Les moteurs de l'économie mondiale continuent de tousser. Après un rebond spectaculaire en 2021, la croissance du produit intérieur brut (PIB) planétaire devrait ralentir plus que prévue. Dans la dernière mise à jour de ses perspectives mondiales dévoilées ce mardi 26 juillet, le FMI a révisé à la baisse ses chiffres de croissance du PIB mondial pour 2022 à 3,2% contre 3,6% en avril dernier (-0,4 point). Pour 2023, l'activité devrait accélérer à 2,9% contre 3,6% auparavant (-0,7 point).
« Il se peut que nous soyons à la veille d'une récession mondiale deux ans seulement après la dernière », a averti l'économiste en chef de l'institution Pierre-Olivier Gourinchas lors d'un point presse. « Les principales économies au monde connaissent un fort ralentissement », a ajouté l'économiste français.
Après les deux longues années de pandémie, l'économie mondiale doit faire face à une inflation galopante. L'indice des prix à la consommation pourrait culminer à 8,3% en 2022 avant de redescendre à 5,7%. Le durcissement des politiques monétaires dans une grande partie des pays développés pourrait contribuer à freiner la flambée des prix sur l'énergie et l'alimentaire, mais le risque d'une montée du chômage s'accélère.
Aux Etats-Unis, la hausse des taux freine la croissance
Les mauvais signaux s'assombrissent aux Etats-Unis. Après un redémarrage sur les chapeaux de roue en 2021, l'économie américaine se prépare à un atterrissage plus difficile que prévu. La croissance de l'activité pourrait ainsi passer de 5,7% en 2021 à 2,3% en 2022 et à 1% en 2023. Pour 2022 (-1,4%) et 2023 (-1,3%), il s'agit de la plus grande révision à la baisse du Fonds par rapport aux projections du printemps dernier.
En durcissant drastiquement sa politique monétaire, la Réserve fédérale (FED) a donné un sérieux coup de frein à l'économie outre-Atlantique. Même si le président Joe Biden et la secrétaire au Trésor Janet Yellen ont écarté le risque d'une récession en 2022, de plus en plus d'économistes tablent sur un recul du PIB en 2023. En juin dernier, l'inflation a accéléré de 8,6% à 9,1% en glissement annuel, poussée encore une fois par les prix de l'énergie.
Alors que la Fed pourrait annoncer une nouvelle hausse de taux de 75 points de base ce mercredi 27 juillet, certains économistes s'interrogent sur la nécessité de resserrer encore la politique monétaire, au moment où les prix du carburant s'essoufflent. « En 2021, la Fed a donné trop de poids à son objectif de plein-emploi, pas assez à son objectif de stabilité des prix. On peut se demander si elle ne commet pas aujourd'hui une erreur symétrique. D'ici peu, l'inflation pourrait amorcer son repli, juste quand le chômage se redressera », a expliqué l'économiste en chef d'ODDO-BHF, Bruno Cavalier dans une récente note.
En Chine, la croissance économique s'enraye
Après avoir été l'épicentre de la pandémie, la croissance chinoise peine à retrouver son rythme d'avant crise. Le FMI table sur une hausse du PIB de 3,3% en 2022 (-1,1% par rapport à avril) et 4,6% en 2023 (-0,5% par rapport à avril). Le premier semestre 2022 a été marqué par de nombreuses mesures de restrictions anti-Covid en Chine qui ont fortement perturbé l'activité notamment manufacturière du pays, et par ricochet, l'activité mondiale. Une nouvelle flambée épidémique, accompagnée de la politique zéro-Covid du gouvernement chinois, pourrait provoquer un enlisement du ralentissement économique en Chine, entraînant « d'importantes répercussions à l'échelle mondiale », selon le FMI qui évoque aussi un risque lié à la crise du secteur immobilier chinois.
