Cela n'aura pas traîné. La reprise de l'activité liée à la vaccination contre le Covid-19, et le dynamisme de la consommation suscité par les milliards de dollars distribués aux ménages depuis le début de l'année, ont porté leurs fruits. Au deuxième trimestre, c'est-à dire entre avril et fin juin, l'économie américaine a retrouvé son niveau d'avant-crise. Avec une hausse de 6,5% en rythme annualisé, certes moins que les 8,5% prévus par les analystes, le produit intérieur brut (PIB) est en effet plus élevé qu'il ne l'était au quatrième trimestre 2019, le dernier à ne pas avoir été touché par la crise du Covid. De justesse, puisque le montant total des biens et services vendus aux États-Unis a dépassé celui d'avant la pandémie de 0,8%, selon la première estimation du département du Commerce publiée jeudi.
"L'Amérique est de nouveau en marche, et les nouveaux chiffres du PIB ramènent notre économie aux niveaux d'avant la pandémie", a réagi, sur Twitter, le président américain Joe Biden.
Comparée à d'autres pays, les Etats-Unis sont loin devant. Publiée ce vendredi, la croissance française au deuxième trimestre est attendue entre 0,7 et 1%. En Chine, elle n'a progressé que de 1,3%. Par rapport au deuxième trimestre 2020, marquée un recul historique de 31,2% à cause de la pandémie, la croissance est de 12,2%.
"Il y a des raisons de penser que la croissance va nettement ralentir", tempère cependant l'économiste Joel Naroff.
En effet, souligne-t-il, "nous avons connu quatre trimestres consécutifs de croissance économique forte à spectaculaire. Mais cela était dû à la réouverture de l'économie et aux aides massives du gouvernement".
6,7% de croissance estimée en 2021, 5% en 2022
Pour assurer la croissance du pays sur plusieurs années. Joe Biden compte en effet sur un programme pharaonique de dépenses sociales et environnementales, de 3.500 milliards de dollars. Pour cette année, la croissance des États-Unis devrait être de 6,7% et de 5% en 2022, selon les services du budget du Congrès (CBO). Le Fonds monétaire international (FMI) et la Fed tablent sur +7% en 2021.
Pour autant, le variant Delta notamment, qui a fait repartir les cas de Covid-19 dans de nombreuses régions du monde, menace désormais cette belle reprise économique.
La forte inflation sera-t-elle temporaire ou durable?
Autre menace, en raison de la forte demande et des difficultés mondiales d'approvisionnement, l'inflation continue d'augmenter fortement. Au deuxième trimestre, elle a encore grimpé de 6,4% par rapport au premier trimestre, selon l'indice PCE. Sur un an, la hausse des prix s'élève à 3,8%. Selon la banque centrale américaine (Fed) et le FMI, l'inflation devrait ralentir en 2022, mais des risques existent qu'elle soit non seulement plus forte qu'annoncé mais aussi moins "temporaire" que prévu.
"Alors que la réouverture se poursuit, d'autres contraintes pourraient continuer à limiter la rapidité avec laquelle l'offre peut s'ajuster", augmentant "la possibilité que l'inflation s'avère plus élevée et plus persistante que ce que nous attendons", a déclaré jeudi Jerome Powell, le président de la Fed.
Quoi qu'il en soit, nous utiliserons nos outils de façon appropriée, pour nous assurer que l'inflation tourne autour de 2%", l'objectif de la Fed, a-t-il assuré. Ce dernier Fed anticipe 3,4% d'inflation cette année, puis une stabilisation à 2,1% en 2022 et 2,2% en 2023, selon les prévisions publiées en juin, et qui seront actualisées en septembre. Le Fonds monétaire international (FMI) table, lui, pour les Etats-Unis, sur 4% d'inflation en 2021, puis 2,5% d'ici la fin de l'année prochaine.
Maintien des taux directeurs
Mais il en faudra plus à la Fed que cette flambée des prix pour qu'elle resserre sa politique monétaire, bien que "l'économie (ait) fait des progrès" vers les objectifs de plein emploi et de stabilité des prix. Mais avant d'agir, l'institution répète qu'elle veut que l'économie soit tirée d'affaire avant d'agir, craignant que cela ne freine la reprise économique et le redressement du marché de l'emploi. La Fed a donc, sans surprise, maintenu ses taux directeurs dans une fourchette de 0 à 0,25%, et conservé le niveau actuel de 120 milliards de dollars par mois d'achats d'actifs.
Joe Biden assure par ailleurs que ses programmes d'investissement feront ralentir l'inflation, réfutant les critiques de l'opposition qui craignent que cela ne contribue au contraire à la flambée des prix.
Ce mercredi, après de longues tractations politiques, un grand plan de rénovation et de développement des infrastructures cher au président américain a été mis sur les rails, avec pour ambition d'assurer à l'Amérique des décennies de prospérité.
Plan de relance pharaonique
Mercredi soir, ce plan a franchi une étape au Sénat lors d'un vote préliminaire, 17 républicains s'étant joints aux 50 démocrates. Cela signifie que les élus pourront commencer à débattre, mais le texte est encore loin d'être définitivement adopté. Ce grand plan prévoit 550 milliards de dollars d'argent fédéral frais et atteint les 1.200 milliards de dollars - l'équivalent du Produit intérieur brut 2020 de l'Espagne - si l'on prend en compte la réorientation d'autres financements publics existants. Ce montant pharaonique doit "créer des emplois bien rémunérés et syndiqués, répondre à la crise climatique, rendre l'économie (américaine) plus durable et plus juste pour les décennies à venir", selon un communiqué de la Maison Blanche. L'administration annonce des investissements "historiques" dans les transports en commun, les routes, les ponts, l'eau potable, l'internet à haut débit...
Le tout financé par la réorientation de certains financements d'urgence, par des contributions ciblées des entreprises, par une taxation plus efficace des cryptomonnaies et par d'"autres mesures" soutenues par les deux partis. En plus des revenus fiscaux que doit générer le surcroît d'activité économique que Washington promet.
"Cet accord montre au monde que notre démocratie fonctionne, produit des résultats et fait de grandes choses", a déclaré Joe Biden dans un communiqué, faisant l'article d'un programme qui peut "transformer l'Amérique et nous propulser dans l'avenir".
Le président, qui voudrait dans un second temps faire passer un gigantesque programme de 3.500 milliards de dollars de dépenses sociales, a aussi fait avancer mercredi un autre sujet qui lui est cher: le patriotisme économique.
Pour l'heure, après avoir digéré les messages de la Fed, et portée par une nouvelle vague de résultats d'entreprises de très haute tenue, la Bourse de New York a fini en hausse ce jeudi : +0,44% pour le Dow Jones, +0,20% pour le Nasdaq.