
La croissance du produit intérieur brut (PIB) est repartie au second trimestre à 0,5% a confirmé l'Insee ce mercredi 31 août, après avoir flanché, au premier trimestre, à - 0,2%. Ce signal positif est une bouffée d'air pour le gouvernement.
Avant même la publication de cette statistique par l'Insee, lors de la Rencontre des entrepreneurs (REF) organisée à l'hippodrome de Longchamp mardi 30 août, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a d'ailleurs tenu un discours particulièrement optimiste : « Nous sommes encore en été. Je regarde les chiffres et j'écoute les chefs d'entreprise. Je vois une croissance qui résiste, je vois des entreprises qui investissent, je vois le taux d'emploi qui est le plus haut depuis un demi-siècle. L'économie française résiste », a-t-il martelé devant un parterre de patrons et ministres. Des mots qui contrastaient quelque peu avec ceux de la Première ministre Elisabeth Borne prononcés la veille.
Le locataire de Bercy voit l'avenir avec optimisme. Il a même affirmé que « notre espoir est de faire 2,5% de croissance en 2022. La seule recette est de tenir bon sur la politique économique tenue depuis 2017 : c'est la politique de l'offre. Elle donne des résultats sur l'emploi, l'investissement ou encore l'attractivité ». Pour rappel, les 2,5% de croissance du PIB correspondent à l'acquis de croissance pour 2022. Il résulte en grande partie du rebond post-pandémie. Après le plongeon spectaculaire à 7,9% en 2020, la croissance avait grimpé à 4% en 2021.
Mais cet optimisme pourrait rapidement s'effacer. En effet, les mauvais signaux s'accumulent depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine il y a six mois. Le scénario noir d'une coupure totale du gaz russe en Europe pourrait faire vaciller l'économie du Vieux continent alors que l'hiver approche à grand pas.
Un rebond au second trimestre tiré par la consommation
Néanmoins, l'économie française a résisté au second trimestre, après un début d'année décevant grâce à un regain de la consommation des ménages au printemps (+0,3% contre -1,2% au premier trimestre). La levée des mesures de restriction sanitaires au printemps a en effet dopé le tourisme et la consommation dans la restauration et l'hébergement. Cet été, sept Français sur dix sont d'ailleurs partis en vacances. « Ce rebond de la croissance du PIB au second trimestre s'explique par une moindre baisse que prévu de la consommation et un rebond du commerce extérieur plus important que prévu », avait déclaré il y a quelques semaines l'économiste de BNP-Paribas, Stéphane Colliac lors de la première estimation de l'Insee pour le second trimestre.
Ce chiffre de 0,5% montre « une assez bonne résilience de l'économie française », souligne Christopher Dembik, directeur de la recherche macroéconomique chez SaxoBank interrogé par La Tribune.
« La France a mis des montants importants sur la table pour soutenir les entreprises et les ménages au regard des autres pays européens. Mais ce "quoi qu'il en coûte" énergétique n'a pas vocation à durer », poursuit-il.
Pour consommer, les Français qui ont eu la capacité d'épargner ces derniers mois ont puisé dans leurs économies. Le taux d'épargne a diminué fortement passant de 16,7% à 15,5% en seulement un trimestre. Après avoir atteint un sommet, l'épargne accumulée pendant la période Covid a commencé à fondre à grande vitesse. Du côté de l'investissement, il s'est maintenu en territoire positif à 0,2% contre 0,4% au trimestre précédent. Il a globalement bien progressé dans les entreprises (+0,5%) mais a reculé chez les ménages (-0,1%) et les administrations publiques (-0,2%).
Le pouvoir d'achat encore en repli au second trimestre
Sans surprise, le pouvoir d'achat par unité de consommation a reculé de -1,2% au second trimestre après une première chute de -1,8% sur les trois premiers mois de l'année. L'inflation a grignoté le revenu des ménages touchés de plein fouet par la hausse des prix dans l'énergie et l'alimentaire.
Même si les différentes mesures prises par le gouvernement ont permis d'amortir une partie de ce choc, beaucoup de Français dépendant de la voiture ou des énergies fossiles subissent en premier lieu cette montée de fièvre des prix.
L'inflation marque le pas légèrement en août mais elle devrait se prolonger
Au mois d'août, l'indice général des prix à la consommation a ralenti à 5,8% en glissement annuel contre 6,1% au mois de juillet selon une première estimation. Dans le détail, ce coup de frein serait lié à un ralentissement dans les prix de l'énergie. A l'opposé, les prix dans l'alimentation et les produits manufacturés seraient en hausse. « En août 2022, le glissement annuel des prix à la consommation en France reste élevé mais baisse légèrement (+5,8% sur un an, après +6,1%), à la faveur notamment du reflux des cours du pétrole et du maintien des "boucliers" tarifaires », a déclaré le chef de la conjoncture à l'Insee Julien Pouget sur Twitter.
Sur la question du pic d'inflation, il est encore difficile de trancher à ce stade. D'après le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, nous sommes au pic de l'inflation » a-t-il déclaré dans un récent entretien au quotidien Sud Ouest.
Chez les économistes interrogés par La Tribune récemment, les choses sont moins claires. Tout va dépendre de l'ampleur de la crise énergétique. « La volatilité des prix de l'énergie rend difficile de savoir si l'inflation globale a déjà atteint son pic, mais il est certain que l'inflation restera élevée dans les mois à venir », a expliqué l'économiste d'ING Charlotte de Montpellier dans une note.
« Le pic d'inflation n'est sûrement pas atteint. Les prix de l'énergie actuellement en France sont liés à des problèmes structurels dans le nucléaire. Ils ne vont pas disparaître du jour au lendemain », estime de son côté Christopher Dembik.
En outre, l'indice des prix en zone euro a pulvérisé un nouveau record au mois d'août à 9,1% (indice des prix à la consommation harmonisé) selon les derniers chiffres d'Eurostat.
Vers une récession ?
Après ce redécollage au printemps, l'économie française va-t-elle tomber en récession ? Pour l'instant, les services de Bercy n'ont pas révisé à la baisse leurs prévisions de croissance du PIB fixée à 2,5% lors du dernier budget rectificatif 2022 voté en plein cœur de l'été. Mais le budget 2023 prochainement débattu au Parlement pourrait donner lieu à de nouvelles projections.
En effet, la plupart des économistes ont dégradé leurs scénarios pour 2022 et 2023. « L'économie française n'est pas en récession, ou du moins pas encore, mais six mois de guerre en Ukraine ont conduit le consensus à abaisser ses perspectives de croissance du PIB de 2.8 points en cumul sur 2022 et 2023 », a expliqué l'économiste en chef d'ODDO Bruno Cavalier. De son côté, l'économiste d'ING table sur une contraction de l'économie de 0,2% l'année prochaine. Pour sa part, Christopher Dembik n'envisage pas de récession dans ses prévisions. « Si elle a lieu, ce sera une récession technique mais on a pour l'instant peu de visibilité sur la crise énergétique et les aides apportées dans les mois à venir.»
Les derniers indices PMI de la France, qui constituent des indicateurs avancés très scrutés dans les milieux économiques et financiers, indiquent que la France est entrée en zone de contraction au mois d'août. En zone euro, le resserrement de la politique monétaire risque de provoquer un coup de frein sur l'activité alors que la demande dégringole.
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