Le scénario noir d'une récession sur l'économie française est provisoirement écarté. À la veille d'un week-end de grands départs en vacances pour des millions de Français, l'Insee a dévoilé des chiffres bien meilleurs qu'attendu pour le second trimestre 2022. Après un début d'année médiocre (-0,2%), la croissance du produit intérieur brut (PIB) a rebondi à 0,5% en glissement trimestriel entre avril et juin. « Ce rebond de la croissance du PIB au second trimestre s'explique par une moindre baisse que prévu de la consommation et un rebond du commerce extérieur plus important qu'espéré », a expliqué à La Tribune l'économiste Stéphane Colliac, en charge du suivi de la France chez BNP-Paribas. « Il y a également la levée des mesures du Covid qui explique de bons chiffres dans le tourisme, par exemple. La consommation en hébergement et restauration augmentent de 8,9% au T2 par rapport au T1. En revanche, la consommation de biens est en repli. Pour l'alimentation, il peut y avoir un effet de substitution. Quand les gens retournent au restaurant, ils achètent moins en grande surface », a-t-il ajouté.
Cinq mois après l'invasion de la Russie en Ukraine, l'économie française a relativement bien résisté à la dégradation de la conjoncture européenne. Mais l'activité pourrait bien marquer le pas, compte tenu des incertitudes géopolitiques sur le Vieux Continent. En effet, l'enlisement du conflit en Ukraine pourrait bien faire des dégâts sur l'économie européenne déjà fragilisée par les multiples vagues de confinement.
Il y a quelques jours, le Fonds monétaire international (FMI) a révisé à la baisse ses prévisions économiques de 2022 pour l'Europe, passant de 2,8% au printemps à 2,6% actuellement. « L'économie mondiale fait face à des perspectives de plus en plus sombres et incertaines [...] Les trois grandes zones économiques - États-Unis, Chine et zone euro - sont au point mort », a indiqué Pierre-Olivier Gourinchas, l'économiste en chef de l'institution, lors d'un point presse.
Le commerce extérieur a tiré la croissance
À la grande surprise de nombreux économistes, le commerce extérieur tricolore a tiré l'activité hexagonale vers le haut au cours du second trimestre. « Le commerce extérieur contribue positivement à la croissance du PIB. Pour les exportations, la bonne nouvelle provient des services, dont les transports. Cela est lié au tourisme et à la reprise des voyages d'affaires. En revanche, il y a un repli des exportations de biens, » a résumé Stéphane Colliac. Le retour des touristes, notamment américains, dans l'Hexagone après de longs confinements a finalement dopé l'activité entre avril et juin.
Sur le front des exportations, l'économie française accuse toujours un déficit commercial important. Ce déficit, en partie lié à la désindustrialisation aggravée de la France, s'explique par la crise énergétique. En effet, la montée des prix de l'énergie a grandement contribué à alourdir la facture des importations. Résultat, le solde des exportations et des importations pourrait à nouveau plonger sur l'ensemble de l'année 2022 après avoir plongé dans les abysses en 2021.
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L'inflation menace toujours
L'indice des prix à la consommation continue d'accélérer en France pour s'établir à 6,1% en juillet après 5,8% en juin, selon une estimation provisoire dévoilée par l'Insee ce vendredi 29 juillet. Cette accélération provient principalement des services alors que les prix de l'énergie ont commencé à s'infléchir en juillet. « On s'attendait à ce chiffre. Ce qui s'est passé au premier trimestre devait continuer de se répercuter au second trimestre. La hausse des prix du pétrole a continué de se transmettre sur les prix de l'alimentaire en juillet. Il y a toujours une forte accélération sur les prix de l'alimentaire. Nous pensons que nous sommes au pic d'inflation. La première raison est liée aux prix de l'énergie. Le baril a atteint 120 dollars au mois de juin. Les prix ont légèrement reflué," a affirmé Stéphane Colliac.
Après l'éclatement de la guerre en Ukraine, l'inflation avait nettement bondi, propulsée par l'explosion des prix de l'énergie, des matières premières et des matériaux. En outre, la politique zéro-Covid menée en Chine avait également contribué à alimenter cette inflation. Le scénario chaotique d'une coupure de gaz russe en Europe pourrait une nouvelle fois assombrir les perspectives sur le niveau des prix. En effet, même si le gouvernement français, dans le paquet pouvoir d'achat actuellement en discussion au Sénat, a prévu différentes mesures pour tenter d'amortir tous ces chocs sur le porte-monnaie des ménages à partir du mois de septembre, la fin d'année pourrait virer au cauchemar si l'activité en Europe, et surtout en Allemagne, continue de s'assombrir. Compte tenu du niveau d'interdépendance entre la France et l'Allemagne, une nouvelle crise énergétique pourrait porter un grand coup de massue à l'économie européenne.
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Les salaires en chute libre, la consommation fait du surplace
Après un premier trimestre décevant, la consommation s'est à nouveau repliée de -0,2%. Cette contraction témoigne des difficultés pour certains ménages de faire face à la hausse des prix. Les achats de biens ont par exemple reculé au cours du second trimestre alors que la consommation de services a enregistré une hausse. Cette consommation a notamment été soutenue par la demande des touristes étrangers.
En revanche, la consommation des Français s'es encore repliée. Il faut dire que de nombreux ménages ont connu une baisse de leurs revenus et de leur niveau de vie compte tenu du niveau de l'inflation. D'après de récents chiffres de la direction statistique du ministère du Travail (Dares), le salaire réel, c'est-à-dire corrigé de l'inflation, a enregistré une chute spectaculaire pour de nombreuses catégories professionnelles.
Un marché du travail résilient, pour l'instant
Sur le front de l'emploi, le marché du travail résiste relativement bien. Selon les derniers chiffres de la direction statistique du marché du travail publiés cette semaine, le nombre de chômeurs de catégorie A a enregistré un recul de 0,8% en France (hors Mayotte) au deuxième trimestre, soit 26.900 inscrits en moins, à 3,165 millions, soit une baisse sur un an de 15,1%. « Il y a une relative résilience du marché du travail. La mobilité sur le marché du travail s'est améliorée. Cela donne une dynamique. Les créations d'emplois sont parfois un héritage de la conjoncture précédente. Les recrutements mettent parfois du temps. Il devrait y avoir une stabilisation des créations d'emplois », anticipe Stéphane Colliac. Surtout, l'objectif de plein emploi annoncé par le chef de l'État, Emmanuel Macron pourrait bien s'avérer compliqué à remplir si la conjoncture se dégrade à nouveau.
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