Reprise solide mais inflation galopante : pour la Fed, pile le moment de stopper les rachats d'actifs ?

Quasi plus personne ne doute d'une décision imminente de la FED de stopper son soutien à l'économie. La seule question qui reste, c'est la vitesse qui sera choisie pour ramener les 120 milliards de dollars par mois actuellement à... zéro. La Fed elle-même anticipait un arrêt complet de la machine d'ici la mi-2022. Freinage trop court? La question fait débat entre "faucons" et "colombes" monétaires... Car, derrière, se profile le spectre d'une remontée des taux d'intérêt plus tôt que prévu.
Depuis mars 2020, la Fed n'a cessé d'inonder le marché de liquidités: quelque 120 milliards de rachats chaque mois, qui se décomposent en 80 milliards de bons du Trésor et 40 milliards de MBS (des produits financiers adossés à des prêts immobiliers).
Depuis mars 2020, la Fed n'a cessé d'inonder le marché de liquidités: quelque 120 milliards de rachats chaque mois, qui se décomposent en 80 milliards de bons du Trésor et 40 milliards de MBS (des produits financiers adossés à des prêts immobiliers). (Crédits : Reuters)

Tandis que l'inflation en zone euro bondissait en octobre à 4,1% sur un an, au plus haut depuis plus de treize ans, aux États-Unis elle accélérait plus fort encore: le PCE, baromètre de la hausse des prix pour la Banque centrale américaine (Fed), a de nouveau connu une forte hausse en septembre, à 4,4% sur un an, touchant un plus haut depuis janvier 1991 (un record de trente ans, donc...).

Or, depuis mars 2020, la Fed n'a eu de cesse d'inonder le marché de liquidités: quelque 120 milliards de rachats chaque mois, qui se décomposent en 80 milliards de bons du Trésor et 40 milliards de produits financiers adossés à des prêts immobiliers, les MBS ("Mortgage-Backed Securities" - en français: "prêts adossés à des hypothèques").

Et, vendredi, à l'approche de la réunion du comité de la Fed les mardi 2 et mercredi 3 novembre, des analystes comme ceux d'Edmond de Rothschild, observaient que toute la semaine dernière avait été "marquée par la forte hausse des anticipations d'inflation", selon les propos recueillis par l'AFP.

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Les rachats d'actifs ramenés à zéro en huit mois ?

De fait, pour la Fed, il semble qu'il n'y ait pas de moment mieux choisi pour annoncer la réduction du soutien qu'elle apporte aux marchés depuis le début de la crise, signe d'une reprise solide, et alors que l'inflation s'annonce plus tenace que prévu. Lors de sa réunion mardi et mercredi prochains, le comité monétaire de la Réserve fédérale (Fed) devrait juger que tous les signaux sont au vert pour entamer le "tapering" - commencer à réduire ses achats d'actifs. Objectif: les ramener de 120 milliards de dollars par mois actuellement, à zéro d'ici le milieu de 2022.

La Fed elle-même a à plusieurs reprises ces dernières semaines sur ses intentions: le 13 octobre dernier, Reuters rapportait le compte-rendu des "minutes" de la Fed:

"Aucune décision pour avancer sur l'allègement des achats d'actifs n'a été prise durant la réunion, mais les participants sont globalement convenus que, en considérant que le rétablissement de l'économie reste dans l'ensemble en bonne voie, un processus graduel de 'tapering' qui prendrait fin aux alentours du milieu de l'année prochaine devrait être approprié."

Ce soutien à l'économie a eu la vraie vertu d'éviter qu'une crise financière ne vienne se superposer à la crise économique, en fluidifiant le crédit et poussant les taux longs à la baisse. In fine, cela permet aux ménages de continuer à consommer, et aux entreprises de continuer à fonctionner et investir. Mais, maintenant que la reprise économique est sur les rails, la Fed veut réduire progressivement ce soutien.

Supply chain mondiale perturbée et forte demande, moteurs d'inflation

La solidité de la reprise ne sera pas le seul motif de la décision de la Fed, il y a aussi la menace d'une l'inflation non maîtrisée.

En effet, l'inflation qui était considérée comme temporaire, se fait plus forte et plus durable que prévu, à cause des perturbations sur la chaîne mondiale d'approvisionnement couplée à une forte demande des consommateurs.

