Une tournée asiatique très lucrative pour Trump

Par Grégoire Normand  |   |  1175  mots
Trump et son homologue chinois Xi Jinping après leurs discours officiels ce jeudi 9 novembre. (Crédits : Reuters/Damir Sagolj)
Actuellement en tournée en Asie, Donald Trump est accompagné d'une délégation d'entrepreneurs américains pour conclure des contrats aux montants faramineux. Malgré l'ampleur des accords conclus, le déficit commercial entre les Etats-Unis et la plupart de ses partenaires économiques en Asie devrait être difficile à résorber.

La diplomatie économique tourne à plein régime pour la présidence américaine. Lors de sa tournée asiatique, la délégation officielle a multiplié les contacts avec les grandes entreprises pour signer de nombreux contrats commerciaux. Plusieurs PDG américains sont présents dans la délégation américaine que dirige le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, actuellement empêtré dans l'affaire des Paradise papers.

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250 milliards de dollars d'accords commerciaux

Selon le ministère chinois du commerce, plus de 250 milliards de dollars d'accords impliquant des entreprises américaines et chinoises ont été signés en marge de la visite de Donald Trump. L'avalanche d'accords a été qualifiée de "véritable miracle" par le ministre chinois du Commerce, Zhong Shan.

Dans la liste dévoilée jeudi, figure un accord entre le fabricant américain d'engins de chantier Caterpillar et le mastodonte China Energy, portant sur des ventes d'équipements miniers, mais sans détail financier.

De son côté, le fabricant de semi-conducteurs Qualcomm a signé des protocoles d'accord avec trois producteurs de smartphones chinois, Xiaomi, Oppo et Vivo, assurant pouvoir leur vendre "environ 12 milliards de dollars" de puces en trois ans.

Boeing a signé un accord portant sur l'achat de 300 avions pour un prix catalogue de 37 milliards de dollars, sans préciser si toutes ces commandes étaient nouvelles. Enfin, dans l'agroalimentaire, JD.com, spécialiste chinois de la vente en ligne, s'est engagé à acheter pour 2 milliards de dollars de produits aux Etats-Unis sur les trois prochaines années, dont 1,2 milliard de dollars de viande, notamment du bœuf du Montana.

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Des contrats dans l'énergie

De nombreux accords ont également été conclus dans le domaine de l'énergie. Trois organismes étatiques chinois ont conclu un accord pour développer des infrastructures de gaz naturel liquéfié (GNL) en Alaska, avec jusqu'à 43 milliards de dollars d'investissements prévus, selon un texte signé jeudi au deuxième jour d'une visite du président américain Donald Trump à Pékin.

Le géant pétrolier chinois Sinopec, le fonds souverain chinois CIC et la banque étatique Bank of China se sont alliés à l'Alaska et une firme publique locale, l'Alaska Gasline Development Corporation, pour doper l'exploitation de GNL dans cet Etat américain proche de l'Arctique. Cet accord, qui marquerait le premier investissement chinois dans le gaz naturel américain, prévoit des investissements conjoints totalisant jusqu'à 43 milliards de dollars, ont précisé les services du gouverneur de l'Alaska, dans une déclaration obtenue de source diplomatique.

Dans le détail, les différentes parties entendent contribuer à la construction d'un réseau d'infrastructures, dont un gazoduc reliant le nord de l'Alaska à une future usine de liquéfaction au sud de l'Etat, un terminal d'où le gaz pourrait ensuite être acheminé vers l'étranger, a précisé plus tard Sinopec dans un communiqué.

Une opération de communication ?

Si tous ces accords ont été qualifiés "de miracles", quelques analystes appellent à la prudence. Pour James McGregor, président Chine du cabinet APCO Worlwide, c'est surtout "de la politique à l'ancienne: un dirigeant arrive et tire prestige d'une série d'accords déjà en cours, auxquels d'autres sont ajoutés pour arriver à un gros chiffre". Certes, le bouillant hôte de la Maison Blanche "pourra tweeter qu'il est un formidable négociateur", a-t-il indiqué à l'AFP. En réalité, la plupart des annonces concernent des protocoles d'accord non contraignants et des lettres d'intention, plutôt que des contrats fermes. "Il est judicieux de se demander ce qui va réellement se concrétiser", avertit Christopher Balding, professeur à l'Université de Pékin, pointant des annonces "vagues", voire des partenariats "de routine".

Un déficit commercial toujours pesant

Depuis que Donald Trump est arrivé au pouvoir en janvier dernier, le solde commercial des Etats-Unis ne s'est pas amélioré. La balance des importations/exportations est toujours déficitaire comme l'illustrent les derniers chiffres du département du Commerce.

Et malgré tous les contrats signés par les entreprises américaines dans les pays asiatiques, le déficit commercial de la première puissance économique mondiale pourrait encore se creuser. En effet, les positions souverainistes et protectionnistes du milliardaire ne devraient pas forcément faciliter les échanges commerciaux des entreprises américaines.

Par ailleurs, les montants affichés des déficits avec les puissances asiatiques sont exorbitants. Selon Washington, le déficit commercial avec le géant chinois s'élève à 350 milliards de dollars par an. A titre de comparaison, le déficit des échanges de biens et services des Etats-Unis avec le Japon s'était élevé à 68,8 milliards de dollars selon des chiffres relayés par l'AFP.

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"L'Amérique d'abord "

En déplacement au sommet annuel des pays du forum de l'Asie Pacifique (Apec) au Vientnam, le président américain n' a pas cessé de marteler son célèbre slogan de campagne "America first". Il a rappelé devant ses partenaires commerciaux. que les Etats-Unis ne toléreraient plus les déséquilibres commerciaux qu'ils déplorent. Les Etats-Unis sont disposés à signer des accords bilatéraux avec tous les pays de la région "Indo-Pacifique" à condition qu'ils reposent sur "le respect et le bénéfice mutuels", a-t-il dit.

"Lorsque les Etats-Unis engageront une relation commerciale avec d'autres pays ou avec d'autres peuples, nous attendrons de nos partenaires qu'ils respectent loyalement les règles", a-t-il déclaré. "Nous souhaitons que les marchés soient autant ouverts d'un côté que de l'autre et que l'investissement privé, pas les planificateurs gouvernementaux, investissent directement", a-t-il ajouté.

 "Je suis ici aujourd'hui pour offrir un partenariat renouvelé avec les Etats-Unis - pour travailler ensemble à renforcer nos liens d'amitié et commerciaux entre toutes les nations de la région indo-pacifique, et ensemble, promouvoir la prospérité et la sécurité."

 Ce discours offensif contraste avec celui de son homologue chinois, Xi Jinping, qui a déclaré lors de son arrivée au Vietnam que la mondialisation était un processus irréversible, plaidant en faveur du développement des accords commerciaux bilatéraux.

Donald Trump lors de son discours au sommet APEC au Vietnam ce vendredi 10 novembre. Crédits : Reuters.

Le chef d'Etat américain était très attendu dans cette région par des dirigeants encore surpris du retrait abrupt des Etats-Unis de l'accord de libre-échange Asie-Pacifique décidé par Donald Trump trois jours après son arrivée à la Maison Blanche.

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