbel89 la Russie un nain économique ?? et la France, elle n'en est même pas un !!! Peut-être les oligarques pillent leur pays , mais on peut dire la même chose de nos ponctionnaires !!

à écrit le 01/03/2022 à 20:38
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Qui c' est qui n' est tout seul sinon les supporters en culottes courtes du plan schwabien ? Après la Chine, l'Inde apporte son soutien économique à la Russie. Non seulement le pays le plus peuplé du monde, et l'une des plus grandes puissa...

le 02/03/2022 à 10:22
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Pouvez ajouté le Mexique.

à écrit le 01/03/2022 à 20:12
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C'est certain (les gens autoritaires s'aiment bien, c'est du fort à fort) mais en état de "faiblesse" (un nain économique mais avec des ressources minérales intéressantes) c'est pas pour obtenir tout ce qu'il voudra (un peu comme BoJo vs les USA, des...

à écrit le 01/03/2022 à 19:48
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Et pas que, Asie, Inde, Brésil.. En définitive, les larbins de l' UE sous dominion deep state us vont se retrouver seuls au bal de davos, en jarretières blanche avec Schwab..

à écrit le 01/03/2022 à 19:26
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previsible, effectivement, a voir.........cela dit la chine veut bien du gaz, avec quoi va t elle payer; des yuans, des bitcoins? comment se recycle la monnaie? est ce qu'on fait du troc compensation? tout est possible, c'est loin d'etre confortable,...

le 02/03/2022 à 0:54
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Qui va avoir la trouille ? Personne je pense. Au contraire c'est une formidable démonstration. Les usa et l'union européenne vienne de montrer leurs jeu et les cartes planquées dans le revers de la veste.... le monde entier savait que l'intimidation,...

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