Du côté de la Russie, la guerre a précipité l'économie vers une récession brutale estimée à - 6% cette année. Mais cette chute serait moins lourde que prévu selon le FMI qui tablait sur un recul de 8,5% en avril. Il semble que les conséquences des sanctions occidentales qui visent à étrangler le régime de Vladimir Poutine soient moins importantes que prévu pour 2022. En revanche, leurs effets devraient se faire sentir plus que prévu en 2023, année pour laquelle le FMI anticipe une récession de l'économie russe de 3,5%, soit 1,2 point de moins que ses prévisions précédentes.
L'Europe en première ligne face à la guerre en Ukraine
L'onde de choc de la guerre en Ukraine continue de se propager sur l'ensemble du continent européen. Cinq mois jour pour jour après l'invasion de la Russie sur le territoire ukrainien, les tensions sont loin d'être retombées entre les dirigeants européens et le régime de Moscou.
La menace d'une coupure de gaz russe sur le Vieux continent plongerait l'économie dans de vastes difficultés. Dans ce contexte, les économistes du FMI ont révisé à la baisse leurs projections pour la zone euro par rapport au mois d'avril. Après avoir bondi à 5,4% en 2021, la croissance du PIB pourrait augmenter de 2,6% cette année contre 2,8% au printemps. Surtout, l'institution basée à Washington a revu fortement ses chiffres pour 2023 à seulement 1,2% contre 2,3% en avril (-1,1%).
Des pénuries d'énergie sur le continent européen l'hiver prochain précipiteraient l'économie en eaux troubles. En effet, même si les Etats ont prévu des plans de réduction de consommation d'énergie dans de nombreux secteurs, beaucoup de pays sont encore largement dépendants du gaz russe. Ce qui pourrait provoquer des conséquences en cascade compte tenu du niveau d'interdépendance des pays.
L'Allemagne dans le rouge
Parmi les grandes puissances de la zone euro, la révision la plus spectaculaire concerne l'Allemagne. La croissance du PIB pourrait ainsi passer de 2,9% en 2021 à 1,2% en 2022 et 0,8% en 2023. Dans le contexte du conflit en Ukraine, le FMI a brutalement révisé ses chiffres pour 2022 (-0,9%) et 2023 (-1,9%). L'industrie allemande, fortement dépendante du gaz russe, traverse une violente zone de turbulences depuis le printemps. A cela s'ajoutent les difficultés d'approvisionnement en provenance de Chine et d'Asie. Compte tenu du poids de l'industrie dans l'économie outre-Rhin, l'activité globale est fortement pénalisée.
En France, la croissance pourrait bien retomber à 2,3% en 2022 contre 2,9% prévu au printemps. Après un fort rebond à 6,8% en 2021, les moteurs de l'activité s'essoufflent dans l'Hexagone. La consommation des ménages a reculé au premier trimestre, plombée par les effets de l'inflation. Même si le gouvernement a prévu des mesures pour limiter l'impact de la flambée des prix sur le pouvoir d'achat des ménages, les plus modestes ont déjà enregistré un recul de leur niveau de vie compte tenu de la sous-indexation des salaires située juste au-dessus du SMIC. Du côté des entreprises, certains secteurs redoutent des tensions sur leur trésorerie à partir de la rentrée, en particulier dans le commerce et l'industrie.
Dans le sud de l'Europe, l'économie italienne marque le pas plus que prévu. Après une croissance à 6,6% en 2021, l'activité devrait freiner à 3% en 2022 et 0,7% en 2023. La récente démission du président du Conseil, Mario Draghi, après plusieurs revers au Parlement risque de déstabiliser la situation politique à Rome, alors que de nouvelles élections sont prévues à l'automne.
Le récent durcissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) a ravivé le souvenir de la crise des dettes souveraines en 2012, en zone euro, où l'Italie avait particulièrement souffert. Quant à l'Espagne, la croissance devrait également s'essouffler en passant de 5,1% en 2021 à 4% en 2022 et 2% en 2023. La fin de l'année s'annonce particulièrement difficile sur le Vieux continent.