Le financement du développement bute toujours sur l’évasion fiscale

Chaque année, l’évasion fiscale fait perdre davantage aux pays en développement que la totalité de l’aide qu’ils touchent. Un article de notre partenaire Euractiv.
Si l'évasion fiscale est un problème mondial, la lutte s'est jusqu'à aujourd'hui organisée majoritairement du côté des pays développés, au sein de l'OCDE ou de l'Union européenne.

[Article publié le 6 septembre à 14h51, mis à jour le 7 septembre à 18h01]

Les pays en développement sont les plus touchés par le phénomène de l'évasion fiscale, qui dépouille chaque année les États de milliards d'euros de recettes publiques.

« On estime que l'Afrique perd chaque année 90 milliards de dollars à cause des flux financiers illicites, dont fait partie l'évasion fiscale », a expliqué Friederike Röder, directrice d'ONE France, lors d'une table ronde consacrée à l'évasion fiscale et au financement du développement. L'Afrique reçoit 27 milliards de dollars d'aide au développement par an, selon l'OCDE.

Organisée à l'occasion du Forum « Convergence », qui rassemble chaque année à Paris les différents acteurs du développement, le débat a permis de détailler les dernières avancées en matière de transparence fiscale et de financement du développement.

« Chaque année les pays en développement accusent un manque à gagner d'environ 1 % de leur PIB à cause de l'évasion fiscale », a rappelé Anne-Marie Geourjon de la Fondation pour les Études et Recherches sur le Développement International (Ferdi).

Au total, l'aide au développement représente 130 milliards de dollars par an dans le monde. Si le seul continent africain perd 90 milliards de dollars en évasion fiscale, le montant total perdu dépasse largement les fonds transférés vers les pays du Sud.

La majorité des grands pays donateurs, comme les États-Unis, la France ou le Japon se situent aujourd'hui bien en dessous de leur engagement de consacrer 0,7 % de leur RNB à l'aide au développement. En moyenne, les pays membres du comité pour l'aide au développement de l'OCDE, qui représentent les principaux donateurs, ne dépensent en moyenne que 0,32 % de leur revenu national brut.

Recettes nationales

La perte de revenus dans les pays en développement liés à l'évasion fiscale, et plus largement aux flux financiers illicites, entrave le développement de ces derniers. Une situation qui touche encore plus durement les pays les moins avancés (PMA), qui ne disposent pas d'une cadre juridique et fiscal adapté ni de ressources suffisantes pour lutter efficacement contre ces pratiques.

Par ailleurs, la concurrence fiscale demeure pour un certain nombre de pays une arme permettant d'attirer les investisseurs étrangers. « Dans un certain nombre de pays d'Afrique, il y a beaucoup d'incitations fiscales qui sont décidées pour attirer les entreprises étrangères, sans que soient réalisées de véritables études d'impact », souligne Julien Jarrige, du centre d'administration fiscale de l'OCDE.

Dans la pratique, ces exonérations, mais aussi la faible capacité à collecter l'impôt de certains pays en développement entame fortement le montant des ressources propres que ces pays peuvent consacrer à leur propre développement. « Dans les pays en développement ; les recettes fiscales représentent environ 20 % du PIB en recette, ce qui est très inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE », explique Anne-Marie Geourjon.

Avancées timides

Si l'évasion fiscale est un problème mondial, la lutte s'est jusqu'à aujourd'hui organisée majoritairement du côté des pays développés, au sein de l'OCDE ou de l'Union européenne.

Pour réduire les pratiques fiscales agressives, plusieurs pistes sont à l'étude : le reporting public pays par pays, qui consiste à obliger les grandes entreprises à dévoiler le détail de leurs activités dans chaque pays où elles déclarent des recettes. Une manière de s'assurer que les profits sont bien déclarés et taxés dans le pays où l'activité a réellement lieu, et ne sont pas détournés vers une juridiction fiscale moins-disante.

Autre piste : la déclaration des bénéficiaires effectifs des trusts. « Beaucoup de ces sociétés sont utilisées comme des coquilles vides. Et aujourd'hui encore, beaucoup de pays ne demandent pas à avoir l'information de la personne physique derrière ces sociétés », explique Friederike Röder.

Pour autant, ces différentes solutions sont aujourd'hui développées au niveau européen et de l'OCDE, ce qui rend la participation effective des pays les plus pauvres difficiles. « Les pays les moins avancés ont du mal à profiter des avancées mises en place par l'OCDE, échange automatique des données, déjà pour la France c'est un challenge. Comment faire que ces pays bénéficient de ces avancées en matière de lutte contre l'optimisation fiscale ? », poursuit la directrice de ONE France.

« Certains pays en développement ne sont pas encore en mesure de participer à l'échange d'informations fiscales, mais nous investissons beaucoup sur la formation et l'assistance technique afin qu'ils puissent y parvenir » reconnait Julien Jarrige. « Mais aujourd'hui, nous n'attendons pas que les pays en développement envoient beaucoup d'informations fiscales, mais avant tout qu'ils en bénéficient », explique-t-il.

___

Par Cécile Barbière, Euractiv.fr.

(article publié le 6 septembre)

___

>> Retrouvez toutes les actualités et débats qui animent l'Union Européenne sur Euractiv.fr

EURACTIV 2017 new logo

Commentaires 4
à écrit le 07/09/2017 à 7:06
Signaler
"Evasion fiscale illicite" ? si les pays ont signé des accords dans le cadre d'optimisation fiscale en quoi ce serait illicite ? Juridiquement ça ne l'est pas. C'est au niveau moral que ce serait illicite.

à écrit le 06/09/2017 à 17:57
Signaler
ouf! j'ai cru un instant que vous alliez y parler de la corruption generalisee et des mouvements de fonds effectues ' par les personnes qui s'autoautorisent' ( comme on disait du temps beni et pas liberal de l'urss) dieu merci, vous ne parlez que d...

à écrit le 06/09/2017 à 17:46
Signaler
Logique vu que ce sont les plus pauvres, dans le reste du monde ce sont les plus pauvres qui sont directement touchés par l'évasion fiscale mais plus récemment on voit que les petits et les moyens commencent aussi à l'être sérieusement étant donné qu...

à écrit le 06/09/2017 à 15:58
Signaler
Il y aurait certainement moins d'évasion fiscale s'il y avait moins d'impôt et u ne meilleure gestion gouvernementale; je m'attends à ce que le prochain budget voté par notre parlement soit de 70 milliards €

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.