Investissements étrangers : la France profite du Brexit

Par Grégoire Normand  |   |  1233  mots
Pour la première fois, les dirigeants interrogés placent Paris (37%) devant Londres (34%) au classement des métropoles européennes les plus attractives. Le nombre d'investissements étrangers a bondi de 31% l'an passé en France, contre 30% en 2016. (Crédits : Statista*)
Le nombre de décisions d'investissement en France est passé de 779 à 1.019 entre 2016 et 2017 selon le baromètre annuel de l'attractivité réalisé par le cabinet d'audit EY. Pour la première fois, Paris passe devant Londres dans le classement des métropoles européennes les plus attractives, la capitale britannique étant pénalisée par les incertitudes liées au Brexit.

L'attractivité de la France se renforce. Selon le dernier baromètre EY publié ce lundi 11 juin, le nombre d'investissements étrangers a bondi de 31% l'an passé en France contre 30% en 2016. Ces bons résultats permettent à la France de revenir dans le sillage de ses grands concurrents européens tels que l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Ce redressement de l'attractivité de la France est une bonne nouvelle pour l'économie tricolore, surtout que selon de récentes données de l'ONU, les flux internationaux d'investissement ont clairement ralenti.

Emmanuel Macron qui s'est engagé à attirer des investisseurs étrangers pourrait profiter de cette embellie entamée avant son arrivée au pouvoir en mai 2017. Mais jusqu'à quand ?

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1.019 projets annoncés

Le cabinet a recensé, pour l'année 2017, 1.019 projets d'implantations étrangères contre 779 un an plus tôt pour la France. Cette bonne performance confirme la rupture avec une longue période pendant laquelle les investissements ne progressaient pas au même rythme que ses principaux concurrents.

Aux deux premières places du podium figurent le Royaume-Uni et l'Allemagne. Chez nos voisins outre-Manche, les décisions d'investissement ont grimpé de 6% entre 2016 et 2017 (+6%). Outre-Rhin, les décisions ont accéléré sur un même rythme (+6%) entre 2016 et 2017, passant de 1.063 à 1.124. Pour l'Europe entière, le nombre d'investissements a augmenté de 10% sur la même période. Les trois premiers pays ont à eux seuls capté la moitié des investissements.

Paris passe devant Londres

Au classement des métropoles, les résultats du cabinet soulignent un changement majeur. Selon les décideurs étrangers interrogés pour l'étude, Paris est devenue la métropole européenne la plus attractive devant Londres et Berlin. La capitale française progresse fortement entre 2016 et 2017 (+10 points) et Londres gagne deux points passant de 32% à 34% tandis que Berlin perd un point passant de 25% à 24%.

À noter que trois villes allemandes se placent dans le classement des 10 métropoles les plus attractives avec une forte progression de Francfort, passant de 16% à 22%.

L'effet Brexit

Les incertitudes liées au Brexit ont pesé sur les décisions des investisseurs étrangers. Pendant des années, Londres s'était affirmée comme un choix de premier ordre pour les entreprises américaines et chinoises mais elles semblent freiner leur choix ou privilégier l'attentisme.

"Le Royaume-Uni semble ainsi subir un effet Brexit, qui se traduit par une plus grande prudence de la part des investisseurs étrangers", souligne l'étude.

Même si l'issue des négociations entre le royaume et le Vieux continent demeure très incertaine sur la plupart des dossiers, la perspective de la disparition du passeport financier européen a été à "l'origine de plusieurs annonces fortement médiatisées de transferts de services financiers au profit d'autres métropoles européennes, au premier rang desquelles Francfort, Paris, Amsterdam, Dublin qui se livrent une bataille féroce."  Le Royaume-Uni a particulièrement subi les effets du Brexit dans certains domaines. Dans le secteur financier par exemple, 78 décisions ont été prises en 2017, soit une baisse de 26% par rapport à 2016. Pour les centres de décision, 95% implantations ont été annoncées soit une baisse de 31%.

