La Banque mondiale redoute une « stagflation généralisée qui réveillerait de bien mauvais souvenirs »

Par latribune.fr  |   |  738  mots
« La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession », a averti le président de la Banque mondiale, David Malpass. (Crédits : Reuters)
Sous l'effet des politiques monétaires de remonter les taux d'intérêt pour juguler l'inflation, l'institution financière internationale redoute désormais une « stagflation généralisée » de l'économie mondiale. Tout en soutenant cette stratégie monétaire, la Banque mondiale revoit à la baisse ses prévisions de croissance pour l'ensemble des pays.

Le ton a changé en trois mois. La Banque mondiale, qui prévoyait encore début juin une croissance mondiale pour 2023 et 2024, certes en-dessous de 3%, mais bien là, a revu avec pessimisme ses perspectives économiques mondiales pour l'an prochain. L'évolution de l'environnement géopolitique et la persistance de l'inflation, qui n'est plus seulement provoquée par les prix de l'énergie et de l'alimentation, a d'ores et déjà un impact profond sur l'économie, estime l'institution financière internationale qui accorde des prêts aux pays en développement pour des projets d'investissement.

« Nous avons globalement revu à la baisse les prévisions de croissance de l'ensemble des pays, à l'exception des pays exportateurs de matières premières. Et nous avons baissé d'un tiers nos prévisions pour l'économie mondiale », a détaillé le chef économiste de l'organisation, Indermit Gill, lors d'une conférence de presse jeudi.

En cause : la lutte contre l'inflation menée par les banques centrales aux Etats-Unis et en Europe, qui relèvent désormais régulièrement les taux d'intérêt. La Banque mondiale estime que cette hausse simultanée des taux d'intérêt renforce le risque d'une récession mondiale en 2023.

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« La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession. Mon inquiétude est de voir cette tendance persister avec des conséquences de long terme dévastatrices pour les pays émergents et en développement », a déclaré le président de la Banque Mondiale, David Malpass, cité dans un communiqué.

Vers une stagflation généralisée ?

Néanmoins, la Banque mondiale soutient cette méthode : les taux directeurs des banques centrales dans le monde ont augmenté en moyenne de 2% par rapport à 2021, mais une hausse au moins équivalente pourrait être encore nécessaire afin de ramener l'inflation vers les objectifs envisagés, selon une étude réalisée par l'institution. Les Banques centrales européennes (BCE) et américaines (Fed) se sont fixées pour objectif de ramener l'inflation à 2%. Des efforts que la Banque mondiale appelle à poursuivre pour réduire l'inflation, afin d'éviter les risques socio-économiques si la hausse des prix persiste.

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Or, une telle stratégie risque d'entraîner un nouveau ralentissement de l'activité économique mondiale, souligne la Banque mondiale, avec une croissance de seulement 0,5% en 2023, ce qui correspondrait à une contraction de 0,4% du PIB par habitant.

« Il y a six mois, nos craintes concernaient un ralentissement de la reprise et une hausse temporaire des prix. Désormais nous craignons une stagflation généralisée qui réveillerait de bien mauvais souvenirs », a ajouté Indermit Gill. En effet, depuis le déclenchement du conflit ukrainien, 16 pays ont fait des demandes d'aide au financement, ce qui souligne également les effets du ralentissement économique sur les finances publiques déjà fragilisées par la crise sanitaire.

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« La croissance mondiale ralentit fortement et va encore ralentir à mesure que plus de pays entreront en récession. Mon inquiétude est de voir cette tendance persister avec des conséquences de long terme dévastatrices pour les pays émergents et en développement », a rétorqué le président de la Banque mondiale, David Malpass, cité dans un communiqué.

Efforts à poursuivre

Pour éviter un tel scénario, le président de la Banque mondiale appelle à une action concertée entre politique monétaire et budgétaire, mais aussi de renforcer les chaînes de logistique. Enfin, il appelle les États à mener une politique de l'offre, en renforçant les investissements et améliorant la productivité. « Cela ne passe pas nécessairement par des incitations ou des dépenses supplémentaires », a souligné le chef économiste de l'organisation. « De simples changements de règles, comme une meilleure intégration des femmes au marché du travail, peut améliorer la productivité.»

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Certains États ne disposent cependant pas nécessairement des marges financières nécessaires. Selon le FMI, près du quart des pays émergents et plus de 60% des pays à faible revenus font déjà face à des difficultés de refinancement de leur dette publique.

(Avec AFP)