La hausse des prix sur un an a accéléré à 4,4% en septembre, au plus haut depuis 1991. Mais, comparée au mois précédent, elle est stable, à 0,3%.

Ensuite, une remontée des taux plus rapide que prévu ?

Jusqu'à présent, le président de la Fed, Jerome Powell, a estimé que cette inflation était temporaire, mais resterait à un niveau élevé pendant encore plusieurs mois.

Mais certains observateurs anticipent que la Fed sera conduite à remonter les taux plus rapidement que prévu:

"Bien que la Fed ait été disposée à tolérer" l'inflation, les risques "nécessiteront une réponse plus tôt que la Fed ne l'anticipait", a expliqué Tim Duy, professeur d'économie à l'Université de l'Oregon, dans un entretien à l'AFP.

Or, ses responsables veulent attendre d'avoir ramené à zéro les achats d'actifs, avant d'envisager de relever les taux, qui sont depuis mars 2020 dans une fourchette de 0 à 0,25%.

Certaines banques centrales ont déjà franchi le pas - en Norvège, Nouvelle-Zélande, au Brésil... Mais dans l'UE, la Banque centrale européenne (BCE), en revanche, a maintenu ses mesures de soutien, sa présidente Christine Lagarde demandant même de la patience. Pourtant aux États-Unis, selon Kathy Bostjancic, économiste pour Oxford Economics, la question "n'est pas si, mais à quelle vitesse, la Fed va (les) réduire" .

La question qui coince: à quelle vitesse cesser les rachats d'actifs ?

Car, en temps normal, une inflation forte et durable aurait déclenché une hausse des taux de la part de la Fed. Mais la reprise économique post-pandémie n'a rien d'habituel, et l'institution rechigne, craignant que cela pèse sur le marché de l'emploi qui lui n'est pas encore remis de la crise.

Ce dilemme devrait être au coeur de sa réunion des 2 et 3 novembre : "Il va y avoir un débat en interne", quant au rythme de la réduction des achats d'actifs, avertit Steve Englander, responsable de la macro-économie américaine pour Standard Chartered, et ancien économiste à la Fed.

"Faucons" monétaires contre "colombes"

D'un côté, explique-t-il, les "faucons monétaires", partisans d'une politique plus stricte, qui "veulent une marge pour accélérer, si l'inflation ne diminue pas". Autrement dit, ils veulent terminer la réduction des achats d'actifs le plus vite possible, pour pouvoir rapidement commencer à relever les taux directeurs.

En face, les "colombes" qui « disent "nous pouvons nous permettre d'attendre et voir comment les choses s'arrangent"», pour ne pas compromettre la reprise économique.

Plan Biden à 3.000 milliards et réélection de Powell

Le président américain Joe Biden compte sur quelque 3.000 milliards de dollars d'investissements en dépenses sociales et environnementales, et pour les infrastructures, pour assurer une croissance à long terme.

Ces plans font craindre une nouvelle poussée d'inflation. L'administration Biden assure au contraire qu'ils vont contribuer à faire ralentir les prix en accroissant le potentiel de croissance de l'économie américaine.

La Maison Blanche n'a par ailleurs toujours pas annoncé si elle maintenait Jerome Powell à la tête de la Fed pour un second mandat de quatre ans à partir de février, ou si elle décidait de le remplacer.

Commentaires 4
à écrit le 31/10/2021 à 14:33
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Quelle drôle d'époque nous vivons. A chaque fois, les cassandres prévoient un krach économique imminent, à chaque fois ce krach est reporté. On se dit que le mois prochain, les taux d'intérêt vont augmenter, annonçant la fermeture du bal. Et puis non...

le 31/10/2021 à 21:01
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inutile de spéculer, ce sont les banques centrales qui décident. Si demain elles disent qu'on continuent les rachats d'actifs, les bourses remontent. Ce n'est plus l'économie qui fixe le prix mais leurs décisions

à écrit le 31/10/2021 à 13:09
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La fermeture du robinet des facilités monétaires va mettre la France dans une situation insupportable le futur président va devoir adopter une politique rigoureuse

à écrit le 31/10/2021 à 12:59
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Sans inflation, pas de remboursement de la dette Covid. Et celle là, elle colle

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