"La guerre est moins probable avec Trump qu’avec Clinton"

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  712  mots
"Il y a beaucoup de raisons de ne pas voter Hillary Clinton", estime la journaliste américaine Diana Johnstone.
Interview - Après avoir échoué à la primaire démocrate en 2008, Hillary Clinton est à nouveau battue dans la course à la présidentielle. Journaliste indépendante et américaine, Diana Johnstone, auteure de "Hillary Clinton. La reine du chaos", explique les raisons de ce rejet.

La défaite d'Hillary Clinton a surpris tout le monde. À commencer par la presse et les sondeurs, qui la donnaient gagnante à coup sûr. Une fois encore, l'ex-First Lady ne parvient pas à conquérir la Maison-Blanche. La première fois, le camp démocrate avait préféré Barack Obama. Le palier de la primaire franchi, c'est sur la dernière marche qu'elle échoue cette fois-ci.

Diana Johnstone, journaliste américaine indépendante, est l'auteure de "Hillary Clinton. La reine du chaos"(*). Dans cet ouvrage, elle analyse les ambitions de l'ex-secrétaire d'Etat et la face cachée de son action publique, du coup d'Etat au Honduras à la guerre en Libye. Aujourd'hui, elle nous aide à décrypter cet énième revers électoral de la candidate démocrate.

La Tribune - pourquoi une majorité d'électeurs a-t-elle rejeté la candidature d'Hillary Clinton ?

Diana Johnstone - La tendance est de dire que la seule motivation des Américains pour voter Donald Trump ne peut être que le racisme. Ce n'est pas le cas, il y a beaucoup de raisons de ne pas voter Hillary Clinton. Je pense à son habitude de mentir et les accusations de corruption autour de sa fondation. Concernant l'affaire des e-mails, le vrai scandale n'est pas encore révélé. Quelle était l'utilisation de ces e-mails ? Dans quel but ? Ces éléments ne sont pas encore publics (les autorités ne se sont prononcées que sur le fait qu'elle n'a pas utilisé la messagerie officielle de l'administration, NDLR).

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Les Américains ne l'aiment pas. La réussite inattendue de Bernie Sanders, qui aurait pu gagner la primaire démocrate, prouvait déjà que la population ne la voulait pas. Au final, le système a eu sa candidate, mais les électeurs l'ont rejetée.

Les Américaines aussi l'ont rejetée, malgré les propos de Donald Trump et alors qu'elle aurait pu devenir la première présidente des Etats-Unis... (53% des femmes blanches ont voté pour Trump, 43% pour Clinton, ndlr)

Hillary Clinton a voulu extrapoler le fait d'être une femme. Ce n'est pas nécessairement parce qu'on est une femme qu'on fait avancer leur cause. Elle a joué cette carte parce que c'était le seul argument d'apparence progressiste qu'elle pouvait invoquer.

Ce rejet est aussi une question de classe. Hillary Clinton est féministe pour les femmes de carrière, mais elle ne fait rien pour les femmes ordinaires. Son idée pour faire avancer la condition féminine, comme celle des minorités en général, est simple : leur donner des postes haut placés. Ceci ne fait que favoriser la réussite individuelle, mais ne change rien pour ces groupes en tant que tel. Mettre une femme à la tête du Pentagone ne résout pas le problème des inégalités salariales. C'est une politique pour enrichir l'élite.

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Certains craignent que Donald Trump déclenche un conflit mondial. Si l'on reprend votre livre, où vous qualifiez Hillary Clinton de "reine du chaos", la candidate démocrate aurait-elle été plus dangereuse ?

Quand j'ai écrit ce livre, la campagne présidentielle n'avait pas commencé. Donald Trump n'est pas un républicain ordinaire, c'est un indépendant qui a fait une "OPA" sur le parti. Ses propos indiquent qu'il ne veut pas faire la guerre avec la Russie. On va voir comment la situation évolue lorsqu'il sera aux commandes. Mais d'après les déclarations des deux candidats, la guerre est moins probable avec Trump qu'avec Clinton.

Une fois à Washington, on verra ce qu'il adviendra. Donald Trump est un outsider, il va se retrouver entouré de gens qui vont essayer de lui faire faire ce qu'aurait fait Hillary Clinton. Je ne sais pas s'il est assez malin pour se défendre dans ces circonstances, c'est très difficile à prédire. Pour le moment, il reste moins belliqueux que la candidate démocrate.

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(*) Diana Johnstone, "Hillary Clinton. La Reine du Chaos", paru aux Editions Delga, septembre 2015.

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