Royaume-Uni : Rishi Sunak compte envoyer les demandeurs d'asile au Rwanda

Malgré des remous au sein de la majorité conservatrice, le Premier ministre britannique a franchi la première étape pour faire passer sa loi sur l'immigration. Mais la partie est loin d'être gagnée.
La Première ministre Giorgia Meloni a reçu samedi 16 décembre le Premier ministre Roshi Sunak au Palazzo Chigi, à Rome, pour discuter de leurs politiques en matière d'immigration clandestine. Londres veut envoyer les immigrés en situation irrégulière au Rwanda, Rome en Albanie.
La Première ministre Giorgia Meloni a reçu samedi 16 décembre le Premier ministre Roshi Sunak au Palazzo Chigi, à Rome, pour discuter de leurs politiques en matière d'immigration clandestine. Londres veut envoyer les immigrés en situation irrégulière au Rwanda, Rome en Albanie. (Crédits : Reuters)

C'est un grand ouf de soulagement pour Rishi Sunak. Malgré le vent de rébellion soufflant dans son camp, le Premier ministre britannique est parvenu mardi 12 décembre à obtenir un vote favorable pour son projet de loi controversé visant à envoyer les demandeurs d'asile au Rwanda. Une deuxième lecture à la Chambre des communes, chambre basse du Parlement britannique, aura donc lieu en janvier.

L'objectif du projet de loi Safety of Rwanda (Sûreté du Rwanda) est de décourager les clandestins traversant la Manche sur de petits bateaux pour gagner les côtes britanniques. Vivement critiqué par l'opposition travailliste - Keir Starmer, dirigeant du parti d'opposition, a promis de le torpiller dès son entrée au 10, Downing Street -, le projet suscite aussi la controverse dans le camp conservateur.

L'aile droite du parti le trouve trop mou, et dénonce la possibilité pour les clandestins de se pourvoir en justice afin d'éviter la déportation. « La loi n'est pas suffisamment ferme pour s'assurer que les vols pour le Rwanda décolleront vraiment », a déclaré Mark François, chef de l'European Research Group, une faction située à la droite du parti conservateur, dont les membres se sont abstenus lors du vote.

L'aile centriste du parti, elle, refuse tout durcissement qui risquerait de mettre le Royaume-Uni encore plus en porte-à-faux avec les accords internationaux dont il est signataire, comme la Convention européenne des droits de l'homme. « Nous refusons de voir la loi changer d'une manière qui transgresse les lois internationales », a pour sa part commenté Matt Warman, du groupe One Nation, qui rassemble une centaine de députés conservateurs. La loi permettrait en effet au gouvernement britannique d'ignorer les injonctions de la Cour européenne des droits de l'homme, qui peut empêcher les avions de décoller à la dernière minute.

Un grand écart difficile à maintenir pour Rishi Sunak. La majorité s'est cependant rangée derrière le projet de loi : aucun élu n'a voté contre et une trentaine se sont abstenus, loin des 100 voix évoquées lors des jours précédant le vote, ce qui a permis à la loi de passer avec une majorité de 44 voix.

Une goutte d'eau dans la Manche

Le Premier ministre n'est pas pour autant tiré d'affaire. Outre une deuxième lecture à la Chambre des communes, la loi devra ensuite passer par la Chambre des lords. « De nombreux lords, dont certains sont avocats, seront certainement peu satisfaits du texte, en particulier la partie qui permet de désobéir aux lois internationales, confie sir Jonathan Jones, un avocat britannique. Ils pourraient donc l'amender ou même le bloquer. »

Même à supposer que la loi passe, son impact sur l'immigration illégale serait modeste. « On parle de quelques centaines de personnes renvoyées par an, là où le nombre de clandestins arrivant chaque année sur de petites embarcations est de plusieurs milliers. Et ce pour un coût de la mesure estimé à 400 millions de livres sterling, peut-être même 500 ! Le gouvernement affirme qu'elle aurait un effet dissuasif, mais j'ai peine à croire que des migrants qui ont déjà pris des risques formidables pour arriver jusqu'au Royaume-Uni vont se laisser dissuader par une très faible chance d'être déportés au Rwanda », commente George Peretz, avocat membre de la société des juristes travaillistes.

Pourquoi le Rwanda ?

Si Rishi Sunak l'a fait sien, l'accord avec Kigali a été signé l'an passé par le gouvernement de Boris Johnson. Le projet de loi Safety of Rwanda a été rédigé en urgence après une décision de la Cour suprême du 15 novembre, qui dénonce l'accord de 2022 comme illégal : la fiabilité du système judiciaire rwandais ne permettrait pas de garantir que les demandeurs d'asile ne seront pas ensuite expédiés vers leur pays d'origine. Alors que les conservateurs sont à la peine dans les sondages, Rishi Sunak en a fait un coup de poker pour donner des gages à ses électeurs.

Le programme s'inspire de la politique migratoire australienne, dont le traitement des demandes d'asile à l'étranger constitue l'une des pierres angulaires. Le Rwanda a été choisi car c'est un pays stable qui abrite déjà de nombreux réfugiés du Congo et du Burundi, et dispose donc de structures d'accueil et de lois adéquates. Un rapport de Human Rights Watch de 2022 pointe toutefois également les atteintes aux droits de l'homme perpétrées par le gouvernement de Paul Kagame.

Commentaire 1
à écrit le 17/12/2023 à 4:30
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La France devrait adopter le même type de partenariat ... l'Union Africaine devrait bien être en mesure de nous fournir une liste exhaustive de pays sûrs en Afrique !!! de là, les négos pourraient commencer sans que la gauche bien pensante n'y trouve...

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