En dépit de ces ralentissements dans le domaine des implantations, le Royaume-Uni représente tout de même une destination privilégiée. L'année dernière, la puissance britannique a réussi à attirer 1.205 nouveaux projets sur son territoire. Par ailleurs, si elle se fait dépasser par l'Allemagne sur les services aux entreprises, elle reste en première position en Europe pour les services financiers et conserve une longueur d'avance pour les services informatiques.

La France attire les centres de décision

En ce qui concerne les centres de décision, la France regagne du terrain. Si l'Hexagone reste distancée par rapport au Royaume-Uni (en tête du classement avec 95 sièges en 2017), la France a triplé son résultat de 2016. Le nombre d'annonces est passé de 16 en 2016 à 59 en 2017. Il semble que le Brexit a également eu des conséquences sur la répartition des décisions. Si le Royaume-Uni dominait le classement en 2016, la distribution est "beaucoup plus équilibrée, quatre destinations se tenant dans un écart de 1,6 à 2,1" en 2017.

Innovation : la France reste compétitive

La France demeure un pays attractif pour l'innovation. Selon l'enquête menée par le cabinet, l'Hexagone réalise la plus belle progression du trio de tête européen en matière d'implantations ou d'extensions des centres de R&D. Depuis le début de l'année 2017, plusieurs entreprises d'envergure internationale telles que Facebook, Microsoft, Google, Fujitsu ont fait des annonces d'implantation sur le sol français.

Sur l'ensemble des secteurs, le numérique représente la plus grande part des investissements recensés en France en 2017 (175 décisions, soit 17% du total). Viennent ensuite les services aux entreprises (144 décisions, soit 14% du total), la construction (87 décisions, soit 9% du total).

À la suite du rapport remis par le député de l'Essonne Cédric Villani, le gouvernement a annoncé un programme d'investissements de 1,5 milliard d'euros consacrés à l'intelligence artificielle d'ici 2022. Les secteurs ciblés sont les transports avec le développement du véhicule autonome ou encore la santé avec la mise en place d'un centre de données de santé exploitables par des outils d'intelligence artificielle.

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Des investissements peu favorables à l'emploi

Malgré une bonne dynamique des investissements en France en 2017, le nombre d'emplois potentiellement crées reste modeste au regard des voisins européens. Pour la France, le cabinet estime qu'environ 25.126 emplois ont été crées, soit une moyenne de 25 par projet. Au Royaume-Uni, 50.196 nouveaux emplois ont été crées sur la même période, soit une moyenne de 42. Cette différence s'explique principalement par la nature des décisions prises pour les deux pays. Selon les auteurs de l'étude, la part des créations de sites dans les décisions est bien plus importante de l'autre côte de la Manche (62%) qu'en France (47%). Sur l'ensemble des 15 premiers pays du classement, 53 emplois ont été crées par projet, en moyenne. Les pays d'Europe de l'Est se distinguent particulièrement :

"Ainsi, parmi les 15 premiers pays en matière d'emplois créés, la Serbie et la Slovaquie se distinguent, avec près de 170 emplois par projet du fait de coûts favorables à l'implantation de projets à fort besoin de main-d'œuvre, comme les centres de services partagés".

De bonnes perspectives pour la France

Les résultats collectés par EY indiquent des perspectives favorables pour la France. Ainsi, la part des dirigeants français qui envisage une amélioration à trois ans s'établit à un niveau inédit de 55%. Un score qui reste très supérieur à celui de l'Allemagne (45%) ou encore celui du Royaume-Uni.

Malgré ces projections avantageuses, les investisseurs étrangers réclament encore une amélioration de la compétitivité fiscale française. La baisse de la pression fiscale sur les entreprises aux États-Unis ou au Royaume-Uni a intensifié cette demande. Mais les réformes en cours ou à venir (baisse de l'impôt sur les sociétés, prélèvement à la source, droit à l'erreur, simplification des seuils sociaux et fiscaux dans le cadre de la loi Pacte) devraient permettre d'améliorer encore la compétitivité-prix des entreprises françaises.

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(*) Un graphique de notre partenaire Statista.