Un mois après le choc du séisme, le Maroc entre résilience et reconstruction

Malgré un lourd bilan humain (3 .000 morts et près de 6.000 blessés) causé par le tremblement de terre le 8 septembre, Marrakech accueillera à partir de ce lundi 14.000 décideurs économiques lors des assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale. Un défi que le Royaume, qui entame les opérations de relogement et de reconstruction des zones sinistrées, a réussi à relever grâce à ses propres forces, affirmant ainsi son statut de puissance régionale.
Marrakech accueillera ce lundi les assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI.
Marrakech accueillera ce lundi les assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI. (Crédits : Reuters)

« À Marrakech, les préparatifs d'aménagement s'intensifient depuis plusieurs jours, même la nuit », témoigne Nabil, touriste franco-marocain, en cette fin du mois de septembre sur la célèbre place Jemaa El Fna momentanément désertée par les visiteurs internationaux. La ville met les bouchées doubles pour accueillir du 9 au 15 octobre 14.000 décideurs économiques et financiers venus du monde entier pour assister aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale. Qui aurait pu imaginer que Marrakech, un mois à peine après avoir subi le choc d'un séisme de très forte intensité qui a touché durement les localités nichées au cœur du Haut-Atlas, tiendrait son rôle international? La réponse se trouve dans la résilience du pays.

Depuis ce triste samedi 9 septembre, l'État, sous l'impulsion du Roi Mohammed VI, a mobilisé dès les premières heures tous ses moyens pour atteindre l'épicentre du séisme à plus de 1.000 mètres d'altitude : Forces armées royales (FAR), autorités locales, services de l'ordre et équipes de la protection civile.

Expérience de la gestion des catastrophes

Une intervention rapide due à l'expérience que le Maroc a développée ces dernières années dans la gestion des catastrophes: celle du séisme d'Al Hoceima en 2004 comme celle de la pandémie du Covid-19 en 2020. Un pragmatisme qui a conduit le royaume chérifien à n'accepter que quatre offres d'aides sur les 60 pays qui l'avaient proposée : Espagne, Qatar, Royaume-Uni et Émirats Arabes Unis. Un choix justifié par des considérations « techniques », en particulier le manque de coordination qui dans de tels cas aurait été « contre-productif », selon le département marocain de l'Intérieur.

Quatre monarchies ont pointé certains pays non sollicités, dont la France, qui paierait, selon certains observateurs, sa position ambigüe sur le Sahara occidental, que le Maroc considère comme partie intégrante de son territoire, mais que le Front Polisario, soutenu par l'Algérie, revendique au nom de l'indépendance. L'argument est plus polémique que probant, Rabat ayant décliné l'aide de l'Allemagne et des Etats-Unis, qui reconnaissent sa souveraineté sur le Sahara occidental.

« Autonomie stratégique »

Car, comme l'ont souligné la presse locale et internationale, le Maroc a montré son « autonomie stratégique » et sa « souveraineté » dans ces circonstances difficiles: installation d'un hôpital médico-chirurgical de campagne (HMCC) dans la commune de Tafingoult, dans la province de Taroudant, mobilisant 114 médecins aux diverses spécialités médicales et chirurgicales et 600 infirmiers. Les FAR ont également déployé à Asni, commune rurale dans la province d'Al Haouz, un autre hôpital mobile proche des zones les plus meurtries par le séisme, qui a pris en charge plus de 5.000 patients en quelques jours.

Cette souveraineté s'est aussi manifestée par l'élan de solidarité exceptionnel des Marocains, une véritable « leçon de civisme », loue l'écrivain marocain Youssouf Amine Elalamy. A l'exemple du Roi Mohammed VI qui a fait don de son sang après s'être rendu au chevet des blessés au CHU de Marrakech, l'ensemble de la population a spontanément afflué dans les centres régionaux de transfusion sanguine. De même, des milliers de citoyens se sont rendus dans les centres commerciaux pour remplir leurs chariots de denrées alimentaires qui se sont transformés en plusieurs tonnes de dons envoyés vers les zones sinistrées. Dans la foulée, le compte spécial mis en place pour recueillir les dons financiers frise désormais le milliard d'euros.

« Aucun sinistré ne restera sans abri », a promis le roi Mohammed VI, alors que le chantier de la reconstruction s'annonce gigantesque : au moins 60.000 maisons ont été endommagées, dont plus d'un tiers totalement effondrées, selon le ministre marocain chargé du Budget, Faouzi Lekjaa. Rabat prévoit d'ores et déjà de consacrer un budget de 120 milliards de dirhams  (11 milliards d'euros), sur cinq ans, à la reconstruction, au relogement et à la valorisation socio-économique des zones touchées par le séisme. Quelque 4,2 millions d'habitants sont concernés par cet investissement, équivalent à près de 10% du PIB, qui illustre la volonté de se relever rapidement de ce drame.

Protection des enfants

Autre priorité de l'État: la protection des enfants. Le séisme, qui a touché plus de 100.000 enfants selon l'UNICEF, a fait de nombreux orphelins. Un recensement a déjà été lancé pour une prise en charge rapide. Ainsi, les enfants victimes du tremblement de terre dans la province d'Al-Haouz, au sud-ouest de Marrakech, se verront également octroyés, sur instruction royale, le statut de pupille de la nation.

Quant aux travaux de reconstruction, l'Exécutif va créer une Agence de développement du Haut-Atlas, dont la mission principale sera de superviser la mise en œuvre du programme de reconstruction et de réhabilitation. En visite à Asni, le Premier ministre, Aziz Akhannouch, a assuré que les mesures annoncées par le souverain chérifien seront rapidement mises en application. Néanmoins, la date du lancement de la reconstruction, censée débuter dans les plus brefs délais, n'a pas encore été révélée. Une étape qui passe par la nécessaire réouverture des routes. Or, en l'espace de trois jours seulement, « environ 92% de routes ont été rouvertes », affirme le ministre de l'Équipement et de l'Eau, Nizar Baraka.

Cette capacité à se relever, le Maroc va encore la montrer à l'échelle internationale en accueillant ce lundi la grand-messe du FMI et de la Banque mondiale sur le site de Bab Ighli, heureusement épargné, qui avait déjà accueilli en 2016 la COP 22 sur le climat. Autrefois porte d'entrée principale de la médina de Marrakech, ce lieu hautement symbolique dispose d'un campus de 50 hectares, d'une salle plénière pouvant accueillir jusqu'à 4. 000 personnes et de plus de 600 bureaux pour les différentes délégations officielles. L'enjeu pour Rabat n'est pas seulement d'avoir fait face au séisme, mais également d'asseoir son statut de nouvelle puissance régionale, alliant le front tactique avec son agenda stratégique.

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